Homélie de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie – Mardi 8 décembre 2020 – Année B
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Chers frères et soeurs,
lorsque le Père Robert, moine d’En Calcat, artisan des célèbres tapisseries, a voulu représenter dans une tapisserie l’Immaculée Conception, il a tissé les traits d’une jeune fille toute de blanc habillée, aux cheveux entrelacés de fleurs, et entourant la jeune fille, une végétation luxuriante parsemée d’oiseaux divers aux couleurs éclatantes, comme pour signifier qu’avec l’avènement de celle qu’on appelle l’Immaculée Conception, toute la création exulte et se trouve renouvelée.
Avec Marie, conçue Immaculée, c’est une nouvelle création qui commence, un nouveau commencement.
C’est à juste titre que les Pères, pour signifier cela, parleront de la “nouvelle Eve”.
Il est heureux, frères et soeurs, qu’en cette Solennité, la liturgie de l’Église à l’Office divin nous donne à entendre des textes inspirés du Cantique des Cantiques, dont Rabbi Akiba, disait que “si toute l’Écriture est sainte, le Cantique des Cantiques, lui, est “archi-saint”.
Ce poème… en forme d’épithalame, de chant nuptial, que tant d’auteurs ont aimé commenter d’Origène à St Bernard jusqu’à nos jours… ce poème qui chante les noces du Verbe et de l’humanité, du Verbe et de l’âme, et ce avec des accents qui rejoignent l’homme d’aujourd’hui comme celui des temps passés.
Nous l’avons chanté à Vigiles : “Je l’ai vue aussi belle qu’une colombe, toute environnée de roses en fleurs et de lys de vallées”… « Entraîne nous, Vierge très pure, que nous courions sur tes pas à l’odeur de tes parfums”.
Avec l’avènement de l’Immaculée Conception, le vieil homme, aux traits fatigués de notre humanité, retrouve jeunesse, fraicheur juvénile, l’amour chaste de la Femme telle que Dieu l’a créée du côté d’Adam, comme étant la plus belle oeuvre de ses mains qu’Il voulait pour Lui ; “Femme en la grâce restituée” dira d’elle le poète.
En effet, pour saisir un peu ce qu’est la grâce divine, c’est Marie qu’il faut regarder, c’est Marie qu’il faut contempler. Car si la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception par le Pape Pie IX, reprend quasi textuellement ce que la liturgie de l’Église chantait déjà de Marie au XVème siècle, comme étant celle “préservée de tout péché par une grâce venant déjà de la mort de son Fils”, c’est bien la grâce répandue en Marie que l’Église veut souligner aujourd’hui, plus encore que l’exemption du péché originel.
Cette grâce de Marie, ne l’oublions pas, qui est son nom propre, dont la salue l’ange Gabriel au jour de l’Annonciation : “Kairé, kecharitôménè” : “réjouis-toi toute comblée de grâce”… c’est son nom !
Marie est pour l’humanité, le visage éternel de la grâce. Cette grâce qui ruisselle, encore de nos jours, au milieu de tant de douleurs qui blessent notre humanité. Cette grâce de Marie Immaculée, à l’ombre de laquelle nous voulons vivre dans notre famille monastique de l’Immaculée Conception, et de façon toute particulière en cette Abbaye, qui dès les origines de sa restauration en 1854, a voulu se placer sous le manteau de celle qu’en cette année là, était solennellement proclamée la Vierge Immaculée, dès sa conception.
“La seule chose que Marie ait demandée, dit St Bernard, c’est la grâce”. La grâce de l’Immaculée Conception, faite à Marie, n’est pas seulement une grâce personnelle… pour elle… mais elle est pour tous ! Elle est une grâce faite au peuple de Dieu, tout entier !
Ce privilège, frères et sœurs, nous concerne. Car il nous dévoile, il nous révèle, notre propre dignité d’hommes et de femmes, marqués, certes, par le péché, mais sauvés dans l’espérance… une espérance qui nous permet d’affronter la vie quotidienne.
Nous pouvons nous poser la question : qu’est-ce-que ce privilège de l’Immaculée Conception apporte à notre humanité et aux membres de l’Église que sont les baptisés ?
Tout d’abord, me semble t-il, Marie Immaculée nous aide à redécouvrir et à défendre la profondeur inaliénable de la personne humaine, parce qu’il y a en elle une parfaite transparence de l’âme dans le corps.
Marie est la pureté en personne, dans le sens où l’esprit, l’âme et le corps, sont en elle pleinement cohérents entre eux, et avec la volonté de Dieu. En elle, pas de dichotomie entre l’être et le paraître, entre l’obéissance à l’Esprit et la liberté, entre la volonté voulante et la volonté opérante. En Marie tout est simple, tout est unifié, tout est transparent. Tout est reflet de la simplicité divine.
Comme l’écrira si bien le poète Péguy : “Car étant charnelle elle est pure ; mais étant pure, aussi elle est charnelle. Une seule et nulle autre ensemble charnelle et pure”.
Marie totalement unie à la volonté du Père, dont le “fiat” à l’Annonciation, rejoint et épouse le “fiat” que Jésus a prononcé durant toute sa vie, jusqu’à son dernier souffle sur la Croix.
“Et l’Esprit la couvrit de son ombre”… “l’obombra” dit joliment la traduction littérale.
C’est à juste titre que Marie a été parée du titre d’épouse du Saint Esprit. Épouse du St Esprit, oui, la Vierge Marie l’est, puisque sa mission est celle même de l’Esprit, de qui, en elle, le Fils est conçu humainement, et dans les rachetés, spirituellement, donc en Église.
Réjouissons-nous encore et encore, en ce jour de fête, avec celle “qui est infiniment riche, parce qu’aussi elle est infiniment pauvre… Avec celle qui est infiniment grande, parce qu’aussi elle est infiniment petite… Avec celle qui est infiniment jeune, parce qu’aussi elle est infiniment Mère”.
“Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous”
Amen !