Homélie du dimanche 23 janvier 2022 – 3ème Dimanche Temps Ordinaire – Année C
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Par le Frère Jean
« Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route » chante le psaume.
« Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. »
Chers frères et sœurs, nous célébrons aujourd’hui avec toute l’Église, en ce dimanche, le Christ ressuscité ; mais plus particulièrement depuis l’an dernier où le Pape François a fait de ce 3ème dimanche du Temps Ordinaire, le dimanche de la Parole de Dieu ; nous prêtons l’oreille du cœur au grand Don que Dieu a fait au monde – et particulièrement à son Église – de sa Parole. Nous sommes les hommes et les femmes d’un Livre où il y a la Parole de Dieu. Notre écoute de Dieu passe par la Parole de Dieu dans la Bible, et Jésus lui-même est ce Livre. Comme le dit si bien Ste Catherine de Sienne : « Il a fait de lui-même un livre dont les lettres sont si visibles et si rouges, que le plus illettré et le moins attentif peut aisément les distinguer. »
L’Écriture n’est pas la Parole de Dieu mais elle la contient ; et cette Parole est essentiellement vivante, opérante, efficace : « la Parole de Dieu ne me revient pas sans résultat » dit le Seigneur dans le prophète Isaïe.
La Bible n’est pas de façon habituelle appelée l’Écriture mais les Écritures. Ce pluriel souligne déjà clairement que la Parole de Dieu nous parvient seulement à travers la parole humaine, à travers des paroles humaines ; c’est-à-dire que Dieu nous parle seulement dans l’humanité des hommes, à travers leur parole et leur histoire. Le chrétien perçoit dans les paroles humaines des Écritures, la Parole de Dieu : le Logos lui-même, qui déploie son mystère à travers cette multiplicité de paroles humaines.
Pensons, frères et sœurs, à la grande diversité dans la Bible, entre par exemple le Livre du Lévitique et le prophète Isaïe, le Livre des Nombres et le Cantique des Cantiques… et pourtant, dans cette diversité réside une grande unité : le Verbe de Dieu qui parle aux hommes !
Cette unité, nous la trouvons dans l’histoire humaine à travers les épisodes très contrastés que nous trouvons dans la Bible : l’exode d’Abraham, l’épopée salvifique de Moïse, les prouesses de David… c’est le dessein de Dieu qui s’accomplit dans le genre humain ! Comme dit la Lettre aux Hébreux : « La Parole de Dieu est toujours vivante et agissante, plus tranchante qu’une épée à deux tranchants » ; elle s’accomplit à travers le temps, se déploie au fil des siècles par l’action de l’Esprit Saint ; nous la scrutons, nous l’écoutons à la lumière de l’Esprit Saint.
Le Concile Vatican II a fait un parallèle entre la Bible et l’Eucharistie : « Dans la Bible, on possède la Présence réelle du Verbe de Dieu. St Bernard parle de l’Écriture comme la chair du Verbe incarné ; et St Augustin applique aux Écritures l’analogie des sacrements lorsqu’il parle des Sacrements de l’Écriture : « À travers les Saintes Écritures, à travers la Parole de Dieu, c’est Dieu lui-même qui te rejoint. »
Le ministère que Jésus a confié à son Église, est bien là ; comme l’écrit le Concile : « L’Église ne cesse, de la table de la Parole de Dieu comme de celle du Corps du Christ, de prendre le Pain de vie et de le présenter aux fidèles. » (Le Pain de vie de la Parole de Dieu et le Pain de vie de l’Eucharistie que nous allons célébrer dans un instant sur cet autel).
Le chrétien est appelé à aimer le texte sacré des Écritures comme il aime Jésus. Manger le Corps du Christ, c’est aussi lire l’Écriture et se l’assimiler. Ma lecture des Écritures n’est pas étrangère à ma relation personnelle avec Dieu ; elle est une relation qui est appelée à grandir, il s’agit, comme dit le Livre de l’Apocalypse, de manger avec le cœur une nourriture cordiale. Le prophète Ézéchiel disait : « Fils d’homme, ouvre ta bouche et je l’emplirai » – (je l’emplirai de quoi… de ma Parole, de mon Verbe)
Et cette lecture des Saintes Écritures nous fait du bien !
Le chrétien médite l’Écriture pour être plus ; elle provoque en nous une conversion ; elle nous met à genoux ; « Connaitre les Écritures, c’est connaitre le Christ ! » dit Jérôme, et encore : « Celui qui ne connait pas les Écritures, ne connait pas la puissance de Dieu ni sa sagesse ; ignorer les Écritures signifie ignorer le Christ ! »
Ce « connaitre les Écritures », frères et sœurs, n’est pas un savoir d’ordre intellectuel mais un évènement, une rencontre avec Quelqu’un qui nous transforme. La Parole de Dieu interpelle davantage certains – soit parce que, mieux préparés ; soit parce qu’aux prises avec une difficulté – elle n’a de sens que dans le registre de la foi et de la conversion. Pour lire l’Écriture, il faut avoir un cœur pur ; il faut, comme dit encore Ézéchiel : « Perdre son cœur de pierre pour se faire un cœur nouveau ! » ; ou pour prendre la belle expression de St Grégoire le Grand : « Il s’agit de découvrir le Cœur de Dieu dans la Parole de Dieu. »
Le sens des Écritures, le sens caché des Écritures – nous enseignera Jésus dans les Évangiles – est révélé aux petits : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux touts petits ».
Le Seigneur vient toujours dans sa Parole, toucher les cœurs quand il veut. Nous sommes appelés à être toujours prêt pour ne pas manquer le passage de Dieu.
Comment interpréter les Écritures qui bien souvent nous paraissent difficiles, obscures ? Il n’y a pas d’autres interprétations spirituelles de la Parole de Dieu, que son accomplissement apporté par Jésus ! Cet accomplissement que Jésus accomplit de la loi, il ne l’apporte pas du dehors ; mais en sa personne-même, Jésus est la source de vie nouvelle et définitive pour toute la loi de la Première Alliance, qu’il accomplit dans la Nouvelle Alliance. Cette Parole de Dieu, on l’accomplit, on la pénètre, avant tout en l’aimant. Comme dit St Augustin : « Donne-moi un homme qui aime ; ce que je lui dis est sensible ! »
Ma relation à la Parole de Dieu, frères et sœurs, est toujours un acte de foi, la remise de moi-même à Dieu qui se révèle à moi en Jésus ; en Jésus humble, pauvre, obéissant, patient, mis en croix pour moi.
Parole de Dieu qui devient un guide, Parole de Dieu qui devient un puissant antidote à une culture sécularisée de « l’avoir », du « posséder », du « construire », du « faire », avec si peu de place pour le don et la gratuité. Plus que des connaisseurs de l’Écriture, le Seigneur veut que nous soyons des êtres qui en vivent.
Si la Parole de Dieu habite nos cœurs, éclaire nos âmes, informe nos esprits… ce que nous en vivons, parlera de lui-même ! « Nous serons serviteurs » comme le disait Luc au début de l’évangile que nous avons lu : serviteurs de la Parole.
Que chaque jour, la Parole de Dieu fasse en nous surface comme un supplément d’âme. Vivons à l’exemple de Marie, qui n’a rien dit ou si peu, mais dont l’existence proclame ce que Dieu a voulu dire pour elle et en elle : le propre Mystère de son Verbe ; à qui soit tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles… Amen !