Homélie du Dimanche 25 avril 2021 – 4ème Semaine du Temps Pascal – Année B
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Chers frères et sœurs,
Vendredi dernier, 23 avril, s’éteignait à Rome un jeune prêtre nigérian âgé de 31 ans, le Père Livinus qui a été ordonné prêtre le Jeudi Saint 1er avril.
Ce jeune religieux des Clercs de la Mère de Dieu était en soin à Rome où il était atteint d’une forme grave de leucémie. Voyant sa fin approcher, le frère Livinus, le 31 mars, Mercredi Saint, écrivit une lettre au Pape François lui demandant si son ordination sacerdotale pouvait être devancée ; ce que François a aussitôt accepté, et dès le lendemain, Jeudi Saint 1er avril, le frère Livinus était ordonné prêtre par un évêque auxiliaire de Rome dans sa chambre d’hôpital. Et, c’est 25 jours plus tard, que saintement, le Père Livinus est retourné dans la Maison du Père.
En ce jour où nous prions en particulier pour les vocations sacerdotales et à la vie consacrée, ce fait, à valeur forte d’icône, pour souligner que le prêtre est d’abord prêtre dans son être, dans ce qu’il est, avant de faire ; et que l’être précède le « faire ». Ceci est valable pour chacun d’entre nous mais cela est tout particulièrement valable dans la vie du prêtre, en ce jour où nous célébrons « le Bon Berger » où la parabole du « Bon Berger » nous est donnée.
Cette Parole de Dieu est toujours une Parole de Vie. Elle l’est ce matin pour nous avec cette page d’évangile où Jésus nous dit deux choses importantes de son identité d’homme-Dieu ou de Dieu fait homme.
La première : Il est le bon berger ou le beau berger (le mot grec peut être traduit des deux façons : bon berger et beau berger), et Il est un berger qui se dessaisit de sa vie, autrement dit qu’Il n’en est pas le propriétaire unique et absolu : « le Père m’aime parce que je me dessaisis de ma vie » ; comme dans le quatrième chant du Serviteur de Dieu en Isaïe où l’on nous dit de ce mystérieux personnage, que s’il offre sa vie en expiation (littéralement : s’il se dessaisit de sa vie), il verra une prospérité et prolongera ses jours. Jésus est tout à fait dans cette lignée là quand Il nous dit que « perdre sa vie, c’est la gagner ».
Le Christ, oui, est le bon berger, et le bon berger tout d’abord de l’Église qui est son Corps prolongé dans l’humanité. Ce bon berger sait où Il conduit le troupeau : vers son Père, vers le Royaume des cieux ; c’est notre destinée finale à laquelle nous nous préparons avec joie – la pandémie du Covid nous rappelle que nous marchons vers un terme qui est une entrée dans la Vie – et Il sait aussi, ce bon berger, d’où Il vient : Il est l’Envoyé du Père.
Le Pape François a plusieurs fois répété cette phrase qui a valeur de parabole, en nous disant que « le berger marche devant le troupeau pour indiquer la direction ; il marche derrière le troupeau pour encourager les plus faibles, et pour surveiller les brebis qui pourraient s’égarer ; et il marche au milieu du troupeau parce qu’il fait corps avec lui et qu’il est bon pour le berger d’avoir l’odeur du troupeau ». Le berger est ‘avec’.
Le Pape insiste beaucoup sur ces trois aspects qui s’appliquent de façon toute particulière à ceux qui exercent un ministère dans l’Église : être devant (comme un premier de cordée) ; être derrière ; et être au milieu.
Ce bon berger ne se borne pas à conduire le troupeau vers des bons pâturages : Il donne sa vie ! Il se dessaisit de sa vie (comme le Père Livinus, dont je parlais au début de cette homélie, s’est dessaisit de sa vie pour s’en remettre entre les mains du Père). Et cela, c’est vraiment la marque de la façon dont le Fils de Dieu aime l’Église. Il sait que le troupeau qui lui a été confié par le Père, ne lui appartient pas, et que ce troupeau peut être menacé notamment par les loups ; comme disait St Augustin (et sa parole est toujours actuelle aujourd’hui), je le cite : « Combien il y a de brebis à l’extérieur de la bergerie… (comprenez à l’extérieur de l’Église)… et combien de loups, à l’intérieur… »
De nos jours, les membres de l’Église sont aussi menacés par des loups, c’est-à-dire par de fausses doctrines ou bien des idéologies fallacieuses qui les détournent de la vérité de l’Évangile, de la vraie foi. C’est pourquoi, frères et sœurs, se détacher de l’Église pour un chrétien ou prendre du recul par rapport à l’Église, c’est toujours être en danger, c’est être la proie des loups. C’est dans l’Église que nous trouvons les nourritures saines et sures que sont la Parole de Dieu reçue en Église, la vie sacramentelle et la vie baptismale au sein de la communauté chrétienne où nous vivons.
