Chers frères et sœurs,
Après la célébration de la solennité de la très sainte Trinité, l’Église fête solennellement le très saint Sacrement, c’est-à-dire la Présence Eucharistique du Seigneur instituée par Jésus lui-même devant ses disciples à la dernière Cène, juste avant qu’Il ne s’engage dans sa Passion. Les trois lectures de la liturgie de la Parole de cette année mettent l’accent sur l’aspect sacrificiel de ce merveilleux sacrement puisqu’il nous relie et nous met en contact avec le mystère de l’Amour même de Dieu qui vient à nous : jusqu’à venir en nous… O miracle ! Invention vertigineuse du Dieu fait homme, né, mort et ressuscité pour nous, et désormais élevé dans la gloire divine supra céleste de la Trinité sainte.
Le mystère de l’Eucharistie a la particularité de nous communiquer de façon substantielle cette sainteté du Dieu vivant, à travers le rite singulier de la réception de l’hostie consacrée. Le fidèle doit se préparer à cette réception sacrée, d’abord en se rappelant au début de l’office son indignité d’y participer, puis ensuite en se mettant à l’écoute purifiante et nourrissante de la divine Parole de la célébration de la liturgie ; l’assemblée des baptisés est ainsi en communion avec le prêtre tout au long du déroulement de la prière eucharistique pour offrir une digne hospitalité au Christ glorifié qui désire ardemment notre reconnaissance et notre amitié ; en même temps, l’assemblée des baptisés s’unit à Jésus-Eucharistie offert pour le monde.
La première lecture de l’Exode nous montre comment le petit peuple d’Israël accepte de s’engager dans l’Alliance que Dieu lui a proposée depuis Abraham, et qu’Il renouvelle au moyen de la forme rituelle officielle réalisée par Moïse au pied de la montagne du Sinaï. Pour rencontrer Dieu, il y a toujours nécessité d’effectuer un sacrifice par le biais substitutif de l’offrande d’une nourriture (ici sur les douze autels : de jeunes taureaux immolés) qui ratifie symboliquement le pacte de fidélité exhorté et conclu entre les deux parties inégales : par l’énoncé « Ceci est le sang de l’Alliance ». Pourquoi ces paroles ? Car chacune des parties, selon la coutume humaine, donne à l’autre « ce qu’il lui est » de plus intime et de plus vivant, pour signifier l’accord et l’union volontaire à contracter. Il s’agit d’exprimer en quelque sorte la portée sacrée indissoluble de l’Alliance prenant la figure « d’une fraternité de sang ». Pourtant l’expression formelle demeure insuffisante pour signifier cette fraternisation spirituelle supérieure du Sinaï, il manque en effet l’élément principal qui est à l’origine de la volonté d’Alliance, puisque « le sang répandu » reste inadéquat des deux côtés à cause du sang hétérogène (si on peut dire) d’un animal.
La seconde lecture repoussera cet élément étranger qu’est « ce sang des boucs et des jeunes taureaux » par rapport à l’homme et à Dieu, il sera remplacé avantageusement par le sang de Celui qui est dans sa Personne à la fois Dieu et homme, le médiateur de l’Alliance nouvelle, dont nous parle l’Épitre aux Hébreux. Alors l’antique Alliance s’achève et se transforme par le Médiateur définitif qui parait devant le Père des cieux avec « son propre sang ».
Ainsi le sacrifice du Christ expie-t-il toutes les infidélités des partenaires humains, aussi monstrueuses soient-elles. Il peut le faire parce qu’Il se livre Lui-même tragiquement, par Amour pour le monde rebelle tombé sous l’emprise et l’influence de l’Adversaire menteur.
De plus s’étant livré par un Esprit éternel, Jésus Christ nous acquiert une rédemption éternelle, non seulement pour le futur, mais déjà maintenant au présent puisqu’Il demeure en permanence avec nous, les fidèles, si par Amour de Dieu, nous nous gardons du péché.
Nous sommes conviés en Église à réitérer l’offrande de nous-même dans ce mémorial de l’Alliance pour le progrès du Salut du monde, et pour l’avènement sur toute la création entière de la Gloire de la sainte Trinité.
Avec quelle pieuse déférence ne devons-nous pas nous souvenir, et accomplir en action de grâce, cet acte religieux par excellence, exécuté par le Seigneur lui-même !
« Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de gloire de sa grâce, la grâce qu’il nous a faite dans le Fils bien-aimé. »