Frères et sœurs bien-aimés,

la richesse des textes de ce dimanche nous permettrait d’aborder, de méditer, de commenter, nombre de sujets ou d’appels venant du Seigneur Jésus. Nous pourrions ce matin en retenir un seul : à savoir l’accueil de Jésus dans notre vie. L’accueil personnel de Jésus dans notre vie.

Dans l’évangile, Jésus se révèle par ses paroles, et surtout par ses actes, comme celui qui inaugure – mais plus encore – accomplit les promesses faites aux patriarches, mais, faites aux prophètes, exprimées par les prophètes, espérant et annonçant les temps messianiques.

Jésus enseigne les foules, ces milliers de personnes, assoiffées de la parole de Dieu, assoiffées d’un sens dans leur vie, assoiffées de justice face à l’injustice des grands, à l’injustice chronique et de la libération que ces personnes attendent. Et cette libération, ce peuple, cette foule, sait qu’elle est contenue dans la parole de Dieu et qu’elle se réalisera par la parole de Dieu.

Jésus fait des miracles de guérison : il guérit des sourds, des aveugles, des paralysés, des boiteux, mais aussi il libère nombre de personnes de l’emprise maléfique de Satan et de ses démons : des anges pervertis et qui veulent pervertir.

Pour certains de ses proches, Jésus a perdu la tête ! Car ces personnes, même proches de lui dans sa condition humaine, ne considèrent Jésus qu’à l’aune de leur propre perception, dans sa vie volontairement cachée à Nazareth, qui représente quatre-vingt-dix pour cent de sa vie sur la terre. Ils sont comme habitués à Jésus ! Ils le connaissent. Et surtout ils le connaissent dans cette vie cachée mais n’acceptent pas le changement : n’acceptent pas le changement opéré au Jourdain lorsque le Père manifeste à son Fils et à la foule présente, le commencement, l’ouverture du ministère public de son Fils. Non pas que Jésus ait pris conscience de sa divinité à ce moment-là… pas du tout ! Mais Jésus reçoit de son Père dans l’Esprit Saint, dans son humanité sainte, ce mouvement qui l’entraîne d’abord au désert, et à lutter contre Satan, contre le diable, et puis dans son ministère public.

Jésus alors se révèle comme l’Envoyé du Père, plus encore, comme son Fils, son Fils unique et bien aimé qui manifeste qui est le Père, qui manifeste qui est Dieu : ce terme générique qui exprime ce que les traditions religieuses nous disent de cet Être supérieur. Mais ce Dieu est Père, c’est la Révélation qui nous l’apprend. Et par le fait même, Jésus nous révèle qui nous sommes ! Plus nous connaîtrons Dieu, plus nous nous connaîtrons nous-mêmes.

Jésus dérange (Il continue à déranger aujourd’hui !) ; Jésus dérange certains de ses proches qui ne comprennent pas (ou ne veulent pas trop comprendre) l’identité réelle de Jésus qui les bouscule. Ils restent enfermés dans leur connaissance antérieure, leur certitude qui les sécurise, et cette connaissance circonscrite de la vie cachée du Seigneur dans ce petit village de Nazareth. Pour les scribes (c’est-à-dire ceux qui connaissent la Loi) descendus de Jérusalem, eux aussi ne comprennent pas, et plus grave encore : refusent de comprendre que Jésus n’est pas un inconnu sorti de « je ne sais où », mais bien le Messie, le Christ, celui qui a reçu l’onction – qui n’est pas forcément une onction d’huile – mais l’onction de l’Esprit Saint dans son humanité. Le Christ attendu, espéré par Israël… et qui devait être accueilli par les autorités religieuses d’Israël : les grands prêtres et les scribes… c’était leur mission de reconnaître Jésus comme le Messie, c’est-à-dire comme le roi des juifs et le roi d’Israël !

Ces deux catégories de personnages – certaines personnes proches de Jésus et les scribes, les savants ou justement ceux qui croient savoir – restent comme imperméables au signe de la réalité, au signe du réel, et tombent dans une forme de déni face au Seigneur Jésus : la non-acceptation de la réalité. Jésus les met en garde, et nous avec, dans cette orientation qui refuse de connaître, et de reconnaître, la vérité de l’action du Christ Jésus dans ses œuvres et ses paroles. C’est un péché contre la lumière, un péché contre l’Esprit Saint, qui ne peut être pardonné si les personnes demeurent dans cette attitude de sclérose volontaire du refus de la lumière qui les inonde.

La lumière de Dieu s’impose par sa seule présence, comme la vérité. Nous n’avons pas à imposer la vérité…la vérité s’impose par elle-même ! Mais cette vérité, cette lumière contredit, et plus encore, contrarie les idées reçues et les pratiques sclérosées. L’apôtre Paul constate que la puissance de la grâce divine répandue dans le monde, permet à l’homme intérieur (renouvelé par le baptême) de se renouveler de jour en jour, nous dit-il dans la deuxième lecture de ce jour. Ce renouveau, ce renouvellement, s’opère par l’action de Dieu dans le monde, dans l’Église, dans les âmes de chaque être humain, particulièrement du croyant qui s’ouvre et veut toujours plus s’ouvrir à l’action de la grâce dans sa propre personne et sa propre vie.

« Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère ».

Frères et sœurs, cette affirmation n’enlève rien à Marie, mère de Jésus. Elle, qui deviendra au pied de la croix, sur la demande-même de Jésus, la mère de l’apôtre Jean, la mère de tous les disciples du Christ et même de tous les hommes ! Cette affirmation s’adresse à nous pour dilater notre esprit, pour dilater notre cœur et élargir notre regard trop souvent restreint, voire étriqué.

Celui qui est notre Sauveur, le Christ Jésus, notre Créateur, notre Dieu, se fait l’un de nous ! Comme le disent les Pères de la tradition grecque chrétienne : « L’un de la Trinité s’est fait l’un de nous ». Il devient frère pour nous, il devient frère avec nous. Jésus est notre frère ; frère unique et miséricordieux, comme en quelque sorte un premier de cordée qui avance sur la montagne au milieu des dangers et des tempêtes du monde. Le psaume 129 que nous avons eu comme psaume responsorial nous invite à mettre toute notre espérance dans le Seigneur, quels que soient les ravins de mort que nous puissions traverser dans notre vie personnelle, familiale, nationale, internationale. « J’espère le Seigneur de toute mon âme, je l’espère et j’attends sa parole » ; cette attente comme un veilleur qui guette l’aurore.

Cette proximité permanente de Jésus, frères et sœurs, nous permet de commencer, plus encore de poursuivre, avec une confiance renouvelée, notre communion avec lui.

Il n’y a pas de vie chrétienne authentique et plénière sans une relation personnelle, consciente et amoureuse avec le Christ Jésus.

C’est ce qui transforme notre vie, qui est le point de pivot qui nous permet de basculer dans la vie spirituelle qui n’est pas réservée à une élite mais qui s’adresse absolument à tous les baptisés.

Si la description du chapitre 3 du livre de la Genèse nous ouvre aux conséquences du péché des origines – à savoir la peur de Dieu – nous sommes devenus des peureux chroniques avec une forme permanente de suspicion à l’égard de Dieu et à l’égard des autres. Une fracture ouverte dans la relation homme et femme, femme et homme, et le déséquilibre, le désordre, la violence, qui sont engendrés comme les fruits amers de la désobéissance, de la révolte volontaire et éclairée contre Dieu.

La présence de Jésus, son œuvre de salut et de libération, viennent rétablir, renouveler cet état de choses, dès à présent, et nous ouvrir à une vie nouvelle de bonté, de beauté surnaturelle, de fraîcheur dans notre relation avec Dieu, et les uns avec les autres, avec tous nos frères et sœurs.

Frères et sœurs, ce changement réel se déroule, et se déroulera, dans la paix du Christ mais au creux même d’un combat spirituel des plus féroces et des plus profonds ! Un combat métaphysique et surnaturel qui a été vécu, qui est vécu et qui va être vécu, qui dure et durera jusqu’à la venue glorieuse du Christ à la parousie. Seule notre confiance en Jésus, notre foi en lui et notre espérance en sa Parole, nous permettront de traverser l’océan agité et périlleux de cette existence pour nous diriger vers le port du salut, guidés par l’étoile de la mer : Marie dont nous avons fêté le Cœur Immaculé hier.

La Vierge Marie qui, avec une douceur et une tendresse maternelle, nous accompagne dans ce pèlerinage humain, chacun et tous ensemble. Dieu n’oublie pas l’humanité, Marie non plus ! Cette confiance en Jésus nous permet, et nous permettra, d’accomplir avec simplicité, modestie et même avec aisance, ce qui nous paraissait jadis comme impossible, inaccessible, voire intolérable.

Enfin, cette même confiance en Jésus nous permettra d’intégrer davantage avec conscience et amour, la garde de nos frères et sœurs en humanité : l’Église.

Nous sommes co-responsables les uns des autres !

« Qu’as-tu fait de ton frère ? » disait Dieu à Cain… il venait de l’assassiner !

Que faisons-nous de nos frères et sœurs proches et lointains, de nos frères en humanité ?

Oui, ces frères et sœurs du Christ qui, avec lui et sous son action, œuvrent personnellement et ensemble, à la construction d’une humanité ressaisie par la grâce divine, et appelée à la gloire céleste, corps et âme. Et cette humanité ressaisie, recréée s’appelle l’Église !

Frères et sœurs bien-aimés, puisse l’expérience dans notre vie concrète – et pas évaporée – de la Présence et de l’amour du Christ Jésus, nous ouvrir à un témoignage toujours plus éloquent auprès des hommes de notre temps, pour la joie du Seigneur qui veut se révéler, qui a soif de se répandre dans le monde d’aujourd’hui. Amen.

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