Homélie de la solennité de Pentecôte
Dimanche 9 Juin 2019 – Année C
Par le Frère Jean-Marie
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé
Frères et sœurs bien aimés, nous fêtons aujourd’hui ce jour du Seigneur, dimanche, dimanche de Pentecôte. Pentecôte voulant dire cinquante. Cinquante jours après la résurrection du Christ, l’Esprit Saint nous est communiqué, donné à l’Église.
Cette fête de Pentecôte s’enracine dans une fête liturgique qui appartient au peuple d’Israël. Elle est une fête agricole, une fête agraire, où les israélites apportaient les prémices de leur récolte pour les offrir au Seigneur, comme le demande le Seigneur dans le texte de l’Exode et du Lévitique, texte de la première Alliance. Cette fête de Pentecôte appartenait aux trois fêtes où Israël devait se rendre au Temple, à Jérusalem, pour honorer le Seigneur, avec Pâques et la fête des Tentes.
Cette fête de Pentecôte prendra une autre acception, un peu plus tard, qui sera une fête d’anniversaire, de mémoire de l’Alliance. Après le passage de la mer Rouge, qui est l’acte fondateur du peuple d’Israël, cinquante jours après, le Seigneur fait Alliance avec le peuple d’Israël. Et Pentecôte renouvelle, actualise, cette anniversaire de l’Alliance, cette Alliance avec le Seigneur.
Mais aujourd’hui nous fêtons Pentecôte qui est le Don de l’Esprit Saint. Dieu est cohérent. Il n’y a pas de rupture dans la révélation. Il n’y a pas de rupture dans la vie de l’Église. Il y a une continuité dans une nouveauté, un renouvellement.
Nous sommes appelés à recevoir l’Esprit Saint. L’Esprit Saint arrive, non plus comme une offrande que nous donnons au Seigneur : de gerbes, de fruits, etc. Mais c’est Lui qui vient comme Don, comme fruit de la Trinité, fruit de l’Amour du Père et du Fils. Et qui est communiqué à chacun et chacune d’entre nous… d’abord aux apôtres et à la Vierge Marie.
Certes, Marie était remplie de l’Esprit Saint, elle a toujours été pleine de grâces ; remplie de l’Esprit Saint.
Ce que l’Archange Gabriel lui dit : « Je te salue Comblée de grâces ».
Il manquait rien à Marie qui est une femme de nature humaine. Mais remplie sans le péché originel, et remplie avec cette capacité permanente d’être dans la lumière de Dieu. Ce dont nous n’avons pas l’expérience ! Et de répondre à l’appel de Dieu, donc, pour accueillir le Verbe de Dieu qui a pris chair en elle… Jésus. Jésus qui est le Verbe de Dieu, qui s’unit à la nature humaine, en prenant une cellule de Marie, avec la création de son âme humaine.
La Personne de Jésus est divine, avec sa nature divine et sa nature humaine ; et la nature humaine de Jésus est unie à la Personne divine de Jésus, en lui-même… c’est ce qu’on appelle l’union hypostatique : l’union des natures dans l’unique Personne du Christ. Et cela se fait grâce au Don de Dieu, évidemment, mais avec le consentement de Marie ! Et Marie va recevoir sans arrêt une lumière supplémentaire, on peut dire ; non pas cette capacité qu’elle était, et qu’elle est, d’être remplie de Dieu. Mais dans son pèlerinage terrestre, son pèlerinage de foi, comme le rappelait souvent St Jean-Paul II, ce pèlerinage avait besoin d’une lumière supplémentaire pour mieux comprendre et adhérer à ce que Dieu lui demandait.
On le retrouve au pied de la Croix. Demain nous fêterons Marie Mère de l’Église, en reprenant le temps ordinaire. Et Marie Mère de l’Église, c’est Marie au pied de la Croix, qui reçoit de son Fils même, cette nouvelle maternité qui est la maternité de l’Église. Le Mystère de Marie est centré sur sa maternité divine. Mais cette maternité divine de Jésus va s’ouvrir ; Lui qui est la Tête pour tout le Corps de l’Église, c’est-à-dire, chacun et chacune d’entre nous et toute l’humanité. Qu’est-ce que l’Église ? L’Église, c’est l’humanité renouvelée dans la Trinité. Point final.
L’humanité a besoin d’être recréée, ressaisie par la grâce divine ; et c’est dans l’Église que cela est donné : par le baptême et par la vie sacramentelle.
