Frères et sœurs,
Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui nous enseigne pour manifester l’amour du Père, du Père des hommes, un amour inconditionnel, un amour infini, un amour indescriptible. Et Jésus est la manifestation, l’empreinte du Père, comme pour prendre l’expression de la lettre aux hébreux, l’empreinte de la substance du Père, qui manifeste dans son humanité sainte par ses paroles, ses actes, ses choix, sa façon de vivre, l’Amour du Père dans la puissance de l’Esprit Saint.
Jésus enseigne, dit la Parole de Dieu. Cet enseignement, plus précisément cet amour que Dieu veut répandre dans les cœurs de tous les hommes, Jésus veut le partager avec toute l’humanité dans le temps et l’espace. C’est pour cela qu’il choisit des hommes et des femmes pour disciples, qu’il les appelle, qu’il les attire d’une attraction qui n’est pas de la séduction, mais qui est une attraction d’un Amour supérieur, d’un amour pur, un amour qui recrée, un amour qui ressaisit, pour donner vie à celui qui était né ; cet Amour même de Dieu.
Et ce Jésus appelle des disciples, appelle des hommes pour constituer le groupe apostolique qui prendra la succession des douze tribus d’Israël, les douze apôtres qui sont là pour créer le nouvel Israël qui est l’Église, la communion de ceux et celles qui vivent de la Trinité.
Jésus appelle des hommes, mais en appelant ces hommes, il nous appelle aussi ce matin chacun et chacune d’entre nous. On ne se remémore pas une histoire passée où le sentiment, l’affection seraient là pour nous émouvoir et nous dire : « oui, Jésus a fait ceci, cela… ». Jésus, comme le dit l’Épitre aux hébreux, est le même hier, aujourd’hui et pour l’éternité. C’est le même Jésus, ce n’est pas un Jésus d’un côté historique, puis un Jésus de la foi, puis un matin, un Jésus du temps qui passe, et puis un Jésus de l’accomplissement… C’est la même Personne du Christ, le Fils de Dieu, qui s’est incarné. Jésus s’adresse à chacun et chacune d’entre nous ce matin. Il nous dit : « Viens, suis-moi ».
Cet appel de Dieu traverse toute l’histoire Sainte, toute l’histoire de la bible. Nous avons l’appel d’Isaïe, le prophète Isaïe, qui a une vision du Dieu d’Israël, du Temple de Jérusalem, du Dieu trois fois saint (ce qu’on appelle le trisagion qu’on reprend tous les soirs à Vêpres, le trois fois saint qu’on adore), et les chérubins, c’est-à-dire les anges brûlants d’amour qui contemplent sans arrêt la face de Dieu, les chérubins entourent le trône divin pour adorer. Le Seigneur appelle indirectement Isaïe : « Qui enverrais-je ? » ; et Isaïe qui ne manque pas d’audace dit : « Moi ! Envoie-moi, je suis disponible ! ». Mais juste avant, un Chérubin vient purifier Isaïe, parce qu’Isaïe est bien conscient de sa fragilité : tous les autres êtres humains sont des « pauvres types » … donc, il n’y a pas de surhommes, ça n’a jamais existé ! Les surhommes, en quelque sorte, ce sont des pécheurs pardonnés qui sont conscients de leur faiblesse, qui sont ressaisis par la grâce de Dieu et qui deviennent forts, dans la force et la douceur même de Dieu. Nous voyons cela avec Saint Pierre, le futur Saint Pierre, Simon, qui tombe à genoux devant Jésus, face à la grandeur de Jésus : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, je suis un homme pécheur ».
Pé(ê)cheur, ici dans tous les sens du terme : le pêcheur : marin pêcheur et le pécheur : un homme qui commet des péchés !
Le Seigneur n’est pas effrayé par notre péché (ce n’est pas pour cela qu’il faut pécher, évidemment) mais le Seigneur vient saisir l’être humain, le relever de sa boue, le relever de sa fange pour le purifier et ensuite, pour l’amener devant, l’entraîner. Jésus ne revient pas sur le passé. Il n’est pas un homme du passé, il n’aime pas ressasser les choses comme certains – On aime bien les micro-ondes, nous, et de nous rappeler les choses, de les réchauffer et de les resservir de manière virulente aux autres ! – ou de se souvenir des choses passées personnelles mais sans construction, simplement pour ressasser le passé. Non, Jésus ne considère pas le passé : il est ressaisi, purifié et Il nous fait regarder l’avenir. Jésus est toujours devant, il nous entraîne.
Pierre est pardonné aussi de son péché… il va renier Jésus… il sera pardonné. Jésus ne fait pas de reproche à Pierre (même s’il a souffert de son reniement), Il dira à Pierre « m’aimes-tu ? ; c’est toujours d’amour qu’il ressaisit et qu’il purifie pour passer à un amour supérieur.
Nous sommes appelés, nous, et vous êtes, chacun et chacune d’entre vous appelés, à répondre à l’appel que Jésus nous adresse aujourd’hui.
Alors, frères et sœurs, quelle est la barque qu’il faut laisser au rivage ce matin ? Quelle est cette barque que chacun et chacune d’entre nous doit laisser pour suivre Jésus ? Quels sont ces filets (qui sentent le poisson !) qu’il faut laisser ? Chacun a des filets à laisser, et des bonnes choses… les barques et les filets sont des bonnes choses mais évidemment il faut laisser le péché ! Il y a des choses objectivement graves qu’il faut couper ! Comme le chirurgien qui enlève une tumeur : il faut l’enlever, c’est comme ça ; Jésus nous dit dans l’évangile : « Si ta main t’entraine au mal, coupe la ! » … « si ton œil t’entraîne au mal, arrache le… il vaut mieux rentrer borgne dans le Royaume des cieux que finir au fond d’un enfer.
