Homélie de la solennité de l’Ascension – Jeudi 13 mai 2021 – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs,

St Bernard, grande figure de l’ordre de Cîteaux au 12ème siècle, avait beaucoup de dévotion au mystère de l’Ascension ; il lui a consacré six sermons. C’est en son honneur qu’il institua une procession, en ce jour, qui fut adopté en seconde rédaction des us et coutumes de notre ordre. L’Ascension était pour Bernard l’achèvement du mystère d’amour par lequel, enfin remonté dans la gloire du Père, le Verbe incarné, le Fils de Dieu, jusqu’alors caché dans l’humilité de la chair humaine durant sa vie terrestre, pouvait envoyer aux hommes l’Esprit qui les unirait au Père dans l’amour.

Jésus, qui en ce jour remonte dans la gloire du Père – façon de parler puisque que nous n’avons que des mots humains – Il monte avec son corps ; ce corps de chair en tout semblable au nôtre, excepté le péché ; ce corps de chair qui a eu faim durant sa vie terrestre, qui a eu soif, qui auprès de son père Joseph, a appris à travailler de ses mains. Ce corps de Jésus qui a grandi auprès de ses parents en leur obéissant ; ce corps de Jésus qui a connu la souffrance, l’extrême souffrance de la croix ; ce corps de Jésus qui a été mis en croix, qui a été enseveli et qui, ressuscité, entre aujourd’hui dans la gloire de la Trinité.

Ce n’est pas là une belle histoire que les chrétiens se raconteraient de génération en génération. Si ce que je viens d’énumérer n’est pas vrai, alors, vaine est notre foi, comme dirait St Paul.

Avec l’élévation de Jésus dans la gloire, c’est toute notre humanité, qui en Lui et avec Lui, entre dans la gloire du Royaume des cieux. Si bien que nous pouvons dire que par ce mystère de l’Ascension, nous avons déjà (si j’ose dire) un pied dans le Royaume des cieux… mais en espérance. Ce que nous espérons aujourd’hui, demain nous le possèderons. C’est pourquoi cette solennité de l’Ascension est la grande fête de l’espérance. Sans espérance, on meurt !

L’espérance, « cette petite fille, comme disait Péguy, qui a l’air de rien du tout ; cette petite fille, espérance, immortelle. C’est d’espérer qui est difficile »… « une flamme impossible à atteindre que l’espérance, impossible à éteindre au souffle de la mort ». Oui ! Sans espérance, on meurt !

L’espérance, c’est beaucoup plus que l’espoir. L’espoir, ou bien les espoirs, est une attente qui est toujours susceptible de ne pas se réaliser et donc de me décevoir :

j’ai l’espoir que j’arriverai à l’heure pour prendre le train mais ce n’est qu’un espoir. Le train peut être parti avant que je n’arrive.

L’espérance, en revanche, s’ouvre dans une certitude ; la certitude de ce qui nous attend au bout du chemin. L’espérance n’est pas aléatoire, elle est ferme et concrète. « L’espoir meurt, dit un proverbe, l’espérance demeure ». L’espoir permet de tenir, l’espoir permet de supporter, mais non pas de vivre ! Ce n’est pas l’espoir qui fait vivre, c’est l’espérance !

Eh bien, nous chrétiens, nous croyons fermement que là où Jésus est entré dans la gloire, nous y serons demain avec Lui et nous y sommes déjà en partie aujourd’hui par la foi. Et c’est là, la source de notre joie, de notre joie chrétienne.

L’Ascension est aussi, en un sens qu’il faut comprendre, le départ nécessaire du Christ. Un départ – le mot n’est peut-être pas très juste, comme lorsqu’on dit qu’il s’est élevé – un départ qui est bien plutôt un nouveau de mode de présence, non plus extérieur et localisé mais intérieur et universel !

Mon conjoint que j’aime peut être à mille kilomètres du lieu où j’habite, mais puisque nous nous aimons, nous sommes présents intérieurement, l’un à l’autre.

Si Jésus n’était pas « monté au ciel », Il serait encore parmi nous, au milieu de nous, mais, à côté de nous, extérieur à nous… – comme je vous suis extérieur en cet instant où je vous parle, et comme vous m’êtes extérieur – mais, dit St Paul, il est monté au ciel « afin de tout remplir ».

Cela peut paraitre paradoxal mais c’est fondamental ! Il faut que le Christ soit parti pour être plus proche !

Aujourd’hui, nous croyons que Celui que les anges accompagnent d’une procession triomphale jusqu’à la droite du Père, Celui-là même qui est né parmi les hommes, qui a souffert par eux, c’est Lui qui reviendra juger les vivants et les morts, mais Il reviendra revêtu de la gloire qu’Il avait dans son Ascension. Il était descendu sur la terre dans l’humilité, dissimulé, caché en quelque sorte sous la faiblesse de la chair, mais dans cette même chair glorifiée par la résurrection, Il reviendra en grande puissance et en grande majesté.

Voilà, ce que notre foi nous fait proclamer en ce jour de l’Ascension ; et c’est pour nous la source d’une véritable joie spirituelle.

Nous apprenons de ce mystère que nous célébrons aujourd’hui, que l’âme doit aimer le Seigneur, le chercher de toute son ardeur, le chercher là où Il est, c’est-à-dire dans la gloire du Père ; et pour cela le chercher en se détachant de tout ce qui est trop collé à la terre.

Nous vivons aujourd’hui dans une histoire Sainte, dans un monde où le Christ, envoyé du Père, accomplit parmi nous, et en nous, des œuvres proprement divines qui sont la prolongation des œuvres que Dieu accomplit dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament.

Il y a une histoire profane avec de grandes œuvres de l’homme, mais les œuvres que Dieu opère sont infiniment plus grandes. Si les œuvres de l’homme attestent ce que peut l’homme, les œuvres de Dieu attestent ce que peut Dieu !

Le chrétien, frères et sœurs, doit avoir le sens de cette hiérarchie des ordres.

« Il restera toujours vrai, comme disait Blaise Pascal, que la grandeur de la sainteté (à savoir les œuvres divines) dépasse infiniment les grandeurs des corps et les grandeurs de l’intelligence humaine ».

Cela ne veut pas dire que les grandeurs humaines ne sont pas de véritables grandeurs, mais plus l’homme nous parait grand, plus nous comprenons combien Dieu est grand ! Le christianisme n’a pas besoin, comme lui reprochait Karl Marx, « de dépouiller l’homme pour exalter Dieu » ; ou comme disait encore Péguy « de rabaisser Sévère pour exalter Polyeucte ».

En ce jour de l’Ascension, nous tournons les yeux de notre foi en ce grand mystère qui est fait de beauté, et qui dit la grandeur des mystères de notre foi.

La fin de notre vie est de vivre avec Jésus dans la gloire du Royaume des cieux. Ce n’est pas un rêve ! Nous croyons à la parole de Jésus : « Je pars vous préparer une demeure, afin que là où je suis, vous soyez vous aussi ».

Demandons frères et sœurs, à Jésus, au Saint Esprit, à la Vierge Marie, à St Joseph, de protéger notre foi, de la faire grandir, de l’enraciner dans l’espérance qui ne déçoit pas.

Amen ! Alleluia !

 

 

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