Par le Frère Jean Marie
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur
(Le style oral a été conservé)
Frères et sœurs bien-aimés, la Parole de Dieu qui nous est donnée en nourriture en ce dimanche du Temps de l’Avent, nous ouvre à la joie !
La joie qui caractérise les œuvres de Dieu, la Parole de Dieu. La joie qui est un des signes distinctifs du baptisé vivant sa relation personnelle et communautaire avec le Dieu vivant. Frères et sœurs, si la joie est une caractéristique de la vie chrétienne, nous pouvons nous demander quelle est l’origine de cette joie, sa nature et sa finalité.
La joie est Don de Dieu. Oui la joie est un don de Dieu ; et comme tout don demande à être accueilli, accepté, reçu, il ne suffit pas qu’il y ait un donateur, il est nécessaire qu’il y ait une personne qui soit l’objet de ce don, et qui reçoive. La gratuité appelle l’ouverture.
Si la joie est un don de Dieu, elle manifeste ce que Dieu vit en lui-même : Dieu est bonheur infini. La source de la joie se trouve donc près de Dieu, plus encore : en Dieu. La nature de cette joie jaillit du bonheur de l’Être-même de Dieu, du Dieu trois fois Saint. Et ce bonheur veut se diffuser à partir du sein de la Trinité, en sa création et en ses créatures spirituelles et corporelles que nous sommes, nous hommes et femmes, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.
Le psaume 95 dit : « Les arbres de la forêt dansent de joie devant la face du Seigneur car il vient, car il vient pour juger la terre ».
Par miséricorde, Dieu veut partager ce bonheur, son bonheur avec l’humanité, avec chaque être humain. Ce bonheur sera plénier, sans ombre, dans le Royaume des cieux mais dès à présent le Père de toute lumière, notre Père du Ciel, veut nous partager sa joie, fruit de son bonheur. Si l’Un de la Trinité agit, fait, ce qui est attribué, approprié à l’une des Personnes divines de la Trinité, c’est évidemment avec toute la Trinité que cette Personne agit (les Personnes sont inséparables), c’est la Trinité qui agit mais il y a une appropriation donnée au Père, au Fils et à l’Esprit Saint… mais Dieu est Un.
Et cette joie qui vient de Dieu nous est communiquée par son Fils, Jésus, par l’incarnation du Verbe que nous allons célébrer à Noël. Le Père veut nous communiquer sa joie dans l’Esprit Saint. Jean le Baptiste vient nous le dire, et le disait au peuple d’Israël, aux Juifs (à toutes les catégories de Juifs, les militaires, les collaborateurs de l’époque, à toute la catégorie de l’époque qui a toujours existé, qui existe encore). Jean Baptiste désigne Jésus comme « l’agneau de Dieu », comme Celui qui va nous donner l’Esprit Saint et le Feu, qui va nous baptiser, qui va nous plonger dans l’Esprit Saint ; et donc dans la joie de Dieu.
La joie est à distinguer du plaisir. Nous sommes dans une société qui veut jouir, qui cherche le plaisir à outrance – toutes catégories – sous toutes formes et de façon immédiate, quasi permanente. La joie n’est pas le plaisir ! Le plaisir est de l’ordre sensitif, la joie est de l’ordre de l’âme, de l’Esprit.
Dans l’évangile de Jean, Jésus nous dit (c’est pour cela les paroles qu’il dit) : « c’est pour que ma joie soit en vous et que vous soyez comblés de joie ».
Le Seigneur nous demande et veut que nous soyons comblés de joie ! Saint Philippe Néri, me semble-t-il, disait qu’un saint triste est un triste saint ! Nous sommes appelés à être dans la joie ; mais une joie profonde qui jaillit au cœur de notre être.
Jésus, notre Sauveur, est rempli de joie, la joie d’être dans son humanité sainte, Un avec le Père, Un avec l’Esprit Saint ; la joie d’accomplir l’œuvre du Père, son Père et notre Père, et de dire les Paroles qu’il reçoit du Père, pour nous les communiquer, Lui qui est le Verbe, la Parole éternelle et par excellence.