Nous sommes appelés donc à couper sur le péché mais Jésus n’aborde pas ce sujet aujourd’hui. Il appelle à un élan supplémentaire… Pierre, Jacques, Jean et André laissent leur barque, ce ne sont pas des péchés mais des attitudes de vie ; Jésus nous appelle à autre chose. Comme il appelle le jeune homme riche à autre chose. Il était bien ce jeune homme riche, il était même très bien (c’était un bon parti comme on dirait aujourd’hui !), il observait tous les commandements mais au moment où Jésus lui dit : « Il te manque quelque chose. Laisse tes biens, donne-les aux pauvres, puis viens, suis-moi » … C’est la dégringolade ! Parce qu’il avait prévu sa vie. Quand on prévoit sa vie – il y a une prévision tout à fait légitime – mais si on veut maitriser sa vie, être maitre de sa vie, et avoir une idée préconçue de ce que doit être notre vie : être des gens « bien » (évidemment), honorés et admirés surtout ! … Et de s’imaginer que le regard des autres va nous suffire pour construire notre vie et réussir notre vie ! … Jésus nous demande de nous décentrer, de laisser ces barques et ces filets pour le suivre, Lui… d’être désapproprié, d’être pauvre. Difficile d’être pauvre… parce qu’on a toujours envie d’être riche !
Nous sommes appelés à laisser les barques, les filets aujourd’hui pour suivre Jésus. Alors pour chacun et chacune, du fond de sa conscience, se demander quelle est la barque que je dois laisser ? Pour en quelque sorte « m’embarquer » sur d’autres rivages. Ce n’est pas abandonner pour abandonner… C’est d’abandonner pour un amour supérieur. Une aventure supérieure.
Nous sommes appelés aujourd’hui, chacun et chacune d’entre nous, à nous mettre en route à la suite du Christ pour vraiment le suivre à frais nouveaux et ce n’est jamais fini ! Ce n’est pas une question d’âge. Il vaut mieux commencer jeune, c’est préférable … mais il n’est jamais trop tard … même s’il n’est jamais trop tôt ! On doit suivre vraiment le Seigneur durant toute notre vie.
Cela n’est pas réservé seulement à saint Pierre ou au Pape François, ou aux moines cisterciens … Chaque être humain est appelé et chacun a une vocation. Rentrons dans la vocation que Jésus nous adresse aujourd’hui. Il nous appelle dans la situation telle que nous nous trouvons, pas tel qu’on aimerait être, tel qu’on pourrait souhaiter être demain… C’est aujourd’hui que Jésus nous parle, c’est pas demain !
Donc le Seigneur nous appelle aujourd’hui pour le suivre ; accueillons son appel dans la situation où nous nous trouvons, tel que nous sommes. Puis avançons. Le Seigneur nous appelle à devenir pêcheur d’hommes ; d’avoir été saisi par le Christ comme dit st Paul, saisi par Lui, saisi par son appel. Si on ne fait pas l’expérience de son Amour, on ne comprendra pas ce qu’est l’amour de Dieu, donc on ne pourra pas le transmettre ; on ne peut donner que ce que l’on a. Si on veut être simplement des gens bien rangés, gentils… mais la difficulté ce n’est pas d’être « bien rangés », d’être « bien gentils », c’est d’être des saints (d’agapè) … et de suivre le Seigneur, et de se laisser purifier par la grâce de sa miséricorde pour vivre en communion avec Lui, une communion existentielle au fil du temps … et de le suivre.
Mais aussi de partager cet amour ; de devenir pêcheur d’homme là où nous sommes. Tout le monde n’est pas Pape, n’est pas évêque, prêtre, diacre ou consacré (c’est une minorité ; ce doit être un millième des membres de l’Église : il y a 400 000 prêtres, 5000 évêques, un million de consacrés et il y a un milliard quatre cents millions de catholiques, sans parler de nos frères protestants et orthodoxes : cela fait du monde !) : les diacres, prêtres, évêques, et les consacrés (le charisme de consacré), ont une vocation particulière au service de la Communion, au cœur de l’Église : ils sont au service de cette communion, c’est une hiérarchie au sein même de la Communion.
Et pour tous les autres ? Cet appel demeure, et cet appel est là pour que nous soyons des pierres vivantes de l’Église. Il n’y a pas seulement le corps épiscopal qui dirige … et tous les autres qui seraient là, trainants, distraits, marchant d’un pas nonchalant … non ! Nous sommes tous appelés, nous sommes tous co-responsables de la vie de l’Église et de la sainteté de l’Église. C’est très important de pouvoir s’engager dans la vie chrétienne. Mon engagement engage l’Église, et mon non-engagement plombe l’Église. Ce n’est pas neutre, il n’y a aucune neutralité dans la vie (peut-être une neutralité diplomatique, encore que dans certains cas elle n’existe pas).
Nous sommes appelés chacun, chacune, à nous renouveler dans l’Eucharistie pour être des serviteurs, pour être vraiment des êtres remplis du Seigneur, cabossés par la vie mais ressaisis par la miséricorde ; et de suivre le Seigneur afin de devenir à notre tour, des pêcheurs d’hommes, de nos frères et sœurs qui ne connaissent pas Jésus, qui s’engloutissent dans le mal, dans le suicide, dans le péché, dans la haine … nous sommes là pour les aider, non pas pour juger, pour dire : « Regarde ce qu’il a fait ! » … et moi, qu’est-ce que je fais ? Qu’est-ce que j’ai fait pour lui ? … Soyons présents, pour être porteurs de cet amour de Jésus, et de devenir à notre tour, des pêcheurs d’hommes. Que ce soit la joie de ce jour, et la joie de notre vie.