Chers frères et sœurs,
Mercredi dernier par l’imposition des cendres, « nous nous engagions » pour une conversion décidée de retour à Dieu ; nous nous engagions à nous repentir de nos mauvaises habitudes pour soutenir une résolution plus ferme, de coopérer à l’action purificatrice de l’Esprit Saint dans notre vie. Il s’agissait alors, si l’on peut dire, de rectifier nos attraits et nos démarches plus ou moins volontaires ; aujourd’hui la Parole de Dieu, par la lecture de la chute de nos premiers parents au paradis et les tentations repoussées du Christ au désert, semble s’adresser à nous, plus volontiers à nos intelligences afin qu’elles soient davantage éclairées pour mieux détecter nos péchés, souvent cachés sous divers parements, mais aussi découvrir les procédures des anges malveillants qui nous poussent vers le Mal.
Le récit de la Genèse pour cela nous instruit : d’abord que le péché n’est pas fondé en nous directement, mais que c’est le Démon qui en est l’auteur ; ensuite que ce Démon exerce son influence maléfique formellement dans le temps, qu’après notre consentement. Enfin nous apprenons avec l’évangile à la suite de Jésus, que désormais il nous est possible avec la grâce du Christ de vaincre la tentation.
Considérons donc Adam et Ève, dans le récit de la Genèse, environnés des animaux auxquels Adam avait donné un nom pour les identifier, et par là, reconnaitre en eux leurs caractères spécifiques en rapport avec les passions qu’il reconnaissait en lui (dans sa psyché).
Or voilà qu’Ève se trouve captivée par le plus avisé d’entre eux ; elle est stupéfiée par le discours du Serpent qui lui rapporte un propos déformé concernant la recommandation de Dieu, celle de ne pas manger des fruits du jardin ! Ève rectifie qu’il s’agit seulement de l’arbre situé au centre du jardin, en précisant que Dieu dans sa sagesse les avait prévenus, que « si vous en touchiez, vous en mourriez ».
Nous voyons qu’Ève est encore bien consciente que le Serpent, à partir d’une exception, a effectué une généralisation indue, abusive et fausse, et l’a déjà trompée. Elle aurait dû, à ce moment précis de reconnaissance, stopper toute tergiversation. Cette réplique trop vive d’Ève, sans doute l’a sortie d’elle-même et de sa présence à Dieu, ainsi continue-t-elle à tort de prêter attention à l’auteur du mensonge, alors qu’elle aurait dû se poser, revenir à Dieu promptement, comme il convient toujours de faire dans les moments de trouble !
C’est alors le commencement de la dérive, Satan peut s’interposer entre elle et Dieu, à la façon d’un rival ; le Démon passe d’une interprétation erronée à une déclaration mensongère et grossière d’un Dieu jaloux de l’homme. À l’humble et confiante dépendance de la Bienveillante Sagesse divine, se dresse la sagesse corrompue des anges révoltés. L’absolutisation du mensonge s’érige au niveau d’une vérité, et l’intelligence d’Ève s’en trouve éberluée; hébétée ; elle se laisse alors mener par l’attirance du désir sensible jusqu’au consentement.
Le Démon a gagné la première manche et il en gagnera un très grand nombre d’autres dans l’histoire mais il perdra la dernière, car déjà le Christ l’a vaincu ainsi qu’un grand nombre de saints à sa suite après Lui ; car la grâce dorénavant surabonde : « Là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5, 12-19)
Examinons maintenant plus brièvement les tentations de Jésus comme Saint Matthieu les présente.
Rappelons-nous d’abord que juste après le Baptême de Jésus remontant des eaux, a eu lieu l’épiphanie de la descente de l’Esprit sous forme de colombe et l’audition d’une voix céleste qui confessait : Celui-ci est mon Fils Bien Aimé, Celui en qui je me complais ». Satan a sans doute entendu cette voix mais il ne semble pas savoir à quoi cette dénomination correspond exactement ; celui qui ignore le mystère intime de la Personne de Jésus parait donc contraint de l’interroger.
Aussi commence-t-il pour le mettre à l’épreuve par lui poser la vraie question : si tu es le Fils de Dieu !
Il est remarquable que Jésus, face aux trois tentations successives, procède de la même façon en répliquant immédiatement avec assurance par trois citations scripturaires liées à la loi que Moise a reçue sur la montagne, la loi d’alliance que l’on trouve au chapitre VI du Deutéronome.
La Parole de Dieu qui sort de la bouche même du Verbe ne saurait faillir, son efficacité est, d’après l’apôtre, pareille à un glaive à double tranchant, impitoyable.
Quels arguments Satan peut-il tenir vis-à-vis de la Vérité qui se révèle franchement sans artifice. Le Christ la cite chaque fois en effet, en son sens plénier, elle est pour lui irréfutable : « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu » ; « tu ne mettras pas Dieu à l’épreuve» ; « C’est devant le Seigneur ton Dieu que seulement tu te prosterneras ».
Nous voyons bien que le Christ ne cherche pas à discuter avec l’adversaire ! Jésus sait se taire quand les circonstances l’imposent.
Évidemment nous n’avons pas la même lucidité, ni en mémoire toute la sainte Écriture, ni le juste discernement d’Esprit que Jésus a pu avoir ; cependant nous devons adopter une vigilance semblable devant l’adversité déclarée.
Surtout il nous revient, dans l’épreuve, de nous placer constamment sous la lumière du Saint Esprit, afin d’être en mesure de réagir comme il convient lorsque l’occasion se présente impromptue, et qu’il nous est susurré à l’oreille : es-tu enfant de Dieu vraiment ?