Homélie de l’Annonciation du Seigneur – Jeudi 25 mars 2021 – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs, dans un sermon sur le Cantique des Cantiques, St Bernard dit que « la raison principale pour laquelle Dieu s’est fait homme, fut d’attirer, à son amour, des cœurs humains qui ne pouvaient aimer que ce qu’ils voyaient et ce qu’ils touchaient ».

En Jésus, Dieu fait homme… (et dans cette simple expression de « Dieu fait homme » se trouve toute la foi de l’Église en l’incarnation)… en Jésus, Dieu fait homme, l’humanité se trouve – pour reprendre une belle expression du moyen-âge – « enluminée par la divinité ». Cette expression est non seulement poétique mais vraie. Tout ce que Dieu vient à toucher se trouve embelli, se trouve enluminé. Pensons aux nombreux miracles de Jésus durant sa vie publique, touchant les malades, les infirmes, les rétablissant dans leur intégrité originelle. Jésus touche l’homme blessé, par ses gestes, par ses paroles. Il est la Parole faite chair. Et l’homme se redresse et se met à marcher, l’homme retrouve sa beauté originelle.

Un célèbre adage qu’on attribue à St Jean Damascène dit que « ne peut être guéri que ce qui a été assumé par l’incarnation du Verbe ».

Parce que Jésus, né de Marie, a pris un corps humain, le corps de tout homme est saint. Le corps peut devenir alors le Temple du St Esprit parce que Dieu en Jésus a eu un corps, a eu une âme, a eu une volonté, a eu un esprit, une intelligence, Il a partagé en tout cela notre humanité et Il l’a ennoblie.

Si Jésus touche l’homme par ses gestes et par ses paroles, Il le touche aussi aujourd’hui par les sacrements de la foi. Il touche encore l’homme par l’onction de son Esprit Saint qui rend l’homme Capax Dei : capable de recevoir la grâce divine. Quand on lit nos Pères dans la foi, on ne sait pas si l’Incarnation, c’est Dieu qui s’abaisse vers l’homme ou bien si c’est l’homme qui est élevé jusqu’à Dieu ; c’est l’un et l’autre.

Quand l’ange Gabriel fait irruption dans la maison de la jeune Marie à Nazareth, l’initiative vient entièrement de Dieu, en son Heure. Et quand Marie répond « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta Parole »… c’est la Vierge Sainte qui s’ouvre totalement au Don de Dieu.

Et le Don de Dieu rencontre et épouse le don de Marie qui s’offre toute entière à Dieu le Verbe.

Oui ! C’est le propre du christianisme : le Don de sa Personne que Dieu fait à l’homme (et Dieu n’attend jamais rien en retour car tout Don par définition est gratuit) le plein accomplissement de ce Don est reçu et porte du fruit dans l’accueil que l’homme lui fait… ou ne lui fait pas.

Pour certains, cette réponse au Don de Dieu, sera imparfaite – il suffit de regarder nos propres vies pour en prendre conscience. En Marie comme en Joseph, l’accueil du Don de Dieu est plénier ! Et il porte du fruit cent pour un !

Tous les Dons de Dieu, quels qu’ils soient, petits ou grands, nous bousculent. Comme Marie a été bousculée au jour de l’Annonciation par la Parole angélique : « Sois sans crainte ».

Marie ne doute pas de la Parole que Dieu lui adresse par le message de l’ange mais elle hésite, comme font remarquer plusieurs Pères, à propos du mode de la naissance du Verbe en elle. C’est comme si l’ange lui disait : « Ne considère pas l’ordre de la nature et ne recherche pas le sens littéral de cette merveille que je t’annonce, l’Esprit Saint viendra sur toi »…-et si j’ose dire « basta »

En nos propres vies, dans nos vies humaines et spirituelles, nous sommes, nous aussi, bousculés par les appels de Dieu. Et cela est plutôt bon signe ; car cela signifie, si nous nous sentons bousculés, que nous les entendons ; que notre oreille intérieure est sensible aux appels divins. Comme à Marie, l’ange nous dit : « L’Esprit Saint viendra sur toi ».

L’histoire de l’Église montre, à profusion, notamment dans la vie des saints, comment tant de frères et de sœurs dans la foi ont répondu à des missions divines que leur seule nature humaine, livrée à elle-même, n’aurait pu réaliser. Mais parce qu’ils ont dit comme Marie un « oui » entièrement disponible au Saint Esprit, ils ont fait des choses plus grandes que ce qu’ils auraient pu imaginer !

« Pour Dieu, dit Origène, « venir » (l’Esprit Saint viendra sur toi), ne signifie pas « changer de lieu » mais « devenir visible ».

C’est pourquoi nous pouvons dire que l’évènement historique que nous célébrons aujourd’hui, l’Incarnation du Verbe de Dieu dans le cœur et dans le corps de Marie, est une épiphanie.

En ce jour (comme aime à le chanter la liturgie) Dieu est entré dans l’histoire. Non seulement dans l’histoire de l’humanité en général mais dans mon histoire particulière.

Nous demandons aujourd’hui, frères et sœurs, à Marie, par sa prière, cette capacité de nous aider à accueillir les manifestations du Verbe en nos vies. Mais avant tout d’avoir l’oreille du cœur assez fine pour les percevoir. Visites du Verbe qui sont toujours à l’improviste, sachant, comme écrit Guigues Le Chartreux, « qu’avant même que  nous ayons ressenti la douceur de sa venue, il s’est déjà dérobé ».

Avec la Vierge de Nazareth, laissons monter vers Dieu notre Magnificat.

Amen !

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