Frères et sœurs,
L’Église fête aujourd’hui le Christ Roi de l’Univers ; il s’agit d’une fête récente instituée par le Pape Pie XI. Pourtant, le Mystère qu’elle célèbre est vieux comme le christianisme, il est vieux comme les prophètes de l’Ancien Testament qui annonçaient le désir de Dieu de donner au monde le Sauveur.
Tout au long de cette année, nous avons médité de mille manières sur le mystère chrétien ; qu’avons-nous fait à travers ces méditations ?
Nous avons simplement réfléchi à l’expérience humaine sous la lumière de cet Homme qui s’appelle Jésus-Christ et dont nous croyons qu’Il est le Fils de Dieu ; sous mille facettes : la profession, la famille, l’argent, la misère, l’épreuve, la joie, la santé, la maladie, la mort même, c’est toute notre vie qui est concernée par cet Homme Jésus, par ses Paroles comme par la manière dont Il a vécu, dont Il a souffert, dont Il est mort.
Tout en nous est concerné par sa résurrection : voici une manière de percevoir plus clairement ce que st Paul nous dit : Tout subsiste en lui. Il est quand même surprenant de voir qu’à la lumière de la vie de Jésus, nous avons pu prendre conscience du sens de notre vie et entrevoir comment la gérer sans manquer à ce qui nous apparait dans la foi comme essentiel.
Nous voyons ainsi que la royauté du Christ n’a rien qui ressemble à la domination d’un chef temporel sur son pays. Si le Christ nous donne une loi, ce n’est pas une loi extérieure, arbitraire ; Il nous révèle notre propre loi de construction. Le premier contact qu’eurent les disciples avec Jésus de Nazareth, ce fut une rencontre tout à fait simple et naturelle. Comme toutes nos rencontres, celle-ci commença à tâtons. Très vite, lorsqu’ils entendirent Jésus parler du Royaume de Dieu, les disciples lui appliquèrent les prophéties anciennes qui annonçaient la venue d’un Roi envoyé par Dieu ; ils le reconnurent de ce que dans les textes anciens disaient du roi David ; pendant trois ans, ils attendirent qu’il se manifesta ; ils crurent que le moment était venu lors de son entrée triomphale à Jérusalem ; malheureusement, tout s’écroula quelques jours après ; on venait d’arrêter Jésus ; on le condamnait à la croix ; voici que tout est consommé ; ses amis ont déposé le corps de Jésus dans un tombeau.
Or, c’est au pied de la croix que se joua en réalité la royauté de Jésus ; Mon Royaume n’est pas de ce monde dit-il à Pilate ; quelques-uns ne s’y trompèrent pas ; l’évangile que nous venons de proclamer nous parle du bon larron : brigand condamné, voici qu’il rabroue son camarade de supplice : Pour nous c’est justice, nous avons ce que nous méritons, mais lui, il n’a rien fait ; il se retourne alors vers Jésus et lui exprime toute sa confiance : Pense à moi quand tu reviendras comme Roi. Nous savons aussi la parole du centurion : Celui-là était un juste, lui aussi, quittant son masque de fonctionnaire, adresse à Jésus une parole d’homme.
Évidemment, nous n’aurions garde d’oublier Marie, la foi ne fut pas plus facile pour elle ; reconnaitre le Messie en son Fils ne fut pas simple, mais ce qui établit la différence entre elle et les disciples, c’est la disponibilité de son cœur, une fois pour toutes elle a dit au Seigneur : Qu’il me soit fait selon ta Parole. Même au pied de la croix, sa confiance ne défaille pas et sa disponibilité demeure totale.
Le Royaume de Dieu est bien dans les cœurs, nul ne peut y entrer que par la voie intérieure ; Dieu n’a jamais voulu écraser l’homme sous sa puissance : il a voulu le conquérir par son humilité.
Comme disait l’Abbé Huvelin à Charles de Foucauld : Si bas que vous soyez tombé, Dieu est encore plus bas !
À nous de prendre les même chemins ; par-là, nous pourrons découvrir avec quelle joie, combien réellement la personne de Jésus peut focaliser tous nos désirs, en donnant un sens à chacune de nos journées.
Parce qu’en dehors de la résurrection de Jésus, il ne peut y avoir un sens valable pour la vie d’un homme comme pour la vie de l’humanité.
Alors, quand surgissent les tempêtes intérieures ou extérieures, qui peuvent nous secouer ici ou là, comment ne pas faire nôtre ce poème d’Édith Stein, sœur Thérèse Bénédicte de la Croix, carmélite morte à Auschwitz :
Seigneur, que les vagues sont hautes, que la nuit est obscure ! Ne voudrais-tu pas l’éclairer pour moi qui veille solitaire ?
Tiens fermement le gouvernail, garde confiance et reste calme. Ta barque a du prix à mes yeux, je veux la mener à bon port.
Garde confiance et reste calme : à travers nuits et tempêtes la volonté de Dieu, fidèle, te guide, si ton cœur veille,
Amen.
