Frères et sœurs bien-aimés, en cette solennité des apôtres Pierre et Paul, rayonne une lumière, la lumière de Dieu à travers la personne de ces deux saints apôtres. Et pour nous, nous pourrions nous interroger sur ce qui est la caractéristique propre de la sainteté.

Nous sommes appelés à la sainteté. Dans les premières communautés chrétiennes, quand on lit les Épitres des lettres de saint Paul, il parle de ses frères et sœurs chrétiens comme des saints. Et dans les premières lettres apostoliques d’Ignace d’Antioche ou de Polycarpe de Smyrne, nous voyons cette présence de la sainteté, de cette conscience de la sainteté, de ce devoir existentiel de la sainteté.

L’être humain a été créé par Dieu, il a été créé pour Dieu. Et comme dit Saint-Irénée de Lyon : la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant : vivant de la vie de Dieu, dans la plénitude de Dieu. Nous ne sommes pas faits pour rester limités, circonscrits dans nos limites. Mais Dieu nous appelle à vivre de sa propre vie, c’est le but même de l’acte créateur, sa finalité.

Et pour nous, chrétiens, pour nous baptisés, le baptême a fait de nous des saints. Le baptême a enlevé en nous le péché originel, cette tare qui marque la nature humaine, qui est un péché appelé « entitatif » – un mot un peu compliqué qui vient du mot ens : « être » en latin d’après les spécialistes – et qui marque la nature humaine ; d’où la nécessité du baptême, y compris pour les petits enfants : pour enlever cette réalité négative afin que l’enfant soit purifié, et de manière aussi positive et constructive, inséré dans la personne du Christ en communion avec lui, devenant fils et fille de Dieu dans l’unique Fils, et en recevant l’Esprit Saint pour vivre dans la communion avec notre Père du Ciel, la communion fraternelle les uns avec les autres.

Ce que crée le baptême en nous faisant participer, et participant, de la vie de l’Église, nous sommes appelés à le déployer durant toute notre vie. Il ne s’agit pas de recevoir simplement un héritage, une source, encore faut-il vivre de cet héritage et le faire fructifier, plus encore : de donner fécondité à ce que nous avons reçu, à cette graine qui est donnée dans notre âme et qui est inamissible : rien ni personne ne peut l’enlever, même l’apostasie.

Nous sommes appelés à vivre de cette vie en cohérence avec cette vie divine qui nous est partagée. Nous pourrions retenir deux caractéristiques de cette vie divine à laquelle nous sommes appelés. À la fois, cette vie divine suppose la nature et la grâce, comme nos deux jambes en quelque sorte (si je peux prendre cette symbolique, cette analogie). Nous sommes appelés à accueillir notre nature et à nous accepter tel que nous sommes. Cela est facile à dire, mais il faut toute une vie pour s’accepter tel que l’on est ; pour s’accepter avec notre histoire personnelle, nos aspects de lumière, d’ombre, nos aspects faciles, nos aspects cabossés, tout ce qui nous caractérise. Nous sommes tous des êtres humains à la fois merveilleux mais en même temps pauvres et par moments minables. Nous sommes appelés à accepter cette réalité qui nous constitue.

Mais le Seigneur nous appelle non seulement à l’acquiescer, mais aussi à accepter une autre réalité. C’est la puissance de sa grâce qui veut se déployer en nous. Nous pourrions prendre une image, en fait, une image comme le vitrail. Le vitrail, eh bien, on ne change pas le vitrail mais nous sommes appelés à nettoyer le vitrail, à enlever les toiles d’araignée, la crasse qui s’est accumulée. Ça, c’est le premier point. Mais aussi, à accepter la lumière qui va traverser le vitrail. Nous sommes appelés, nous, à nous purifier sans cesse. Ce n’est jamais fini, même s’il y a des grands axes de la vie : renoncer au péché volontaire ; et accepter la vie divine, la vie de communion avec Jésus, une vie qui nous tonifie à chaque instant, qui n’est pas simplement une idée ou un impératif moral mais qui est une question de vie ou de mort, une question existentielle pour chacun, chacune d’entre nous. Et de laisser la grâce de Dieu nous transformer. Le Seigneur ne nous demande pas de nous changer. Parfois, on dit « il faut changer ! ». C’est un terme ambigu. Oui, il faut changer, quitter les mauvaises habitudes et s’ouvrir à la puissance de la grâce et à la charité ! Mais nous restons tels que nous sommes ! Le Seigneur nous demande d’être transfigurés dans ce que nous sommes, et pas renoncer à ce que nous sommes : à nos racines, à notre parcours et même à l’aspect passif de notre vie, l’aspect douloureux, même l’aspect peccamineux qu’il y a pu avoir dans notre vie. Nous sommes graciés, « miséricordiés ». Nous sommes pardonnés, réconciliés, mais nous intégrons notre passé ; on ne peut pas tomber dans le déni, dans une forme d’oubli du passé. Non ! de l’assumer ! Et ce passé est purifié, réconcilié avec Dieu et avec les autres. Et nous sommes appelés à cheminer mais à nous laisser transfigurer tels que nous sommes. Dieu ne nous demande pas de changer notre personnalité, notre personne (c’est impossible d’ailleurs !). Nous sommes appelés à nous laisser transfigurer. Les deux caractéristiques de la sainteté, c’est de nous accepter tels que nous sommes – et pas tels que nous rêverions d’être, ou des fantasmes qui proviennent de différentes images, des circonstances de la vie, des médias qui font planer, rêver… mais l’atterrissage est parfois douloureux – nous sommes appelés à accepter cette réalité humaine mais à accepter aussi dans la foi la réalité de la puissance de la grâce. Ce sont deux vérités ! Une vérité n’enlève pas une autre vérité ! Ce sont les paradoxes de notre vie humaine et les paradoxes de notre vie chrétienne.

