Frère et sœurs bien aimés,
L’apôtre Paul dans la 2ème lecture, tirée de la lettre aux Galates, nous appelle, nous invite, nous sollicite, pour marcher dans l’Esprit-Saint. À trois reprises dans ce passage, Paul nous dit : « Marchez sous la conduite de l’Esprit-Saint » ; « Laissez-vous conduire par l’Esprit-Saint », et il termine : « Marchons sous la conduite de l’Esprit-Saint ».
Frères et sœurs bien aimés, c’est ce matin sans doute le point de bascule de notre conversion : accepter de marcher sous la conduite de l’Esprit-Saint. Il ne s’agit pas simplement de dire : « l’Esprit-Saint a été donné… le Christ est ressuscité… l’Église est Sainte… le catholique appelle tous les hommes au Salut ! » ; si cela ne vient pas nous rejoindre, nous convertir et nous entraîner dans cette vie nouvelle, cela reste comme de l’eau sur les plumes d’un canard ! … sans effet.
Nous sommes appelés à être ce matin vivifiés par la puissance de l’Esprit-Saint. Que cela ne soit pas des mots ou une ritournelle où l’on est habitué : « Dieu est amour, le salut est donné … aimons-nous les uns les autres… ». Tout ça est très juste et très vrai, mais si cela ne nous convertit pas, à quoi cela sert-il ?
Nous sommes appelés à marcher sous la conduite de l’Esprit-Saint, telle est la finalité du don de l’Esprit ; c’est-à-dire vivre de lui, vivre en lui, nous laisser conduire par lui intérieurement et extérieurement, tant sous le plan personnel que sur le plan communautaire ecclésial : ce qu’on appelle une marche synodale.
Le jour de la Pentecôte, c’est-à-dire cinquante jours après la résurrection du Christ Jésus et dix jours après son Ascension, l’Esprit-Saint est envoyé aux douze apôtres et au groupe des disciples réunis autour de Marie, en prière au Cénacle à Jérusalem. La promesse du Christ Jésus d’envoyer un autre paraclet vient de s’accomplir. Le mot ‘paraclet’, voulant dire : défenseur, protecteur, avocat, conseiller, quelqu’un qui se tient à côté pour soutenir celui qui est accusé, ou qui a besoin d’être aidé. Nous avons deux paraclets : le premier paraclet est Jésus lui-même, et il nous envoie un autre paraclet qui est l’Esprit-Saint. Et comme dit Saint-Irénée de Lyon : « Le Père vient nous sauver avec ses deux mains qui sont : son Fils et l’Esprit-Saint ».
Frères et sœurs, l’Église est solennellement instituée, constituée en ce jour, et envoyée en mission. Envoyée en mission pour annoncer l’évangile, la bonne nouvelle du Salut, qui n’est pas quelque chose de surérogatoire, quelque chose qu’on pourrait ajouter, mais qui est nécessaire au salut éternel des âmes. Nous avons besoin de nous réveiller face à la nécessité du Salut, et de vivre en homme et en femme nouveaux. Nous disons toujours « le monde doit changer, le monde va mal » … D’ailleurs depuis le péché originel, le monde va très mal ! Mais depuis la résurrection du Christ, le monde est ressaisi ! La résurrection du Christ nous a recréés, encore faut-il le vivre ! Et c’est dans la mesure où nous nous convertirons, chacun et chacune d’entre nous, que le monde ira mieux.
Nous sommes invités à changer de vie, à rentrer dans cette nouveauté de l’évangile, afin d’améliorer notre vie sociale dans notre pays, en France, en Europe, dans le monde. Il ne s’agit pas de demander toujours aux autres de changer. Il faut commencer par soi-même et balayer devant sa porte.
Oui, nous sommes appelés à être des pierres vivantes de l’Église. Si l’Église est instituée aujourd’hui, et constituée, elle a été fondée par le mystère de l’Incarnation lorsque le Verbe Éternel, le logos, deuxième Personne de la Trinité, a pris chair dans le sein de la Vierge Marie (nous fêtons cela le 25 mars au niveau liturgique). Mais aujourd’hui l’Église est visiblement instituée et constituée par le Feu de l’Esprit Saint, qui à la fois purifie, unifie et sanctifie.
Le Maître du monde, le Seigneur, Lui par qui tout a été créé (et tout l’être qui est maintenu dans l’Être), vient réconcilier ses créatures (que nous sommes), vient les réconcilier avec lui, et par le fait même, nous ouvrir à une réconciliation fraternelle au sein de notre humanité divisée et cruellement déchirée.