Tel est le chemin ordinaire et objectif du Salut pour tous les hommes. Dieu peut réaliser en dehors de ces sacrements ce qu’il fait dans les sacrements ! Mais la voie ordinaire, c’est ce chemin de Salut donné par le Seigneur… comme une obligation d’amour, une découverte d’amour.
Et donc Marie, en ce jour de la Pentecôte, reçoit l’Esprit Saint pour avoir cette lumière particulière pour enfanter, en quelque sorte, l’Église que son fils lui donne dans cette maternité – qu’elle a encore.
Et elle intercède, comme nous le rappelle le Concile Vatican II, elle intercède aujourd’hui, au ciel, pour chacun et chacune d’entre nous et tous les membres de l’humanité. Afin que chacun soit renouvelé, ressaisi, recréé, dans la vie surnaturelle ; redonner la vie surnaturelle.
Et c’est ce que nous apporte l’Esprit Saint. L’Esprit Saint nous donne la vie même de Dieu. Nous avons (pour ceux qui sont baptisés) nous avons reçu la vie trinitaire au baptême. Cette vie trinitaire nous donne la vie même de Dieu.
Tout être humain est voulu par Dieu. Baptisé ou pas baptisé. Tout être humain est voulu par Dieu et aimé de Dieu. Et il est enfant de Dieu.
Cependant que nous apporte le baptême ? Non pas d’être aimés de Dieu ! Mais il nous apporte d’être aimés de Dieu comme Dieu s’aime lui-même dans la Trinité ! C’est la vie même de Dieu qui nous est communiquée. D’où la nécessité du baptême pour enlever en nous le péché originel – qui n’est pas un péché personnel mais un péché qui touche la nature humaine. Le baptême nous communique de manière positive la vie même de Dieu… le Salut de Dieu ; et de pouvoir aimer Dieu comme il s’aime lui-même ; et d’être ressaisis dans notre relation, les uns avec les autres, pour nous aimer avec cet « agapè » : cet amour qui va être le signe distinctif des chrétiens.
C’est pas l’habit religieux que l’on porte ou une croix ou je ne sais quoi, qui sont nécessaires au niveau symbolique dans la vie sociale, mais ce qui compte, c’est la charité !
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés »… et c’est à cet amour que tous vous reconnaitront pour mes disciples !
Voilà le signe distinctif du chrétien !
Ce jour de Pentecôte, l’Esprit Saint nous est communiqué, donc, pour vivre de la vie même de Dieu.
Et nous avons reçu le sacrement de confirmation.
Si au baptême nous avons reçu la Trinité en entier, et pleinement l’Esprit Saint – Il est pas venu à 80%, et 20% sont rajoutés à la confirmation ! – mais Il est venu totalement !
Mais le jour de notre confirmation, nous recevons l’Esprit Saint avec la même nature et la même force que les apôtres l’ont reçu le jour de la Pentecôte. Et donc nous avons reçu et nous avons – ce n’est pas une hypothèse, c’est pas une possibilité – nous avons ce trésor en nous, cette potentialité surnaturelle d’être forts, pour vivre, être avec le Seigneur et témoigner de Lui dans notre vie. C’est la force même de Dieu, le Don de Dieu que nous avons reçu, qui peut nous conduire jusqu’au martyre…
Ces dernières années, et ce dernier siècle, il n’y a jamais eu autant de martyrs qui ont versé leur sang pour Jésus.
Et donc nous sommes appelés à témoigner de Jésus jusqu’au bout ! Mais à commencer par soi-même ! Le témoignage n’est pas fait pour ceux qui habitent aux antipodes ! C’est d’abord par rapport à notre propre conscience où l’Esprit Saint nous permet d’être maitre de soi – non pas dans un volontarisme maladif – mais dans un Don qui nous permet d’agir conformément à notre foi. La foi nous donne la lumière pour notre intelligence afin de nous guider ; et l’Esprit Saint agit sur notre volonté. Les deux facultés de l’âme, intelligence et volonté, qui nous permettent d’agir conformément à la lumière que nous avons reçue. C’est la cohérence de vie à laquelle nous sommes appelés !
Tout au long de notre vie, nous cheminons dans un combat, comme nous le rappelait la deuxième lecture de Paul, et nous sommes pris par un antagonisme… c’est à dire, ça balance en nous !
Et donc, il y a besoin de choisir le bien et la lumière dans la force de l’Esprit Saint – l’Esprit Saint qui habite en nous – pour choisir le bien et agir comme Dieu veut ! Et rejeter le Mal.
Ce combat durera toute notre vie ! Si nous ne sommes pas en combat, c’est que nous sommes soit dans l’illusion complète, soit parvenus à un sommet de sainteté où ce combat est déjà dépassé… ce qui est relativement rare !
