Homélie de la Présentation du Seigneur au Temple – Mercredi 2 février 2022 – Fête – Année C
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Par le Frère Jean
Chers frères et sœurs, nous fêtons dans la joie la Présentation du Seigneur dans le Temple de Jérusalem. L’Enfant, né de Marie, porté dans les bras de ce jeune couple de Marie et de Joseph gravissant allègrement les marches du Temple de Salomon.
Ce jour où plusieurs d’entre nous, frères, fêtent l’anniversaire, qui d’une prise d’habit, qui d’une profession monastique, nous reconnaissons dans cette scène pleine de fraicheur, quelque chose de notre vocation propre.
Au jour de notre baptême, même s’il n’y avait pas de vieillard Syméon pour nous prendre dans ses bras, ni de femme prophète qui à l’instar d’Anne se mit à chanter la louange de Dieu, c’est l’Église elle-même qui nous a reçue dans ses bras, représentée par le ‘Oui’ de nos parents qui à la question du ministre du baptême : « Que demandez-vous ? », ont répondu en notre nom : « Le baptême » – ou mieux encore, comme le prévoit le rituel : « Nous demandons la foi de l’Église pour notre enfant ».
L’Église représentée en ce jour aussi par la présence de notre parrain et notre marraine ; dont la présence signifiait qu’ils se portaient garants de l’éducation chrétienne que nous allions recevoir dans les années à venir ; car comme dit Tertullien : « Il ne suffit pas d’avoir reçu le baptême pour être chrétien, il faut le devenir ! »
Le jour de notre profession monastique a été ‘comme’ un nouveau baptême ; si de nos jours, on n’aime pas trop employer cette expression de ‘second baptême’ pour la profession monastique (expression cependant utilisée par St Thomas d’Aquin), il n’en reste pas moins qu’il y a eu ce jour-là, une nouvelle immersion de notre personne dans le Mystère de mort et de résurrection de Jésus, symbolisé pour nous par la remise du scapulaire, symbolisant la Croix, et plus tard de la coule comme d’une nouvelle robe de baptême.
Heureux moines et moniales qui en ce jour de leur profession peuvent tenir en main, le petit cierge : celui-là même que leur parrain et marraine ont reçu en notre nom des mains du ministre de notre baptême. Second baptême, non pas au sens que la profession religieuse se substituerait au premier baptême d’eau et d’Esprit que nous avons reçus, mais bien plutôt au sens où il le parachève, où il l’accomplit. La vie baptismale, et donc la vie consacrée, est un accomplissement de ce qui se réalise aujourd’hui en figure dans le Temple de Jérusalem.
Figure tout d’abord pour Jésus lui-même, qui en sa Personne devient le nouveau Temple mais celui-ci, indestructible ! Ce corps fragile d’un Enfant remis dans les bras du juste Syméon dont la fragilité ira jusqu’à être brisé et broyé sur la croix ; mais en même temps corps indestructible puisque le troisième jour, il ressuscitera d’entre les morts et sera pour toute l’humanité, source de Salut.
Figure aussi en ce jour pour Marie, qui entend des lèvres de Syméon que son cœur sera transpercé à la Croix : « Ton âme sera traversée d’un glaive ».
Elle participera intimement à la passion de son Fils, de son Enfant, qui à cette heure est abandonné entre ses bras ; comme il le sera à l’heure de la Croix, selon la représentation qu’ont faites tant d’artistes au long des âges, représentant Jésus descendant de la Croix et accueilli dans les bras de sa mère. Comme le chante si bien le Stabat Mater : « Debout la mère sur le calvaire était en larmes devant son Fils crucifié ; dans son âme qui gémissait toute brisée, endolorie, le glaive était enfoncé. »
Et cependant le Rosaire nous fait prier cet évènement de ce jour parmi les Mystères Joyeux et non pas les Mystères Douloureux. Il nous enseigne par-là, que douleur et épreuve dans la vie chrétienne sont inséparables de la joie ! Ou inversement que la joie divine ne se donne pas à l’homme, sans participation d’une façon ou d’un autre, à la Croix du Seigneur, autrement dit au Mystère pascal. Le prophète Malachie, des siècles avant Jésus-Christ, le dit à sa façon : « Il est pareil au feu du fondeur… il s’installera pour fondre et purifier ».
Ces paroles se réalisent déjà à la lettre, lorsqu’on sait qu’un fondeur, qu’un orfèvre – au moins tel que se pratiquait ce métier anciennement – lorsqu’il met au feu le métal pour qu’il devienne de l’argent, reste accroupi près du feu où le métal est en fusion, et le retire dès qu’il voit son visage se refléter dans le métal. C’est le signe que la purification du métal est à point.
De même le Christ, lorsque nous sommes dans l’épreuve, est assis à nos côtés jusqu’à ce que la ressemblance soit purifiée en tout ce qui nous sépare de Dieu.
On a probablement, au cours des siècles, abusé de cette image du feu purificateur pour entrer dans le Royaume, particulièrement au moyen-âge, en des termes qui effaraient plus les fidèles qu’ils ne les rapprochaient de Dieu. Peut-être manquait-il à ce feu purificateur, la précision que c’est le feu de l’amour ! Il n’en reste pas moins vrai que la purification, la catharsis des Pères Grecs, est une constante dans les Saintes Écritures pour signifier qu’on n’approche pas de Dieu sans mourir au vieil homme. L’Esprit Saint lui-même est présenté comme un feu qui brule, qui purifie, qui affine l’homme pour le rendre digne de participer au festin des Noces de l’Agneau.
Que cette fête nous y prépare en renouvelant en nous, ce qui a été initié au jour de notre baptême et parachevé au jour de notre profession monastique ; et qui sera complétement accompli au jour de notre Pâque : de notre passage de ce monde au Royaume du Père.
Amen !