Homélie du dimanche 25 septembre 2022 – 26ème Dimanche Temps Ordinaire – Année C
Par le Frère Jean-Marie
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Frères et sœurs bien aimés, dans la liturgie de ce jour, les textes forts qui nous sont donnés agissent par contraste, comme un tableau qui agit avec des couleurs.
Le premier point qui pourrait nous servir de méditation, de réflexion, de prière et de conversion, est de contempler l’amour de Dieu. L’aspect fondamental de cette parabole et des textes qui précèdent, qui sont historiques, nous renvoient à la Présence du Seigneur et à son amour pour l’humanité. Le Seigneur veut le bien de toute l’humanité, de chaque être humain en particulier ; il veut notre bonheur et surtout notre bonheur éternel, pas le bref laps de temps que nous traversons durant notre pèlerinage terrestre. L’aspect fondamental, c’est que tous les êtres humains sont appelés à ce bonheur, et Dieu veut ce bonheur.
L’autre aspect, c’est que l’être humain reste libre. Dieu respecte notre liberté. On pourrait dire que c’est le seul qui respecte notre liberté ! On peut le critiquer, lui cracher dessus, on peut le nier, nier son existence, commettre tous les crimes possibles et inimaginables, Dieu reste patient, miséricordieux.
L’autre aspect, c’est que nos actes vont engendrer notre destinée éternelle. Ce sont des mots difficiles à entendre, surtout aujourd’hui, dans cette société qui a toujours été hédoniste, parce que rappelez-vous la première Lecture, plusieurs siècles avant le Christ, tous ces hommes à Sion (c’est-à-dire à Jérusalem ou à Samarie), les ennemis traditionnels des juifs : tout le monde faisait ce qu’on appelle aujourd’hui la « bringue » : manger, boire, s’amuser, vivre dans le luxe. Cet hédonisme (hédonisme voulant dire, une jouissance égocentrique par tous les moyens et tout le temps), c’est un peu la clé de notre pratique de société aujourd’hui, au moins dans le monde occidental de manière aigue.
Nous sommes appelés à prendre conscience que nos actes engendrent des conséquences. Nos choix engendrent des conséquences, pour soi-même et pour les autres. Et non seulement des conséquences ici-bas mais qui ont un effet pour l’éternité.
Cet homme riche qui n’a pas de nom… pourquoi n’a-t-il pas de nom ? Tout simplement parce que, quand on le regarde, quand on fait référence à cette personne – c’est une personne – on ne le regarde pas lui ou elle, on regarde les effets extérieurs : sa richesse, le montant de son patrimoine, sa puissance sociale, économique et financière ; il est riche ! Il n’a plus de personnalité ; sa personnalité a été nécrosée, en quelque sorte, c’est-à-dire morte ! Ou plus profondément : sclérosée, il est figé dans la richesse ! C’est un riche. Ce n’est plus Pierre, Paul, Hélène, Françoise, etc… c’est un riche.
Tandis que Lazare, le pauvre, plus qu’un pauvre il est miséreux, est nommé : Lazare ! Chose étonnante encore, c’est que dans la deuxième partie de cette parabole, le riche a vu Lazare et il connait son nom. Il dit à Abraham : « Père Abraham, dis à Lazare de venir m’aider ».
C’est qu’il voyait Lazare, il connaissait Lazare !… Il le connaissait par son prénom.
Sa richesse l’avait sclérosé. Il voyait les personnes mais il ne les regardait plus. On peut voir beaucoup de choses ; c’est une chose de voir, c’est autre chose de regarder. La richesse avait éteint son regard. Il était fixé sur lui-même : sa richesse, son autosatisfaction, les grands festins, vêtu comme un prince (encore faut-il que les princes soient bien vêtus).
Nous sommes appelés à prendre conscience du danger qui peut nous habiter, de nos habitudes. On ne dit pas que ce riche faisait mal ! Qu’il frappait Lazare ! Qu’il le mettait de côté volontairement… non ! Il était indifférent. Lui vivait, et c’était les chiens qui s’occupaient de Lazare (en plus dans la mentalité juive, se faire lécher par des chiens, c’était le comble de l’horreur, puisque les chiens étaient considérés comme animal impur).