Nous sommes invités, donc, à nous laisser saisir par l’Esprit Saint, aujourd’hui, de manière concrète… non pas de manière éthérée. Et dans la force du sacrement de baptême que nous avons reçu, la force du sacrement de confirmation, nous demander où nous en sommes aujourd’hui ?
Savoir si nous sommes vraiment dociles à l’Esprit Saint ? Et là nous sommes appelés à être très concrets. Est-ce que durant nos journées, est-ce que durant notre vie – pour les décisions importantes mais pour le quotidien de notre vie – nous nous référons à l’Esprit Saint ?
Est-ce que notre intelligence et notre volonté sont éclairées par l’Esprit Saint ?
Est-ce que nous sommes en disponibilité, en état de docilité à l’Esprit Saint ?
Ou bien nous avançons en fonçant sans savoir très bien où on va… ou en demandant des conseils à des personnes aussi inexpérimentées qu’incompétentes. Et qui, connaissant rien à la vie surnaturelle, nous donnent des conseils qui ne dépasseront pas les horizons d’ici-bas !
Donc, nous sommes invités à nous laisser saisir et accompagner pour discerner la volonté de Dieu en nous.
Mais cette guidance, cette mouvance de l’Esprit Saint, en ce jour de Pentecôte, est pour chacun et chacune d’entre nous, mais elle est pour toute l’Église ensemble ! Ce n’est pas moi et Dieu, Dieu et moi ! C’est Dieu et moi mais avec les autres !
Donc l’Église n’est pas un club d’individualités assemblées comme des colonnes dans un cloitre où personne ne se regarde !
Nous sommes des êtres humains en communion les uns avec les autres. Et plus nous serons en communion avec le Christ, plus nous serons unis les uns aux autres.
C’est l’image qu’emploie St Dorothée de Gaza, c’est un moine d’il y a pas mal de siècles : dix-sept siècles en arrière, qui disait : « C’est comme des rayons d’une roue ; on va vers le centre ; et plus on va vers le centre, plus on est uni les uns aux autres ».
Et bien, l’Église est guidée par l’Esprit Saint, qui est comme le maitre intérieur, l’âme de l’Église. Jésus est la tête, le Christ est la tête. Et il nous communique son Esprit pour animer son Église selon la volonté du Père.
Et à travers le temps et l’espace, à travers les générations, jusqu’à la parousie, au retour du Christ en gloire… chaque être humain, qui est unique, qui a une histoire unique, une histoire de sainteté unique, est appelé non seulement à jouer sa partition personnelle – chacun de nous, nous avons une note de musique à jouer (évidemment par analogie) qui est unique dans l’histoire de l’humanité – mais aussi de la jouer avec les autres. On fait pas un solo !
Et nous sommes invités à être les uns avec les autres, à jouer notre partition. Sans être jaloux, regarder si l’autre a plus, moins… si je suis mieux, moins bien… j’aurais dû… il aurait pu… bon ! Mais de vivre totalement dans l’Esprit et de nous laisser construire personnellement aussi ensemble.
Alors en ce jour de Pentecôte, demandons au Seigneur et prenons la résolution, dans la grâce de l’Esprit Saint, d’être docile, de faire le choix. Il faut choisir ! Choisir d’être docile à l’Esprit ! Puis au niveau pratique, concret, de nous mettre en état de disponibilité, non seulement aujourd’hui…mais jusqu’à notre mort, à l’entrée au Ciel !… d’être à l’écoute pour les grands choix de notre vie et, pour les « choses », aussi, de nos relations les uns avec les autres.
La relation humaine qui est à l’image de la Trinité, qui est relation substantielle éternelle, est ce qu’il y a de plus beau dans la vie. Mais c’est là où nous avons les échecs les plus cuisants, aussi, les plus grandes difficultés… parce que nous sommes blessés, et les autres aussi sont blessés ! Donc deux blessures, ça fait pas une personne guérie !
Mais nous sommes invités à nous laisser prendre par la grâce de l’Esprit Saint et… changer.
Avoir une nouvelle lumière, une nouvelle qualité de relation, les uns avec les autres, pour vivre dans l’Amour, dans l’agapè.
Alors, laissons-nous saisir par cela. Et accomplir la vocation et la mission que Dieu veut pour nous aujourd’hui. Et d’être revivifiés dans cette vocation, cette mission, de la découvrir, ou de la recevoir, d’y être fidèle… et d’être dans une dynamique de l’Amour.