Homélie de l’Ascension du Seigneur – Solennité – jeudi 26 mai 2022 – Année C
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé
Chers frères et sœurs,
Le mystère de l’Ascension du Seigneur que nous célébrons en ce jour avec toute l’Église, est au cœur de notre foi. Le Christ ayant achevé la mission que le Père lui a confiée en notre monde, retourne auprès du Père. Il va poursuivre sa mission parmi nous sur un autre mode ; une autre présence le manifestera dans le monde, dans l’Église et en nos âmes ; c’est le temps de la vie dans l’Esprit, et ce, jusqu’à la fin des Temps, jusqu’au jour béni que nous attendons où il reviendra dans la gloire.
Oui, frères et sœurs, ce mystère est bien au cœur de notre foi chrétienne, et notre mission est d’en être les témoins : « Vous allez recevoir une force quand le St Esprit viendra sur vous, vous serez alors mes témoins. »
Mais pour en témoigner, il faut d’abord accueillir cette force qui lui permettra de se déployer en nous. C’est la vie chrétienne de tous les jours, c’est la vie dans l’Esprit.
C’est pourquoi nous demandons à Dieu en ces jours, d’être chacun plus disponible à son Esprit Saint ; nous le demandons non seulement pour nous, mais aussi pour tous les membres de l’Église dont le Christ est la Tête, et au-delà de l’Église, nous le demandons pour tous les hommes de bonne volonté.
St Bernard a, dans un sermon, une formule paradoxale quand il parle de l’Ascension en ces termes : « C’est dans sa descente même qu’il est remonté ! ». En effet, l’incarnation du Fils de Dieu est souvent décrite en termes de descente ; notre vocabulaire humain est limité, nous ne pouvons employer que des mots qui s’inscrivent dans l’espace. Sa descente parmi les hommes est en effet une remontée ; elle opère ce pourquoi Dieu s’est fait homme pour conduire tous les hommes sans exception vers le Père.
Ce mystère de l’Ascension ne concerne pas uniquement notre humanité mais tout le cosmos : le ciel, la terre et tout ce qu’elle contient, comme nous le rappelle la Lettre de Paul aux Éphésiens. Non seulement le Christ glorifié est fait Chef de l’Église qui est son Corps, mais il est établi le Seigneur de la totalité de la création.
La terre n’est pas le centre cosmologique de l’univers ; et il n’est pas sûr qu’elle soit la pointe de l’évolution cosmologique ; mais ce qui est sûr pour notre foi, c’est qu’elle est le centre théologal de l’univers, c’est-à-dire le lieu où s’accomplit le dessein de Dieu qu’il a conçu en son Esprit, dès avant la fondation du monde, nous-dit st Paul dans sa lettre aux Éphésiens. Le cosmos, la terre, en est le lieu décisif. Dieu s’est fait homme sur notre terre.
Les deux ne sont pas forcément liés ; c’est l’erreur des adversaires de Galilée de l’avoir cru, qui se scandalisaient des affirmations de Galilée qui disait que c’était la terre qui gravitait autour du soleil et non l’inverse.
Le centre de l’univers, c’est la Présence du Christ glorifié qu’il y a plus de deux mille ans, a planté sa tente parmi nous en notre humanité ; et de nos jours jusqu’à son retour, le centre de l’univers, c’est sa Présence vivante, agissante et aimante, non seulement sur notre terre mais dans tout le cosmos, dans tout l’univers.
Présence aimante – si je peux jouer avec ce mot équivoque – aimante parce qu’elle manifeste l’Amour infini de Dieu pour la création, mais aussi parce que cette Présence agit en elle comme un aimant : Dieu a tout mis sous ses pieds, Il l’a donné au sommet de tout, pour Tête à l’Église qui est son Corps, la plénitude de Celui que Dieu remplit lui-même totalement (même si nous sommes, et à juste raison, obnubilés par toutes les fractures et le péché qui traversent notre monde, nous savons que par la foi, ce monde, tout le cosmos, est racheté par la mort et la résurrection du Christ ; et que tout sera récapitulé à la fin des Temps dans l’Amour plénier de Dieu). C’est pourquoi ce jour est pour nous un jour de joie !
Les apôtres, après que Jésus fut enlevé au ciel, nous dit la Sainte Écriture, retournèrent à Jérusalem en grande joie, et ils étaient sans cesse dans le temple à bénir Dieu.
Voici, frères et sœurs, la Bonne Nouvelle que le Seigneur nous a laissé en héritage :
Je suis avec vous tous les jours… jusqu’à la fin des temps : « Je suis spirituellement présent parmi vous et en vous par mon Esprit. Je ne vous laisserai pas orphelins ; je ne vous abandonnerai pas ».
Que ces paroles en ce jour se gravent à nouveau en nos âmes.
St Ambroise de Milan a quelque part cette parole surprenante : « Ceux-là ont vu Jésus, qui l’ont vu dans la gloire, non pas les autres qui ne l’ont vu que de corps : car il n’est pas donné aux yeux du corps mais de l’âme de voir Jésus ».
J’en conclue que nous voyons mieux Jésus aujourd’hui, que les apôtres qui l’ont vu de leur vivant ! Voir avec les yeux de l’âme, c’est précisément ce que nous appelons la foi.
Hier comme aujourd’hui, le Christ apparait à tout homme comme un donné inéluctable, en face de quoi, il faut prendre position. La foi n’est pas seulement une expérience religieuse, un choc affectif – si profond soit-il – elle est une adhésion de l’intelligence à une réalité objective : le Christ ressuscité. Et cette réalité, nous le savons bien, dépasse l’intelligence. Ce qui nous en est dit est déficient par rapport à ce qui est en réalité.
L’Ascension, mystère de foi, mystère d’espérance, mystère de charité, où l’Amour de Dieu attire à lui tous les hommes.
Que nous en soyons, frères et sœurs, les témoins mais d’abord les acteurs ; et avec les apôtres, nous pouvons bien dire, là où chacun de nous en est : « Seigneur, augmente en nous la foi ! »
Amen ! Alléluia !