Homélie de la fête de la Transfiguration du Seigneur

Le jeudi 6 août 2020 – Année A

Par le Père Laurent Stalla

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Frères et sœurs,

La solennité de la Transfiguration nous offre ce que nous pouvons appeler une révélation magnifique. Une révélation, c’est-à-dire l’accès à quelque chose que nous ne pouvons pas soupçonner par nous-mêmes.

Cette révélation porte essentiellement sur le corps, sur notre corps ; sur le Corps de Jésus puisque Jésus, le Fils de Dieu, Dieu fait Homme, a pris notre propre humanité, Il a pris, disons-nous, notre chair.

Et ce qui s’est passé dans son Corps, à cet instant de sa vie, devient pour nous la révélation de ce qui adviendra du nôtre.

Alors, lorsque nous entendons cela, nous comprenons que la vie désormais a un but, et que ce but est clair. Il est fréquent aujourd’hui que pour beaucoup de nos contemporains, la vie n’a pas forcément de sens. Il faut peut-être lui en trouver un parce qu’il est difficile de vivre si on ne donne pas un sens à sa vie.

Oui, mais voyez-vous, la vie a un sens, elle a un but, et ce n’est pas nous qui le déterminons. Ce but nous est révélé, nous avons à l’accueillir, et ce but est clair.

Alors, nous entrons plus avant dans la méditation de cet évangile pour comprendre la signification de ce but si clairement énoncé dans la Transfiguration de Jésus.

Et nous pouvons comprendre pourquoi St Pierre dans sa Lettre, dit ceci, et semble dire : « mais vous savez, ce qu’on vous a raconté : ce ne sont pas des récits imaginaires. Nous ne sommes pas venus vous annoncer des choses imaginaires. Nous sommes les témoins oculaires, dit-il, de ce que nous avons vu et de ce que nous avons vécu avec Lui, sur la montagne. »

Pourquoi St Pierre doit-il, à ce point justifier qu’il ne vient pas avec des petites histoires ?

Et bien, parce que nous sommes communément habitués à nous raconter des histoires ! Et que précisément la plupart de ces buts que nous nous donnons à la vie sont des histoires que nous nous racontons.

Nous aimons les contes ; nous aimons le fantastique ; nous aimons les effets spéciaux ; et nous sommes capables de nous dire : « Et bien, écoutez si cela vous fait plaisir de penser que Jésus a été transfiguré sur la montagne, tant mieux pour vous ! Ce sont des histoires ; si elles peuvent vous donner un peu d’espoir. Tant mieux ! »

Et vous voyez bien qu’il y a ici une sorte de combat. Et ce combat se joue à l’intime de nous-mêmes aussi souvent que nous entendons cette Parole.

Jésus a été transfiguré sur la montagne, son corps est devenu lumineux. Vous le croyez ou vous ne le croyez pas ? Vous le tenez ou vous ne le tenez pas ?

Et ce n’est pas parce qu’aujourd’hui nos nouvelles connaissances sur les propriétés de la matière nous permettent de dire que la matière est déjà de la lumière, que nous pouvons accéder à une sorte de crédibilité de cet évangile. Après tout, ce n’est peut-être pas si impossible que cela. Parce que nous savons que la matière est de la lumière…

Oui, mais ce n’est pas cela qui justifie que Jésus a été transfiguré.

Pour pouvoir bien le comprendre, il nous faut ces deux choses qui viennent ensemble dans l’évangile : la vision et l’audition. Les deux vont toujours ensemble. Ils voient Jésus lumineux et ils entendent une Parole qui leur dit : « Celui-ci est mon Fils bien aimé ».

Alors je vous propose simplement de retenir aujourd’hui que c’est toujours l’audition qui permet de lever, ce qu’on pourrait appeler : l’équivocité, la certitude, de ce que je voie.

Lorsque je vois quelque chose, si personne ne m’explique ce que je voie, je suis fondé à m’imaginer les choses. Mais si quelqu’un me dit « Voilà ce que tu voies »… alors cette parole est certaine, parce qu’elle explique les choses de l’intérieur. Et la Parole que les apôtres entendent est :

« Celui-ci est mon Fils bien aimé ».

