Homélie de la Profession Solennelle de Frère Jérôme – Mardi 29 septembre 2020

Par le Père Abbé Vladimir

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers Frères et Sœurs,

Cher Frère Jérôme

En ce jour de fête, alors que tu te prépares à célébrer ta profession, l’Évangile qui trace le chemin sur lequel nous avançons te donne deux exemples pour te conduire dans la vie que tu désires  mener de tout ton cœur à la suite du Christ

Le premier est celui de Nathanaël, un israélite en qui il n’y a pas de ruse. Le vocabulaire choisi par saint Jean, montre qu’il considère celui-ci comme un membre fidèle du peuple de Dieu chez qui il n’y a aucun faux-semblant  c’est à dire en suivant le sens un peu technique de ce  mot qu’il ne dissimule pas sa faiblesse et son péché et fait preuve d’humilité. C’est aussi un homme qui selon certaines traditions d’interprétation est tout entier donné à l’étude de la loi. Il n’y a pas de certitude que Nathanaël soit un autre nom de l’apôtre Barthélémy mais, sans aucun doute, il fait partie de la compagnie de Jésus et de ses amis. Pour notre vie monastique, nous le recevons en exemple non seulement parce qu’il  nous dit que notre vie est une vie d’humilité et de méditation de la Parole de Dieu dans tous les sens que peut avoir ce mot mais aussi que la vie monastique est une vie apostolique. Saint Bernard, à plusieurs reprises, l’affirme en disant que « les moines doivent être fidèles à cette profession qui fait dire aux apôtres : Voici que nous avons tout laissé et t’avons suivi ». Cette vie apostolique de renoncement est  à l’image de la première communauté chrétienne qui nous trouvons en arrière plan dans la Règle de saint Benoît lorsqu’il s’agit de parler de la vie commune, de la dépossession et du travail quand elle dit : « Comme il est écrit, on partageait à chacun selon ses besoins » ou bien : « Ils seront vraiment moines lorsqu’ils vivront du travail de leurs mains à l’exemple de nos pères et des apôtres ».

Cher Frère Jérôme,

Comme le dit le Grand Exorde de Cîteaux, l’idéal des premiers moines cisterciens, et cela prend un poids particulier dans cet ancien dortoir, fut de rétablir la vie commune à la manière des apôtres par la communion la plus parfaite possible dans la charité. C’est ce à quoi t’invite la formule même de ta profession. Si Dieu est amitié, comme le dit Aelred de Rielvaux, si le Seigneur lui même appelle ses disciples ses amis, tu es invité aujourd’hui à entrer dans l’amitié divine qui veut s’étendre à tous les hommes.

Cher Frère,

Le deuxième exemple t’est donné par ces anges de Dieu qu’il nous est promis avec Nathanaël de voir monter et descendre au dessus du Fils de l’homme. Il y a dans ce passage de l’Évangile une évocation très claire de la vision qu’eu, en songe, le saint patriarche Jacob d’une échelle dressée de la terre vers le ciel où des anges de Dieu montaient et descendaient. À nous qui croyons profondément avec la tradition que la vie monastique est une vie angélique, la Règle de Saint Benoît nous dit que cette échelle, cette montée et cette descente ne signifient rien d’autre sinon que l’on descend par l’élèvement et que l’on monte par l’humilité. Saint Bernard dans le cinquième sermon sur le Cantique des Cantiques dans une des digressions dont il a le secret évoque la place qu’a chacune des créatures dans le cosmos et en particulier les anges. Citant la lettre aux hébreux, il nous les montre au service de l’homme : « Quant aux esprits supracélestes, une parole vraie et vraiment divine nous assure sans l’ombre d’un doute de leur service : Ne sont-ils pas tous des esprits chargés d’un ministère, envoyés en service pour ceux qui doivent hériter du salut ». Comment pourrait-il en être autrement puisque le maître lui-même s’est anéanti, prenant la condition d’esclave jusqu’à la mort de la Croix pour nous ouvrir les portes du salut.

Il y a dans la tradition monastique tant en Orient qu’en Occident de multiples interprétations de notre vie comme d’une vie angélique mais voici celle qui est la plus conforme à la tradition de notre Ordre. Par le baptême, les yeux de notre cœur se sont rouverts à la contemplation du mystère, celui de la récapitulation de toute chose dans le Christ les visibles comme les invisibles, celui de la destruction du mur de séparation qui divisait les hommes.

Cher Frère Jérôme,

La vie angélique ce n’est pas mépriser le corps ou le cosmos, c’est contempler ce mystère  de tout son être pour y adhérer de manière libre, dans la liturgie comme dans le travail obscur, dans l’étude comme dans la méditation, dans la vie fraternelle comme dans la prière solitaire par l’obéissance, la stabilité et la conversion de tes mœurs. La vie angélique, c’est d’être comme eux au service de ce dessein de salut. C’est d’être uni à tous même si séparé et de prier en donnant ta vie pour tous.

Avec l’habit des noces, l’Évangile t’apporte un message de joie. Il annonce la venue du Règne de Dieu qui est vie, amour, paix et joie par Jésus Christ dans l’esprit Saint. Il vient t’ouvrir les yeux sur tous les hommes et le cosmos pour tout recevoir gratuitement dans la joie comme un don de Dieu.

Cher Frère Jérôme,

Que ce soit ton rempart tout au long de ce chemin où nous t’entourons de notre affection et de notre prière afin qu’il te conduise jusqu’à la plénitude.

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