Frères et Sœurs, l’Esprit Saint n’est pas une nébuleuse au-dessus des nuages ! Ce n’est pas une cristallisation de la conscience humaine qui serait un esprit qui nous guiderait… Ce n’est pas une énergie mystérieuse qui jaillirait du fond de la terre, de la mère terre, pour nous conduire je ne sais où… Ce n’est pas une puissance cosmique qui viendrait nous diriger, nous atteindre !
L’Esprit Saint est l’une des Personnes de la Trinité Sainte : l’Esprit du Père, l’Esprit du Fils, l’Esprit du Père et du Fils dans leur relation éternelle d’amour, d’agape. Jésus était rempli de l’Esprit Saint. La Personne de Jésus est divine. Jésus est vraiment Dieu mais il est vraiment homme. Et dans son humanité sainte, dans sa corporalité et dans son âme humaine, dès sa conception, il était en plénitude dans l’Esprit Saint. Non seulement dans sa divinité comme deuxième Personne de la Trinité mais en tant qu’homme. Et c’est pour ça qu’il peut nous communiquer son Esprit Saint. C’est son Esprit, uni à son Esprit humain, à son âme, mais qui communique par son humanité sainte la grâce de l’Esprit Saint. C’est ce que disent les Pères de l’Église : « Tout ce que le Christ Jésus a assumé, est sauvé ». Et comme il a tout assumé, tout est sauvé !
Cet Esprit Saint est Dieu lui-même qui vient nous transformer au plus intime de notre être et de notre existence. Notre conversion n’est jamais finie. Bien sûr, il y a les grands axes : sortir du péché, du péché volontaire : on laisse de côté le Mal et on choisit la lumière. Et toute la vie, toute notre vie est un combat. Saint Paul nous le rappelle. Nous avons en nous une tendance. Nous sommes tiraillés, attirés par le mal, par tout ce qui est tordu. Nous sommes appelés à nous laisser prendre, à nous laisser guérir par la présence de l’Esprit Saint qui vient nous apporter l’amour, la paix, la joie, le maitrise de soi, la patience, la bonté, la bienveillance, la confiance dans les autres.
Frères et sœurs, comme tout don, l’Esprit Saint suppose l’accueil de ce don par les hommes, l’accueil et la réception par les hommes et les femmes de ce temps. Cet accueil ne conditionne pas le Don lui-même, mais la fécondité du don reçu. On peut recevoir un bouquet de fleurs et le jeter ! Ou ne pas le recevoir… Dieu non seulement nous fait des cadeaux, mais il se donne Lui-même.
Cet Esprit Saint, nous l’avons reçu lors de notre baptême, et de façon spécifique lors de la réception du sacrement de confirmation qui nous confère ce Don de l’Esprit tel que les apôtres l’ont reçu le jour de la Pentecôte, non pas avec les manifestations extérieures mais dans la substance humaine. Et ce qui constitue le chrétien, la chrétienne, c’est d’être baptisé, confirmé et d’avoir reçu le charisme. C’est la structure de notre être chrétien. Si quelqu’un ne l’a pas reçu, sa structure n’est pas finie en tant que chrétien. Nous sommes appelés à recevoir ces trois sacrements et à en vivre. Certaines personnes disent : « je suis en règle… j’ai été baptisé… j’ai fait ma communion… j’ai été confirmé » … comme si c’était un concours ! Voyez : on a passé le concours, on est stable, on est établi !
Il ne s’agit pas de cela ! Il s’agit d’un Don : don de vie (don de vivre cette aventure d’amour) et de le faire fructifier. Il ne nous sert à rien d’avoir le réfrigérateur plein de nourriture si on ne mange pas !
Nous sommes donc marqués, chrismés par la puissance du Saint-Esprit. Ces deux sacrements du baptême et de la Confirmation ont laissé dans notre âme une marque spirituelle indélébile que rien ni personne, pas même notre propre lâcheté ne peut enlever. C’est irrémissible.
Oui, cette puissance du Saint-Esprit qui est là pour être et vivre dans la vie même du Seigneur Jésus, vivre de la vie même de Dieu qui est le propre de la vie trinitaire et le but de notre chemin d’humanité. Cette force de l’Esprit Saint, frères et sœurs, va développer en nous cette ressemblance, la conformité avec la Personne du Christ, vrai Dieu et vrai homme, et avec l’évangile du Salut, notre référence constante. Elle va nous introduire et nous établir comme membres vivants et féconds dans la vie même de l’Église, pour déployer toutes les potentialités de notre personne au service de Dieu et au service de son dessein de Salut sur le monde.