Et donc, en cette solennité des Saint-Pierre et Saint-Paul – Pierre qui était un pêcheur, un artisan pêcheur du lac de Tibériade, et Paul qui était plutôt plus intellectuel, plus fidèle à un rigorisme de la loi – nous sommes appelés, comme eux ont accepté leur vie, à leur exemple, soutenus par leurs prières, à être transfigurés et à nous laisser saisir par la grâce de Dieu. Tout être humain est spirituel. C’est le propre de l’être humain. Même la personne qui se dit la plus athée, agnostique, la plus persécutrice de l’Église, la plus « anti-tout ce que vous voulez », eh bien, cet être-là, cet homme, cette femme, est un être spirituel ! Parce que l’âme spirituelle de l’être humain a une capacité à recevoir la vie du Seigneur. Mais que faisons-nous de cette capacité d’atteindre Dieu ? Et c’est là où vient nous rejoindre la vie de grâce, appelée aussi la vie surnaturelle, qui est un don du Christ, la révélation est un don du Christ. Nous sommes appelés aujourd’hui à nous laisser saisir par cette grâce surnaturelle, tout simplement à vivre comme un chrétien, comme un baptisé.

L’autre aspect, c’est d’accepter la vie telle que le Seigneur nous la donne : dans les circonstances historiques, géographiques, culturelles, sociales, familiales, génétiques, etc…, eh bien d’accepter l’appel que le Seigneur nous donne pour accomplir la mission qui nous est personnelle, on pourrait dire « personnalisée ». Chaque être humain est unique dans l’histoire de l’humanité !

Chacun est aimé et voulu par Dieu : d’où l’importance de protéger la vie dès sa conception jusqu’à sa mort naturelle, et d’éviter toute violence, quelles qu’en soient les formes, envers les êtres humains.

Nous sommes appelés à accomplir cette mission que le Seigneur nous confie, cette partition à jouer qui sera unique dans l’histoire de l’humanité, l’histoire de l’Église.

Donc, laissons-nous saisir par le Seigneur, et nous pourrions rendre grâce au Seigneur de ce qu’il a fait, ce qu’il fait et ce qu’il fera dans notre vie. Nous recevons la grâce et nous lui rendons grâce.

Et la grâce aussi de nous accepter tel que nous sommes, avec nos aspects cabossés, nos aspects contradictoires : de l’accepter, de lutter contre évidemment, mais de nous accepter profondément comme nous sommes.

Et enfin, d’accepter l’œuvre de grâce qui est à l’œuvre en nous par la puissance de l’Esprit Saint : d’accepter dans notre vie l’œuvre de l’Esprit Saint. Mais pour cela, il y a un consentement à donner, il y a une acceptation à donner, de dire : « oui, Jésus, je veux être coopérant à ta grâce ». À partir de là, de mettre en œuvre sans arrêt, instant après instant, ce que le Seigneur attend de nous ; pas forcément des choses extraordinaires ou spectaculaires : à 99,9% ce sont des choses ordinaires de la vie ! La sainteté se constitue, se construit dans cet ordinaire de la vie, comme une vie personnelle, une vie familiale, conjugale, sacerdotale, etc… se construit dans l’ordinaire de la vie, dans l’humble quotidien.

Alors que le Seigneur nous fasse cette grâce d’avoir cette lumière pour bien voir et comprendre les choses, mais aussi d’avoir cette ferveur pour passer aux actes, ne pas rester des velléitaires. Soyons des hommes et des femmes qui s’engagent, qui s’engagent au plus profond de leur être, pas simplement à l’extérieur, mais au plus profond. Et demandons la grâce de la fidélité afin d’œuvrer, de coopérer au dessein de salut éternel, de miséricorde que le Seigneur veut sur nous, sur nos proches, sur l’Église et toute l’humanité. Amen.

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