« Qui m’a vu, a vu le Père », dit Jésus à l’apôtre Philippe.
Le Verbe s’est fait chair, c’est-à-dire le Verbe a pris la condition humaine avec une âme humaine et un corps humain, tirés de la Vierge Marie. Oui, le Verbe s’est fait chair, mais s’est fait chair par amour. C’est l’amour d’Agapè (c’est-à-dire l’amour proprement chrétien qui jaillit de la Trinité dont le Christ était rempli) qui a guidé, conduit toutes ses actions, son action salvifique, jusque dans sa passion, sa mort sur la croix, sa mort vivifiante. Et c’est cet amour, cet accomplissement de la volonté du Père, par amour, qui était la joie de Jésus, y compris dans sa passion ; non pas le fait d’être rejeté ou de souffrir en croix, mais la joie d’accomplir la volonté de Dieu et de réaliser le Salut éternel des hommes.
Cette joie, Jésus veut nous la partager. Il nous offre d’entrer dans sa propre joie, celle qui jaillit justement de l’accomplissement libre, volontaire, aimant, de la volonté du Père qui nous est communiquée par Jésus.
C’est donc, frères et sœurs, en demeurant dans le Christ Jésus, par la foi et la pratique des sacrements (le baptême, la confirmation, le sacrement de pénitence, le sacrement de l’Eucharistie) que nous puiserons à la source de Vie (qui est le Cœur de Jésus) pour en recevoir également la joie que rien ni personne ne pourra nous ravir ; et ce, quel que soit les aléas de la vie, avec ses hauts et ses bas, ses réussites, ses échecs. L’apôtre Paul, dans la deuxième lecture tirée de la lettre aux Philippiens, nous appelle à la joie.
Il dit aux Philippiens, à chacun d’entre nous : « soyez toujours dans la joie du Seigneur, soyez dans la joie ».
Cette joie peut être présente dans la souffrance même. Nous pouvons vivre le cours de l’existence avec ce paradoxe qui est d’unifier la joie et la souffrance dues aux événements (à la maladie, aux persécutions, aux deuils, aux ruptures), et cela, par un regard intérieur de foi et d’espérance, le regard de notre âme qui fixe le regard du Seigneur Jésus.
Oui, Jésus nous demeure présent. Le prophète Sophonie dans la première lecture nous le disait : « le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi ».
Oui, il était dans la ville de Jérusalem ; il était dans le Temple de Jérusalem qui a été rasé ; il était au cœur de Sion, au cœur de son peuple.
Mais le Seigneur est venu parmi nous ; et Il est parmi nous, il est au cœur de son Église. Il se donne à nous dans la vie sacramentelle et dans sa Parole. Il se donne à nous dans l’acte de foi et de réception que nous faisons de Lui, à tout instant de nos jours et de nos nuits, pour le recevoir et être en dialogue amical, amoureux, fraternel avec Lui.
Jésus nous dit : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux ».
Et par sa vie de grâce, par la vie de grâce, le Seigneur est présent au plus profond de notre âme, quel que soit notre lieu, quel que soit notre état.
Il suffit de s’ouvrir pour être intérieurement en silence, accueillir cette Présence aimante qui vient à nous et qui veut être en communion avec nous. C’est Dieu qui vient à nous ! Ce n’est pas nous qui allons d’abord à Dieu ; c’est Lui qui vient à nous pour nous appeler à rentrer en communion avec Lui.
Ainsi, frères et sœurs, toutes les réalités humaines (et même les réalités inhumaines) prennent sens et fécondité, non pas forcément en elles-mêmes mais en union à la passion, à la croix et à la mort de Jésus, pour vivre dès maintenant… et pas plus tard dans le ciel (bien sûr ça sera plus tard dans le ciel)… mais dès maintenant dans la puissance du Ressuscité qui est partout présent ; et qui nous demeure présent en tout temps, en tout lieu, en toutes circonstances, dans la joie et la paix de ceux et celles qui se savent aimés et sauvés, et qui ont soif de partager cet Amour avec leurs frères et sœurs en humanité.