Autrement dit, c’est dans cette Parole que nous trouvons l’explication qui fonde la Transfiguration de Jésus : Il est dans l’état dans lequel vous le voyez, parce qu’Il est mon Fils bien aimé ; et c’est en tant qu’Il est mon Fils bien aimé, qu’Il est ainsi transfiguré dans l’Esprit.

Autrement dit, cette lumière qui jaillit du Corps de Jésus n’est rien d’autre que ce que l’on appelle « la relation filiale » : la relation qui unit Jésus à son Père.

Habituellement, nous ne la voyons pas mais là dans ces circonstances particulières, il est donné aux apôtres de la voir.

Cette relation est celle qui nous fera vivre un jour pour toujours. Elle est déjà en nous par la grâce de notre baptême… mais nous ne la voyons pas !

Ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes, c’est un enfant de Dieu.

Je répète : ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes est quelque chose que l’on ne voie pas. Et c’est cela qui rend les choses si difficiles dans le monde contemporain qui est le nôtre ; nous sommes toujours fondés à dire que nous sommes ce que nous voyons que nous sommes !

Et nous sommes un peu de matière qui va, avec le temps, vieillissant et se corrompant.

Mais nous ne sommes pas ce que nous voyons que nous sommes ! Nous sommes beaucoup plus que cela, parce que nous vivons d’une relation intime et personnelle avec Dieu ; et c’est cette relation-là qui nous donne la vie ; c’est cette relation-là qui nous fait vivre.

Ainsi Jésus apparait avec ce qu’Il porte en Lui… son Père, et sa confiance en son Père.

Alors, il nous faut encore dire un mot sur les deux personnages qui apparaissent dans cette lumière avec Jésus : Moïse et Elie.

Moïse est celui qui a reçu la loi et qui l’a donnée au peuple. Une loi est donnée pour que le peuple se gouverne selon cette loi. Jésus est Celui qui va parfaitement vivre la loi. Gouverner, c’est ce qu’on appelle le caractère royal : celui qui règne a établi son gouvernement.

À côté de lui, Elie représente la vie prophétique, c’est-à-dire le souffle de Dieu qui inspire l’homme et qui lui permet de reconnaitre que Dieu est Dieu, et qu’il n’y a qu’un seul Dieu.

Autrement dit, dans cette triade, dans ces trois personnages, vous avez celui qui incarne la force royale, celui qui incarne la force prophétique et au milieu, Jésus, qui incarne, ce qu’on appelle, la force sacerdotale : c’est-à-dire qu’Il va se donner Lui-même.

C’est pour cela que la Transfiguration a lieu devant les apôtres avant la Passion, pour qu’ils sachent que Celui qu’ils voient lumineux, est lumineux de sa capacité de se donner.

Il n’y a pas d’autre gloire que celle du don de soi.

Et c’est cela que Jésus va accomplir, dans quelques jours à Jérusalem.

Évidemment, tout cela est tout à fait contre intuitif par rapport à ce que nous pouvons vivre nous-mêmes. La gloire, c’est de recevoir…

« Et bien, non ! » dira Jésus dans son Royaume… la gloire, c’est de se donner, « de tout donner et de se donner soi-même » comme dira la petite Thérèse de l’Enfant Jésus.

Alors, frères et sœurs, à l’heure où nous célébrons dans cette chapelle, nous portons dans nos cœurs, tous ceux qui nous sont chers, tous ceux qui nous sont proches.

Mais notre prière s’étend, comme elle le fera dans un instant, à toute l’humanité ; car c’est toute l’humanité qui est appelée à entrer dans cette lumineuse relation d’amour avec Dieu notre Père.

Nous sommes, chacun de nous, aimés d’un Amour infini. Cet amour, nous avons à le découvrir et nous le découvrons par la médiation de ceux qui nous entourent, de ceux qui sont proches de nous.

Lorsque nous repartirons de cette chapelle, nous aurons tous été un plus nourris, illuminés, par le Christ ressuscité qui nous aura nourris.

Puissions-nous chacun de nous, alors, être pour les autres, témoins de l’Amour du Père,

Amen.

 

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