Il ne s’agit pas d’être des gens gentils, des bons chrétiens… Nous sommes appelés à être des saints ! C’est ce que disait un célèbre écrivain du début du XXe siècle : « Il y a une seule tristesse, c’est de ne pas être un saint ! ».
Chacun, selon sa vocation et sa mission personnelle, va s’intégrer dans cette constitution du Corps du Christ qui s’appelle l’Église (le corps mystique du Christ). Ce changement, frères et sœurs, cette transformation, n’est pas appelé à rester générique, platonique, théorique, des gens bien gentils, bien rangés, mais à être mis en œuvre de façon concrète dans notre vie, dans notre personne, dans notre quotidien, comme dans les choix fondamentaux de notre existence humaine : choix professionnel, mariage, vie consacrée, etc… et dans le quotidien de notre vie.
Marcher dans l’Esprit Saint, marcher sous la conduite de l’Esprit, suppose une attention, être attentif, avoir une vigilance intérieure pour savoir ce qui se passe à l’intérieur. Et donc d’éviter tout le brouhaha, ce marché gare continu qui nous habite ; éviter de le regarder (on ne peut pas l’empêcher d’être là) mais d’être attentif à ce que la grâce de Dieu nous dit au fond de notre âme ; d’avoir ce silence intérieur qui parfois nous fait peur parce que nous revenons à notre vérité qui n’est pas de toute beauté.
Nous sommes appelés à nous purifier et à recevoir ce mystère de relation et d’alliance avec Dieu. Cela suppose un calme et une paix intérieure qui est toujours à rechercher et à maintenir, qui nous permettra cette possibilité de discerner et d’écouter avec clarté ce que l’Esprit Saint nous demande ici et maintenant. Si le Seigneur nous parle à travers les événements de la vie, les personnes proches ou lointaines, les circonstances de la vie humaine, nous découvrons aussi les appels de Dieu dans ce cœur à cœur dans la prière, dans la lecture de sa Parole, la Lectio divina, et dans la réception des sacrements, surtout la réception du sacrement de pénitence, savoir confesser ses péchés pour recevoir l’Eucharistie avec dignité, recevoir Jésus en nous. Nous pouvons nous poser la question : est-ce qu’aujourd’hui je suis une pierre vivante de l’Église, ou est-ce que je suis une pierre morte ou pourrie ?
Frères et sœurs, avançons dans cette triple certitude. Tout d’abord que l’Esprit Saint est toujours avec nous, non pas par une conviction psychologique ou la méthode Coué (en disant « tout va bien et le Saint Esprit est avec moi ») … mais comme vérité de foi ; l’Esprit Saint nous a marqués et nous accompagne toujours. C’est à nous à ouvrir la porte pour écouter ce qu’il veut nous dire.
Ensuite que l’accomplissement de la volonté de Dieu dans le souffle de l’Esprit Saint soit vraiment le gage de la réussite de notre vie. La réussite de notre vie ce n’est pas d’avoir de l’argent, d’être bien rangé, d’avoir des titres, d’avoir des bons revenus, de garder la santé… c’est d’avoir accompli dans sa vie, au terme de sa vie, la volonté de Dieu. Est-ce que ce matin, si nous allons mourir dans quelques instants, nous pouvons dire j’ai accompli la volonté de Dieu ? Petit test stimulant !
Enfin que l’accueil et la coopération avec l’Esprit Saint nous permettent d’accomplir la mission personnelle et irremplaçable que le Seigneur attend ce matin de chacun et de chacune d’entre nous. Nous sommes uniques dans l’histoire de l’humanité, nous avons une mission unique. Ne gaspillons pas le temps de Dieu, ce n’est pas pour être culpabilisé ; ce n’est pas pour se mortifier !
C’est pour vivre la plénitude de la joie et de la paix, pour réussir sa vie. Ne nous trompons pas d’objectif ! Ce n’est pas le brio humain, ce n’est pas ce qui brille, les carrosseries chromées qui sont importantes, c’est la vérité de notre vie au plus profond de soi-même, à travers les embûches de la vie, les difficultés, les souffrances de l’existence humaine. Et Dieu est là ! Il suffit de s’ouvrir et d’avancer avec lui. Oui, dans cette aventure humaine, par cette relation vivante, vivifiante, permanente de l’Esprit, de l’Esprit de notre Père du Ciel et de son Fils Jésus.
Frères et Sœurs, puisse Marie, Mère de Dieu, notre Mère dans l’ordre de la grâce, que nous fêterons demain comme Mère de l’Église, soit pour nous, aujourd’hui, et tout au long de notre vie, l’aide maternelle qui nous guidera sur le chemin de la vie.