Chers frères et sœurs,

La solennité du Christ-Roi vient en conclusion du déroulement annuel de la liturgie, qui célèbre le déploiement, dans le temps et l’espace, de tout le mystère du Christ.

Cette fête est pour ainsi dire le couronnement de l’œuvre du Salut réalisé par le Christ, bien que cet ouvrage rédempteur, paradoxalement, ne soit pas pleinement achevé. Il lui manque encore cet accomplissement des « derniers temps » voulu par le Christ, qui exige une certaine coopération liturgique (spécifiquement humaine) à son mystère pascal ; parce qu’à la suite des apôtres, nous sommes devenus maintenant, à notre humble mesure dans la foi, des serviteurs de Dieu, non nécessaires sans doute, mais de fait, des coopérateurs exprimant notre gratitude dans l’attente de la Parousie finale.

La fête de la royauté du Christ se présente ainsi comme une anticipation du retour du Christ, « le point d’orgue liturgique » de sa mission salvatrice, dans le temps. Ce qui n’empêche nullement de la considérer aussi, sous un autre point de vue, comme « la clé de voute » de la foi chrétienne et de sa doctrine, car elle dévoile la finalité du sens de toute l’histoire humaine : sa prédestination à partager la gloire divine du Christ, médiateur et sauveur, en dépit de notre rupture initiale.

Par-là, elle met en valeur la capacité foncière de tout homme voulu par Dieu, d’être en capacité de recevoir avec aisance la Révélation de son créateur, et tous les Dons gratuits de Dieu qui lui sont associés. Dons incomparables que l’Esprit communique dès maintenant aux membres de l’Église pour leur édification, leur sanctification et même déjà leur divinisation. N’est-ce pas cela que nous a démontré récemment la commémoraison de la Toussaint ? Ces vies très diverses des saints réunis dans cet unique Corps mystique, encore insondable.

La Parole créatrice qui est le Verbe, s’est donc fait homme en Jésus Christ, d’après St Luc et St Matthieu et plus succinctement en St Jean dans le prologue de son évangile. En ce dimanche, le même St Jean dans l’Apocalypse, après avoir annoncé que le Christ était « le témoin fidèle, le premier né d’entre les morts, le Souverain des rois de la terre », le nomme encore « Fils de l’homme », puisque le Christ lui-même s’est approprié plusieurs fois cette dénomination qui est liée au jugement final d’après le prophète Daniel. Le Christ est donc à la fois, au commencement, au centre et à la fin de tout, et puisque son omniprésence est agissante et directive, II est bien le Roi par excellence.

Les fidèles sont ainsi appelés à le reconnaître comme tel, non seulement dans la méditation de la liturgie de ce dimanche, en célébrant par cette fête sa royauté, mais aussi en le confessant, en le traduisant concrètement dans leur vie ordinaire. En ces temps du Christ de la fin de l’histoire d’Israël en effet, la royauté de David demeurait le modèle de la suprématie selon Dieu : un roi choisi par Dieu, ayant reçu de Dieu le pouvoir de régir pour servir son peuple, qui permettait de percevoir par le prophète, cette charge imposante comme tenant ce rôle de Dieu, protecteur de son peuple !

Lors de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, n’oublions pas que Celui-ci, le Christ, accepta d’être acclamé comme « Fils de David », successeur légitime et définitif du Roi selon le cœur de Dieu. Cette lecture de la place du Christ et de sa mission a pu prendre la forme de triomphalisme dans l’esprit de bien des chrétiens, car l’idée d’un règne terrestre du Christ, pour certains, n’était pas absente. N’est-ce pas cette tentation d’ailleurs que les disciples ont connue ? Celle aussi de Pilate qui l’amena au moment de la Passion à poser de façon officielle sa célèbre question : « Es-tu le Roi des juifs ? »

Question capitale, mémorable, qui nous vaut la magnifique réponse de Jésus : « Ma royauté n’est pas de ce monde… Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la Vérité, et quiconque appartient à la Vérité, écoute ma voix ». Hélas Pilate reconnait trop tard l’Innocence de Jésus sur le point précis où on l’accuse, de telle sorte que tourmenté et très embarrassé, il cèdera sous la pression de la foule excitée par les chefs Juifs. Personne, de fait, ne pouvait saisir véritablement cette royauté secrète du Christ Jésus, sans la foi en la Résurrection d’entre les morts. Ce n’est qu’à cette lumière toute nouvelle, qu’il n’y aura plus de confusion possible ; sa royauté apparaitra avant tout spirituelle, elle sera munie de la seule force de l’Esprit. Si le Christ est roi, c’est au sens profond d’une autorité libératrice des cœurs. Or que demande ce Roi à ses sujets ?

Seulement la foi et l’Amour !

L’humble foi en ses paroles et en ses gestes relatés dans les évangiles. Cette apparente subordination n’est pas aveugle puisqu’elle demande aux baptisés que nous sommes, de faire confiance à son Esprit, cet Esprit qu’Il nous délivre depuis sa céleste Ascension, car c’est l’Esprit qui nous permet d’exercer nos libertés en accord avec la divine volonté. N’est-ce pas dire que Dieu désire nous faire grandir dans sa grâce, qu’il faut qualifier de « filiale » ? Car comme St Paul, nous voulons « vivre dans le Christ », pour faire croître notre maturité spirituelle personnelle.

Alors au lieu de nous sentir contraints de marcher au ras du sol dans l’obscurité d’un avenir incertain, nous sommes guidés, avec la prière, à ressentir l’assurance d’une protection supérieure qui nous fait dès lors accéder, dans le cours (eschatologique) de notre vie, à la compagnie de l’Amour divin trinitaire.

Célébrer la royauté du Christ nous fait déjà pénétrer dans son Royaume, il faut le proclamer : Il nous ouvre à son monde invisible où les bons anges nous illuminent et nous protègent.

Non, ce Royaume n’est pas de ce monde ! Son heureuse source et sa légitimité puisent en Dieu le Père directement ; il nous est communiqué par la grâce du Mystère pascal, spécialement proposé à gouter au moment béni entre tous : celui de la communion eucharistique sacramentelle.

Rendons grâce à Dieu, à Lui Gloire et puissance pour les siècles des siècles !

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