La caractéristique de Jésus dans ce don qu’Il fait de sa vie pour nous, c’est qu’Il le fait quand Il veut, comme Il veut, ou plus exactement en totale obéissance avec ce que le Père lui demande de faire… à son heure. Se dessaisir de sa vie pour Jésus, finalement, cela veut dire : obéir totalement au Père. Et ce que Jésus a fait lui-même, Il nous appelle, chacun d’entre nous, à rentrer dans cette dynamique, dans ce dessaisissement de notre vie.
À l’issue de la première vague de pandémie de l’an passé, nous avons tous été frappés et édifiés en apprenant que des médecins, des infirmières, étaient morts suite à la contamination du virus parce qu’ils n’avaient pas rechigné pour monter à la première ligne du combat, mettant leur vie en danger, pour porter secours aux personnes malades ; les chrétiens en apprenant cela n’ont pu s’empêcher de penser à cette Parole de Jésus dans l’évangile de ce jour : « Ma vie, je m’en dessaisis de moi-même ».
L’attitude de Jésus qui se dessaisit de sa vie en sa Passion, est à l’opposé d’une attitude suicidaire ou d’une mise en danger irresponsable de sa vie. Jésus donne sa vie parce que le Père le lui demande ; comme Abraham a offert son fils Isaac parce que le Père le lui demandait. Mais Jésus sait qu’Il a le pouvoir de la reprendre ; et en reprenant sa vie, Il a le pouvoir de nous redonner notre vie nous aussi – nous le redirons tout à l’heure dans le Symbole des Apôtres : « Je crois en la résurrection de la chair ». En ce sens, nous pouvons dire qu’au-delà de l’histoire factuelle, ce ne sont ni les Juifs, ni les Romains qui ont mis Jésus à mort mais bien Jésus, qui librement, s’est dessaisi de sa vie… il y a là un grand mystère d’amour ! Et nous savons bien que ce mystère est au cœur de la vie chrétienne de chacun d’entre nous.
Oui ! Comme disait Charles Péguy : « La vie n’existe que pour être donnée ! ».
Pour être bon berger, il faut aimer les brebis ; non pas les servir comme un esclave. Comme écrit St Grégoire de Nysse au IVème siècle : « Le Pasteur qui prend sur lui la brebis et qui nous parle à travers elle, est lui-même à la fois brebis et Pasteur ; brebis en raison de ce qu’Il a assumé, Pasteur en raison du fait qu’Il assume ». Jésus exerce une véritable paternité de bon Pasteur à l’égard de son Église parce que lui-même a été et demeure « Fils », le Fils du Père.
Nous savons bien que pour être un bon père, il faut d’abord avoir été un fils. On ne peut être père qu’en étant fils et en demeurant fils ; et pour nous, baptisés, fils du Père.
Il en est de même pour nous, bien aimés, nous a rappelé St Jean : « Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu ! » ; autrement dit : « fils de Dieu ! » ; et nous le resterons pour l’éternité. Lorsque viendra l’heure de notre mort, c’est le fils qui rentre à la maison dont la porte lui sera ouverte par son Père.
Dans une lettre où il s’interroge sur son ministère d’Abbé, de pasteur, St Bernard en fait la description suivante : « Paitre par la parole, paitre par l’exemple, paitre par la prière ».
Il y a là, me semble-t-il, une excellente définition de ce qu’est « exercer » le ministère de pasteur dans l’Église.
Paitre par la parole, parce que celui-ci doit enseigner, transmettre et commenter la Sainte doctrine reçue du Christ et transmise par les apôtres jusqu’à nos jours.
Paitre par l’exemple, parce que, nous le savons bien, le meilleur enseignement est celui qui se donne à voir. Jésus a fortement mis l’accent sur ce point avec ses apôtres ; notamment dans le rite du ‘lavement des pieds’.
Enfin, paitre par la prière, parce que nous savons qu’en final, c’est Dieu lui-même et Dieu seul, qui touche les cœurs et qui les transforme. Le prêtre n’est qu’un serviteur !
Puissions-nous, frères et sœurs, redécouvrir la vigueur de cette proclamation de foi de Pierre dans la première Lecture devant le Grand conseil d’Israël : « Ce Jésus est la pierre que vous avez rejetée… Il est devenu la pierre d’angle… en dehors de lui, il n’y a pas de salut… son nom est le seul qui puisse nous sauver ».
Le Nom de Jésus, c’est sa Personne ; c’est celle qui maintenant va se donner en nourriture sur cet autel sous les espèces du pain et du vin. C’est de Lui que nous tenons « l’être, le mouvement, et la vie ». C’est Lui qui nous délivre de toute peur, de tout repli sur nous-mêmes.
Ce Nom dans le Cantique des Cantiques, dit qu’il est semblable à un parfum qui se répand.
Ce parfum de Jésus en sa Passion, est parvenu jusqu’à nous par sa Résurrection et par le Don de l’Esprit Saint.
Nous en sommes les bénéficiaires et nous en sommes les témoins.
Amen ! Alleluia !