Homélie de la fête de S. Benoît, abbé – Lundi 11 juillet 2022 – Année C

Par le Frère Jean Marie

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Frères et sœurs bien aimés, le nom de Benoit exprime la profondeur de la réalité qui s’est passée chez cet homme appelé : Benoit ; la réalité du vécu de ce chrétien, de ce baptisé, de ce moine, de cet abbé, que nous célébrons en ce jour : St Benoit de Nursie, Père des moines d’occident. La date de l’entrée au ciel de St Benoit est le 21 mars 547 : mais comme cette date tombe toujours en carême, et que les moines aiment solenniser et faire la fête, cela est reporté au 11 juillet qui est la date de la translation de ses reliques de la ville de Bari en Italie à st Benoit sur Loire près d’Orléans, appelé aussi Fleury sur Loire.

Quoi qu’il en soit, nous fêtons aujourd’hui Benoit qui est réellement béni (Benoit voulant dire « béni »), béni par Dieu qui l’a consacré, mis à part, pour son service, pour le bon plaisir du Père, pour l’accomplissement d’une mission, et l’expression d’un charisme, d’un don de l’Esprit, au service de la mission universelle de l’Église. Le Concile Vatican II décrit la vie monastique comme : « l’humble et noble service de la Majesté divine », et cela selon les différentes modalités de vécu monastique dans le temps et l’espace, selon les époques, les cultures, l’adaptation nécessaire.

Benoit a vraiment été choisi par Dieu ; mais ce qu’a vécu Benoit, nous sommes appelés à le vivre chacun et chacune d’entre nous dans notre vie. Tout don de la grâce n’est pas propriété privée ; c’est un signe avant-coureur, prophétique, symbolique, qui appelle chacun à rentrer dans ce mouvement, selon sa vocation, selon son appel. Tous, nous sommes choisis et voulus par Dieu. Chaque être humain est choisi, voulu, personnellement par le Père du ciel, et chéri et choisi sans exception.

Benoit nous rappelle cela ; il a été choisi par Dieu, élu par lui, pour vivre (dans son cas) entièrement consacré au service de la Trinité Sainte : c’est le but de la vie monastique (l’un des buts) ; comme une anticipation de ce que nous allons vivre au ciel ; mais cela vécu dans l’humble réalité du quotidien, la réalité de la foi, et dans l’épaisseur de l’existence humaine, du cours de la vie avec ses joies et ses peines, ses réussites et ses échecs, ses grandeurs et ses misères, avec la grâce et le péché ; cette consécration, qui est aussi une mise à part voulant dire consacré à Dieu.

Ce choix aussi pour plaire à Dieu seul. Quand on aime, on aime faire plaisir et de répondre amour pour amour, telle est la vocation du baptisé : répondre amour pour amour. Faire plaisir à Dieu. Dieu a un cœur, Dieu nous aime, il attend notre retour, notre réponse d’amour. Nous n’obéissons pas à des principes, à des valeurs, à des normes ; bien sur que tout cela existe ! Mais nous sommes en relation vivante avec Dieu. Dieu compte sur nous, et il attend notre réponse ; Dieu n’est pas un bloc de marbre suspendu quelque part dans le ciel, auquel il faudrait se soumettre. Dieu est vie ! Et il est amour. Et il nous appelle à rentrer dans ce mouvement de vie et d’amour. Voilà la vie humaine : voilà la vie chrétienne !

Répondre à l’amour de Dieu pour demeurer dans l’intimité gratuite de cet amour, dans sa tendresse. L’homme est fait pour la tendresse, pour la douceur ; ce qui correspond à la finalité de l’acte créateur et de l’acte rédempteur sur la Croix ! Tout est récapitulé dans le Christ et dans la puissance de l’Esprit Saint : se tourner vers le Père dans une louange perpétuelle, dans une fraternité, un amour fraternel universel.

Oui, consécration pour un service – Majesté divine – pour plaire à Dieu ! Parce que Dieu est Dieu ! Pour faire son bon plaisir ! Comme les personnes dans le mariage qui s’aiment (du moins c’est à souhaiter !) : faire le bon plaisir de l’autre. Mais aussi pour l’accomplissement d’une mission : on est envoyés ! Chaque chrétien, chrétienne, est envoyé en mission selon sa vocation propre. Cette mission de la vie monastique, bénédictine (il y a d’autres formes de vie monastique), c’est être signe efficace de la relation (qui est une Alliance), entre Dieu et l’humanité, et manifesté par ce lien qui est la prière ; à la fois, la prière personnelle, le cœur à cœur avec Dieu, la louange, l’intercession, la lecture de la Parole de Dieu, de la Bible, la Lectio divina ; et de manière complémentaire, la prière communautaire, appelée la liturgie des Heures, l’Opus Dei, l’œuvre de Dieu.

C’est être encore signe de ce lien (d’union de Dieu avec l’homme et de l’homme avec Dieu) mais signe également d’une humanité réconciliée et toujours en chemin de réconciliation. Nous sommes en état permanent de réconciliation avec Dieu, avec soi-même, avec les autres, tout au long du cours de notre vie. La communauté monastique est un lieu par excellence de cette vie fraternelle où l’unité est vécue. Cependant, elle est vécue dans les différences ; la vie, la communauté monastique n’est pas une communauté cooptée… en se reflétant dans le miroir de l’autre qui est tellement bien qu’il me renvoie à ma propre beauté ! Non, nous sommes des êtres blessés parfois défigurés, comme tout être humain ; il n’y a jamais eu de surhomme ni de sur femme. Nous sommes tous des créatures voulues par Dieu : une âme humaine, une personne humaine, est comme un diamant qui brille dans l’histoire de l’humanité, avec une grâce et une destinée immortelle. Mais depuis le péché, nous sommes tous abimés dans la vie ; nous voudrions être pleinement soi-même ! Nous voyons le décalage entre ce que nous sommes appelés à être et ce que nous sommes concrètement : à la fois créés pour le bonheur, des êtres merveilleux, et en même temps des êtres pauvres, pécheurs, abimés et qui abimont les autres…

Cette réalité ne doit pas nous décourager, la communauté monastique est un signe fort de cette possibilité de vivre en vie fraternelle, dans les différences géographiques, culturelles, sociales, etc…avec toutes les différences qui peuvent exister, et au sein même de ces conflits, de ces difficultés. La communauté monastique, quelle qu’elle soit, est là pour témoigner de cette possibilité de vivre en frères au cœur même des différences, au cœur même de l’échec, du constat de notre péché, de nos limites, qui n’ôtent pas la possibilité de vivre en frères et sœurs. Si la vie monastique est un témoin, un signe lumineux, l’évangile nous disait « d’être la lumière du monde »… nous ne sommes pas la lumière par soi-même !… C’est en recevant Jésus en nous que nous pouvons transmettre cette lumière de façon réelle. Ce signe de la luminosité de la vie chrétienne, de la vie humaine, est manifesté par ce lien avec le Seigneur, avec notre Père du ciel, dans son Fils Jésus, dans la puissance de l’Esprit Saint. Il y a enfin l’horizontalité de cette vie, les deux premiers commandements : l’amour de Dieu, l’amour du prochain, où chacun avec nos différences et tout ce qui peut nous agacer, est transfiguré pour vivre une vie dans le Seigneur, une vie fraternelle, humaine, lumineuse et paisible.

Que pour tous et chacun, ce jour soit un jour béni, un jour de bénédiction.

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