Homélie de la Nativité du Seigneur – Samedi 25 décembre 2021 – Année C
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Par le Frère Jean
Chers frères et sœurs,
La Collecte de la Messe de ce jour s’émerveille devant la création de l’être humain, mais plus encore, devant le rétablissement de sa dignité par l’incarnation du Fils de Dieu.
Les Pères de l’Église n’ont pas hésité à parler d’une double création de l’homme : une première fois en créant l’homme, le Seigneur Dieu, disent-ils, s’est penché sur nous. Cette union du ciel et de la terre se réalise à l’identique comme au premier jour, chaque fois qu’un être humain est conçu ; mais une seconde fois, le Seigneur s’est penché sur nous : son Fils est venu habiter notre terre. Dieu s’est abaissé à deux reprises : en nous créant d’abord, en nous rachetant ensuite. Nicolas Cabasilas, au 13ème siècle, le dira en ces termes : « Par la première création, le Christ est maître de notre nature ; par la nouvelle création, il s’est rendu maître de notre volonté ».
Oui, l’incarnation du Verbe de Dieu est une nouvelle création, supérieure à la création de l’univers, d’un notre ordre, comme dit Grégoire de Narek, digne d’être fêter, incorruptible.
La prière sur les offrandes de la Messe de Minuit parlait d’un mystérieux échange – admirabile commercium – entre Dieu et l’homme, par lequel nous sommes configurés au Fils.
« Reçois favorablement Seigneur l’offrande que nous te présentons ; que par ce mystérieux échange, nous soyons configurés à ton Fils en qui notre nature est unie à la tienne ».
En cette solennité de Noël, Dieu vient se mêler à l’homme. Nous devenons participants de sa nature divine sans perdre notre nature humaine. Celle-ci, notre nature, se trouve ennoblie, surélevée, par la venue du Fils de Dieu en notre humanité. La liturgie de l’Église, en ce temps de Noël, ne cesse de s’émerveiller de ce grand Mystère, qui la rend muette tant elle s’émerveille de ce prodige : Dieu aujourd’hui (hodie) s’est fait petit enfant !
« Parce que Dieu s’est fait homme, dit Isaac de l’Étoile, chaque âme croyante peut être considérée, sous un certain rapport, comme épouse du Verbe de Dieu, mère du Christ, sa fille sa sœur, Vierge et en même temps féconde ». St Bernard dit que « Celui qui nous a créé aujourd’hui nait en nous… depuis le temps où la Vierge Mère le conçoit, il continue encore à être conçu chaque jour en moi par la foi… je crois que nous enfantons vraiment le Christ dans la mesure où, tous, nous avons reçu de sa plénitude ». C’est ce que dit St Paul dans la lettre aux Galates : « Mes petits-enfants que j’enfante à nouveau jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous ».
Nous pouvons, frères et sœurs, demander en ce jour de Noël cette grâce d’enfanter spirituellement le Christ. Naguère le Christ a été porté et enfanté corporellement par sa mère, la Vierge, mais par les vierges saintes il continue à être conçu et enfanté spirituellement. Il est significatif à cet égard, que le mot français ‘âme’ soit féminin.
L’âme, épouse du Christ, appartient à la plus belle spiritualité chrétienne, appuyée sur la Sainte écriture et l’expérience des mystiques de tous temps.
Le temps que nous vivons, marqué par la pandémie, entre autre, nous révèle la fragilité de notre condition humaine. C’est cette humanité fragile que Jésus aujourd’hui vient habiter ; il l’a épousée il y a deux mille ans, en prenant chair de la Vierge Marie ; il continue de l’épouser aujourd’hui et jusqu’à la fin des temps, dans les cœurs qu’il accueille par la foi avec amour.
Par le baptême nous sommes enfants de Dieu, non seulement enfants de Dieu au sens moral mais aussi au sens réel ; nous sommes devenus « fils dans le Fils » ; le Christ est devenu pour nous, le premier né d’une multitude de frères.
« À quoi peut vous servir que le Christ soit jadis venu dans la chair, disait Origène au 2ème siècle, s’il n’est pas venu aussi jusqu’en votre âme ? »
Cette solennité de Noël est un appel à descendre dans les profondeurs de notre être chrétien marqué par le baptême, dont nous n’aurons jamais fini d’explorer la hauteur, la largeur, la longueur et la profondeur.
Oui ! Avec Saint-Léon le Grand, nous pouvons dire « Chrétien ! Reconnais aujourd’hui ta dignité ! ».
Cette dignité d’enfant de Dieu dont nous attendons la pleine manifestation au Jour de sa venue glorieuse.
Amen !