Nous sommes appelés, en ce dimanche, à prendre conscience que notre cœur peut être en tel ou tel domaine, sclérosé ; voir les choses mais ne plus les regarder ; voir les personnes mais ne plus les considérer. On est habitués. « C’est un tel ou tel… il est dans la misère… oui ! Voilà ! On est habitué ». Puis on continue son chemin…
C’est vrai au niveau personnel, c’est vrai au niveau des structures sociales. Même s’il est vrai que c’est très difficile de faire avancer les choses, il faut le reconnaitre. Il y a une complexité des relations sociales qui engendrent des pauvretés chroniques, et des fois choisies par les personnes, qui sont très difficiles à faire évoluer et progresser. Des spécialistes disent que, par exemple : les populations qui sont habituées à jeter les poubelles devant leur porte, qu’il faut 3 ou 4 générations pour changer ces habitudes ; c’est-à-dire quelques décennies ; une espèce d’encroutement dans la crasse. C’est vrai. Mais il est aussi vrai que nous sommes appelés à sortir les gens et à les aider à progresser ; et ça, c’est dans notre génération que nous pouvons le faire.
Nous sommes appelés à prendre conscience que nos actes vont engendrer des conséquences pour l’éternité. Notre rapport à autrui sera proportionnel à notre relation éternelle avec Dieu. Les deux premiers commandements : l’amour de Dieu, l’amour du prochain, se nourrissent mutuellement. Nous sommes invités à considérer tous nos frères et sœurs en humanité comme des frères et sœurs en humanité, et pas de manière indifférente, et cela sans aucune exception envers qui que ce soit.
Nous sommes appelés à nous ouvrir à ce regard de foi. L’axe fondamental des lectures de ce dimanche, c’est la foi. Une foi vivifiante qui nous convertit, qui nous fait espérer, ouvrir les yeux, sur le Royaume de Dieu qui nous attend. Peut-être, ce qui caractérise parfois certains membres du peuple de Dieu, c’est cette foi qui est quasiment morte.
On croit mais on n’adhère plus aux vérités de la foi ! Il y a comme une dichotomie, une séparation : on dit, on répète des choses, on y croit vaguement, mais ça reste absolument sans effet sur soi-même ; un peu comme des médicaments, quand on se trompe de médicaments, ça tape à côté si vous voulez : on ne soigne pas la maladie, on peut l’aggraver même.
Et bien, savoir vraiment que ce qui nous fait vivre, nous fait contempler ce Royaume qui vient. Et que ce passage par la mort – qui est universel, du moins jusqu’au retour en gloire du Christ – nous ouvre à une réalité autre, mais qui s’enracine dans les choix, les actes, que nous avons posé ici-bas.
Demandons dans cette Eucharistie, cette triple conversion, cette triple ressaisie, en fait :
tout d’abord, vraiment, de comprendre et de nous ouvrir toujours plus à l’amour du Seigneur. Dieu nous aime ; il veut notre bonheur à tous.
Et puis, d’employer notre liberté à faire le bien. Non pas à juger les autres, à chercher toujours des explications sociologiques, psychologiques, qui sont réelles mais qui n’apportent pas grand-chose. Nous, en tant que chrétiens, notre racine est dans la Personne du Seigneur Jésus, et non pas dans les statistiques. Nous devons avancer ! Bien sûr qu’il faut tenir compte des statistiques, mais ce n’est pas cela qui va être le moteur, ni l’orientation de notre vie, et de nos actes.
D’employer cette liberté pour agir par amour envers Dieu ! C’est le premier à avoir soif de notre amour ; mais aussi envers nos frères et sœurs, les plus délaissés, les plus paumés, les plus fragiles, et qui peuvent nous agacer par moment, et des fois à juste titre, mais nous sommes appelés à dépasser cela pour vraiment nous mettre au service, comme le Christ Jésus, le fils unique, qui s’est abaissé pour venir parmi nous et nous sauver.
Enfin de nous ouvrir, de savoir que nos actes engagent notre éternité ; entendons non pas cela pour trembler et pour avoir une espèce de peur de Dieu, peur des autres, peur du Salut… non… mais pour nous ouvrir, pour correspondre à cet amour de Dieu ; lui répondre amour pour amour.
Et de savoir que, ce n’est que la bonté, la miséricorde, l’attention aux autres, qui va nous conduire aux portes de son Royaume. Et c’est ce qui va changer l’humanité, notre pratique humaine, nos relations sociales.
C’est notre cœur qui doit changer ! C’est pas d’abord les structures – bien sûr qu’il faut changer certaines structures, mais fondamentalement si nous ne changeons pas, on peut changer sans arrêt les structures : rien ne changera.
Nous sommes appelés vraiment à nous convertir, et nous chrétiens vraiment, à témoigner de cet amour du Père envers tous les hommes.
Mais comme disait St Jean Chrysostome : « Dieu n’a d’autres mains, ni d’autres pieds, aujourd’hui, que les nôtres ».