« Après leur avoir parlé, le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu ».
Chers frères et sœurs
À première vue on pourrait croire que le rideau est tiré, que le rideau se ferme. La belle histoire de Jésus de Nazareth est achevée, et somme toute, l’histoire se termine assez bien : « Il est ressuscité, il est assis à la droite du Père ».
Mais pour nous qu’en est-il ? Demeurons-nous esseulés sur le bord de la rive d’où le Seigneur nous a quittés ? Cette parole qu’il nous a dite après l’institution de la Cène au soir du Jeudi Saint nous vient à la mémoire, comme à celle des disciples avant nous : « Je ne vous laisserai pas orphelins ». C’est à partir de cet instant, où le Christ les quitte physiquement, que remonte alors dans la mémoire des apôtres en leur cœur, toutes les paroles que Jésus leur a dites au cours de ce compagnonnage de deux ans, sur les chemins de la Palestine durant sa vie publique.
Ils entrent (et nous à leur suite) dans une nouvelle intelligence de la Personne et de la mission de Jésus, de son identité profonde « d’Envoyé du Père ». Et cette nouvelle intelligence leur est communiquée par le Don du Paraclet : de l’Esprit Saint. Saint Ambroise le dira avec ces mots : « Seuls ont vu Jésus ceux qui l’ont vu dans sa gloire, non les autres qui n’ont vu que son corps, car il n’est pas donné aux yeux du corps de voir Jésus, mais aux yeux de l’âme… Le voir en esprit, c’est le voir corporellement ». Et c’est frères et sœurs, notre lot à chacun de nous aujourd’hui : le voir en esprit, c’est le voir corporellement. C’est ce mode de vision en esprit, dans l’Esprit, dont nous chrétiens du xxie siècle et jusqu’à la fin des temps, nous voyons Jésus. Son départ est nécessaire à la foi des apôtres, donc à la nôtre, car croire, frères et sœurs, c’est passer d’un mode de perception sensible à un autre mode de perception non tangible par les sens que nous appelons la Foi.
Ce départ de Jésus (nous le savons bien frères et sœurs, mais il est bon de nous le rappeler en ce jour) n’est pas une absence mais bien plutôt un nouveau mode de présence ; présence non plus localisée et extérieure mais présence intérieure et désormais universelle. La vraie présence de Jésus est ici donnée sur le mode de l’absence. Si Jésus n’était pas « monté » au ciel, il serait encore parmi nous, au milieu de nous mais à côté de nous, extérieur à nous… « Comme je vous suis maintenant extérieur et comme vous m’êtes extérieurs » ; mais, dit Saint Paul : « Il est monté au ciel afin de tout remplir ».
Ainsi, frères et sœurs, en est-il de notre foi en la Présence de Jésus dans l’Eucharistie : Présence sous le mode de l’absence. Saint Éphrem le Syrien priera en ces termes : « D’une certaine manière, Ô Jésus, il vaut mieux te reconnaître dans le pain que te voir en ton propre Corps : des incroyants ont pu voir ton corps mais ils n’ont pas su voir que tu étais présent dans le Pain de la Vie ».
La Présence du Christ en ce monde, frères et sœurs, se manifeste depuis son Ascension et l’effusion de l’Esprit, de multiples manières, de façon toute particulière mais pas uniquement, dans les sacrements qu’il a institués dans son Église, pour que ces sacrements soient les signes tangibles de sa Présence réelle et aimante parmi les hommes.
Parmi ces sacrements, en premier lieu, le baptême : véritable irruption de la vie divine en l’âme de celui qui le reçoit : où l’homme devient participant (au sens fort du terme) de la vie du Christ, où il devient (nous pouvons le dire) alter Christus, un autre Christ. Cette participation à la vie divine que nous communiquent les sacrements, n’abolit pas notre personnalité propre : ainsi, après le baptême, Pierre, Paul, Jean, demeurent extérieurement les mêmes, mais leur identité profonde est surélevée, est transformée, est transfigurée. L’apôtre Paul le dira bien : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ! ».
C’est pourquoi, frères et sœurs, la fête, la solennité de l’Ascension est fondamentalement marquée par l’Espérance et par la Joie du Royaume à venir. Celui qui croit ne divinise pas la terre, mais il ne s’évade pas non plus par la foi dans un Ciel sans rapport avec la terre ! Il sait bien qu’en fin de compte, son espérance du Ciel est la seule à donner du goût pour l’œuvre terrestre qui prépare la vie du Royaume à venir.
L’Espérance, frères et sœurs, nous aide dans notre chemin personnel de sanctification. Elle devient, chez celui qui la cultive, le principe du progrès spirituel.
L’Espérance qui nous permet de toujours découvrir de nouvelles possibilités de croire et d’aimer.
L’Espérance qui ne nous permet pas de nous installer dans la tiédeur et l’acédie, c’est-à-dire le découragement et la médiocrité.
Cette Espérance, oui, est source de Joie spirituelle !
Le Père Zundel écrivait : « Dieu est un secret d’amour murmuré chaque jour à l’oreille de notre cœur, et qui nous permet de faire chaque jour la découverte d’un trait inaperçu de son visage, tellement que chaque jour, nous pouvons nous redonner à Lui avec une joie nouvelle »
Amen ! Alléluia !