Homélie de la Présentation du Seigneur au Temple  – Mardi 2 février 2021 – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs

Quarante jours après la Nativité du Seigneur, voici que nous célébrons sa Présentation au Temple par ses parents Marie et Joseph.

Nous nous souvenons qu’en Orient, dès le VIème siècle, cette fête reçut le nom d’hypapanté, c’est-à-dire « Fête de la Rencontre » ; mettant ainsi l’accent sur la rencontre dans le Temple, avec Syméon et Anne, du jeune couple de Marie et Joseph, portant dans ses bras leur petit Enfant.

Syméon.

Syméon sont le nom signifie « celui qui écoute et qui obéit ». Et Anne, fille de Phanuel, Phanuel dont le nom signifie « Face de Dieu ». Anne, veuve, représentant dans cette scène le rôle si important des veuves en Israël puis dans l’Église, accomplissant une mission de prières et de pénitence, âgée de 84 ans : 12 fois 7, donc 7 ans mariée ; ce chiffre évoquant une certaine plénitude d’âge.

On pourrait s’attarder longuement sur ces deux personnages de cette scène évangélique mais leur présence n’a de sens qu’en fonction de l’Enfant au-devant duquel ils s’avancent ; peut-être même courent-ils vers l’Enfant, du moins intérieurement ; parce que « soudain », à cet instant, comme dit Malachie, cet Enfant est au cœur du récit.

« Le vieillard Syméon vint au temple poussé par l’Esprit, écrit Guerric d’Igny, et il reconnut en toute vérité que la vieillesse résidait en ce nourrisson, la sagesse en cet enfant, la force en cette faiblesse, le Verbe en cette chair ».

Quant à nous, nous pouvons retenir et tirer profit de la fraicheur de ce couple – si l’on peut parler ainsi d’Anne et de Syméon.

« Ce que fait Syméon, dit Origène, en prenant Jésus dans ses bras, ceci ne vaut pas seulement pour lui mais pour tout le genre humain. Si quelqu’un sort de ce monde, qu’il prenne Jésus dans ses bras s’il veut aboutir au Royaume, au Royaume de Dieu. »

On retrouve ici la Parole de Marie aux enfants de Pontmain, citée il y a quelques jours : « Priez mes enfants, mon Fils se laisse toucher ».

Jésus dans les bras de Syméon, d’Anne, de Marie, se laisse toucher.

Mais Syméon ne se borne pas à prendre l’Enfant dans ses bras et à prophétiser : il bénit le père et la mère, et il prophétisa au sujet de l’Enfant lui-même.

La prophétie de Syméon au sujet de Marie est assez obscure, comme elle le fut sans doute pour Marie elle-même. La tradition voit en cette prédiction : « Il est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël… toi-même un glaive te transpercera l’âme ».

La tradition de l’Église voit ici l’annonce de la participation de Marie au Mystère de la Rédemption. Mais elle y voit aussi, au-delà de la souffrance mortelle qu’éprouva Marie devant les contradictions qu’endura son Fils jusqu’à la Croix, elle y voit l’annonce qui lui est faite, qu’elle sera mystiquement associée à la mort vivifiante d’où naîtra l’Église.

« La lance a percé le côté de Jésus, mais du même coup, la Sainte Vierge debout, au pied de la Croix, en a été atteinte en son âme » comme le répètent à l’envie, les Pères de l’Église.

L’Heure de Jésus (qui dans St Jean est l’Heure de sa Passion) sera aussi l’Heure de la femme, qui est celle de l’enfantement. Unie au Nouvel Adam, elle deviendra la Nouvelle Ève, la mère de tous les vivants.

Mais ce récit évangélique d’aujourd’hui, est médité dans le Chapelet parmi les Mystères joyeux. C’est dire que la douleur de Marie n’est pas le tout de cet évènement. Comme si souvent dans la vie spirituelle, joie et douleur s’entremêlent, s’entrelacent. La joie de ce Mystère est chantée par Syméon :

« Mes yeux ont vu ton salut… lumière pour la révélation des païens… et gloire d’Israël ton peuple ».

Pour la révélation : en grec : « apocalypse ». Lumière pour les païens mais aussi lumière pour le peuple d’Israël ; il y a donc : universalisme, mais à partir d’Israël ; comme le dira Paul, « le Salut vient des juifs » ; la lumière vient des juifs.

On comprend mieux alors la mystérieuse parole du Christ, sur l’exaltation d’Abraham « à voir son jour » : il le verrait par les yeux de son descendant. « Par le Verbe, dit St Irénée, Abraham fut instruit de l’avènement du Fils de Dieu parmi les hommes… Syméon, qui était de sa descendance, accomplissait la joie du patriarche par le chant du « Nunc dimitis ». Syméon chante « ce qu’Abraham entrevoyait déjà par la foi », comme nous dit la Lettre aux Hébreux, parlant d’Abraham.

Tournons enfin notre regard vers le jeune couple qui vient de gravir, avec leur Enfant dans les bras, les marches du Temple de Jérusalem. En entendant la prophétie de Syméon, ils ne sont pas étonnés, parce que par l’Ange, l’un et l’autre ont appris que l’Enfant est Sauveur, qu’Il est Saint, qu’Il est Fils de Dieu.

Non, ils ne sont pas étonnés, ils sont plutôt dans l’émerveillement : ravis de voir Jésus ainsi reconnu dans le Temple.

Tout cela, frères et sœurs, nous concerne aujourd’hui.

« Toi aussi, nous dit Origène, si tu veux tenir Jésus, le serrer dans tes bras et mériter de sortir de prison, efforce toi d’avoir l’Esprit pour guide et de venir sous sa conduite au Temple de Dieu ».

Ce Temple, nous le savons, c’est l’Église ! Construit de « pierres vivantes ».

« Tu te tiendras dans le Temple, dit encore Origène, quand tu mèneras une vie digne de l’Église ».

Nous pouvons en tirer la leçon qu’il ne suffit pas de vivre dans le Monastère-Église pour tenir Jésus dans ses bras ; il faut comme Anne et Syméon, mener une vie digne de l’Église.

Faisons nôtre en ce jour la célèbre prière de St John Henry Newman :

« Conduis-moi, douce Lumière, à travers les ténèbres qui m’encerclent. Conduis-moi toujours plus avant ! Garde mes pas ! Je ne demande pas à voir déjà ce qu’on doit voir là-bas : un seul pas à la fois, c’est bien assez pour moi ! »

Amen !

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