Frères et sœurs bien-aimés,

Nous pouvons nous poser la question : quel est le sens du mystère de la Croix que nous célébrons aujourd’hui, en cette fête de la Croix dite « Glorieuse » ?

Le cœur du mystère de la Croix, son sens : c’est l’Amour, l’amour d’Agapè, l’amour même de Dieu ; Dieu qui est amour nous dit saint Jean ; et ce Dieu qui est Amour ne peut agir que par amour ; cet amour qui se diffuse, qui comme une radiation se répand de son propre Être.

La Croix du Christ est la réponse de Dieu au mystère du Mal, au mystère du péché et de la souffrance : la souffrance dans l’univers, le monde, dans l’histoire de l’humanité, l’histoire contemporaine. Dieu dit une Parole : son Fils, le Verbe éternel, le Logos, qui se manifeste par un acte : l’incarnation du Verbe, Dieu se fait chair par le Mystère de la rédemption et le Don de l’Esprit Saint.

Pourquoi la Croix ?

Frères et sœurs, la Croix du Christ Jésus révèle et communique cet amour infini de Dieu pour la création, pour l’humanité dans son ensemble, comme pour chaque personne humaine dans toute l’histoire de l’humanité.

La passion et la mort sur la Croix du Seigneur Jésus manifeste, exprime cet amour du Père, mais aussi la grandeur et la dignité de chaque être humain et de l’humanité en tant que telle. Créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, chaque être humain a une âme spirituelle immortelle et un corps appelé à ressusciter. La Croix manifeste aussi la gravité du péché (et les conséquences du péché) et du Mal non seulement sur la vie de chaque être humain mais aussi sur la communauté humaine dans son ensemble ; parfois, on a l’impression qu’un torrent de boue emporte tout sur son passage, et ce n’est pas entièrement faux. Le Christ Jésus reprend le chemin de l’homme, mais il le reprend à l’envers. Jésus remonte toute l’histoire présente mais aussi future, et l’assume dans son humanité sainte, afin de ressaisir, purifier, guérir, sanctifier, transfigurer l’histoire humaine comme toute histoire personnelle, la nôtre comprise.

Le Seigneur nous a créés libres et responsables de nos actes. Le Seigneur ne reprend pas ses dons ni son œuvre. Quand Dieu donne, il ne reprend jamais. Quand Dieu appelle, il ne reprend pas son appel. Le Seigneur prend sur lui le mauvais usage de la liberté humaine, et il plonge dans sa liberté d’homme pour ressaisir la liberté révoltée, rebelle, de l’être humain afin de l’introduire auprès de son Père et la guérir. Oui, le Seigneur Jésus ressaisit la liberté humaine et toutes ses conséquences les plus profondes, les plus radicales, pour les ramener vers la gloire et l’amour du Père. Le Seigneur ne détruit pas sa création, il ne la fracture pas : il la ressaisit de l’intérieur pour sauver ce qui était définitivement perdu et l’introduire dans sa propre Vie trinitaire, et ce, pour l’éternité. Nous sommes faits pour l’éternité ! Notre vie est appelée à se conformer à cet aune de l’éternité, comme toutes nos décisions.

Cette éternité, cette vie éternelle déjà commencée dans ceux et celles qui accueillent le Don de la foi et une vie spirituelle, une vie surnaturelle, en cohérence et en correspondance avec le Don de Dieu. Sur la Croix, le Seigneur Jésus ressaisit et revivifie le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal au paradis terrestre – ce paradis qui n’existe plus ; et nous sommes appelés non plus à un paradis terrestre – qui n’existera plus – mais au paradis céleste : la vie avec Dieu. L’arbre qui était devenu un arbre de mort par la désobéissance des premiers hommes, Adam et Eve, qui ont saisi le fruit défendu au lieu de recevoir l’amour de Dieu, la vie divine : ils ont voulu devenir Dieu par eux-mêmes. Le Seigneur veut nous diviniser, et de fait, il nous divinise, il nous déifie, mais nous le recevons. Nous ne le saisissons pas !

La Croix sur le Golgotha devient alors source de Vie, source de toute grâce, par le Christ qui est suspendu à elle, avec son cœur ouvert pour nous apporter la liberté véritable, l’amour, la vérité sur notre vie, sur la vie de Dieu ; et l’ouverture à une vie fraternelle car nous nous recevons comme fils et fille de Dieu dans l’adoption filiale qui nous est conférée par le baptême.

Alors, pour chaque croyant, pour chaque baptisé, commence ou recommence une vie nouvelle, une vie d’enfant de Dieu, une vie d’enfant de lumière, une vie dans laquelle chaque instant, chaque événement heureux ou douloureux, devient chemin vers le Royaume de Dieu : communion plus profonde, plus intense avec le Seigneur Jésus, docilité aux motions de l’Esprit Saint, participation active au Salut éternel des hommes.

Cette vie nouvelle, frères et sœurs, devient également chemin vers l’homme. C’est sur la route de l’humanité, la route des hommes, que nous rencontrons et rencontrerons le Seigneur qui s’identifie à chaque être humain, surtout les plus éprouvés dans leur existence.

Frères et sœurs, que cette fête de la Croix glorieuse soit pour nous un renouveau, nous ouvre ce chemin de vérité, de lumière, cette route de lumière ; et dans la grâce même de Dieu, de refléter à notre tour cet Amour de Dieu.

Historique de nos Homélies