Chers frères et sœurs,

Les lectures de cette Solennité de Saint Joseph nous parlent toutes de paternité ; de la paternité de Dieu qui entre dans la paternité humaine, qui entre dans les relations humaines normales, et qui tout à coup, se retrouve dilatée dans une dimension infinie, éternelle, aux dimensions de la paternité de Dieu, de la paternité de Dieu le Père et de sa relation d’amour envers son Fils. Quand Marie et Joseph égarent leur enfant à Jérusalem … au fond, ils l’ont perdu parce qu’ils avaient avec lui une relation tellement normale, tellement habituelle, humaine, qu’ils pouvaient penser qu’après le pèlerinage, il était resté dans la caravane avec les connaissances et les parents, avec probablement des enfants de son âge, et que Jésus pouvait passer la journée avec eux sans qu’eux-mêmes (Joseph et Marie) doivent se soucier qu’il (Jésus) restait avec eux.

Quand ils le perdent et qu’ils le retrouvent, Marie lui fait ce reproche : « Pourquoi nous as-tu fait cela, vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant ». Marie présente à Jésus la souffrance normale bien compréhensible de parents qui pendant trois jours ne trouvent pas leur enfant. Et Jésus donne cette réponse très mystérieuse : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché, ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? », après il descend avec eux et il leur était soumis. Mais l’évangile remarque : « Ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait ».

Je crois qu’il ne faut pas penser à ces faits, « de ne pas comprendre de la part de Marie et de Joseph », comme quelque chose de bouché, de fermé, mais plutôt qu’ils restèrent dans un questionnement qui les a accompagnés, et même, toujours, pendant encore toutes les années qu’ils sont restés avec cet enfant, ce jeune, cet adolescent, ce jeune homme à Nazareth, et qu’ils restaient avec lui dans la normalité de la vie quotidienne ; ils ne comprenaient pas, ils se trouvaient face au Mystère ; donc ils restaient dans une méditation profonde, qui d’ailleurs, on remarque, on le dit de la Vierge Marie : elle méditait dans son cœur tous ces mystères, ces paroles ; et Joseph sûrement aussi. C’est pour ça qu’il vivait dans ce silence où il méditait constamment ce mystère, qui consistait dans le fait que dans la normalité de la vie, de sa relation de père avec son fils, habitait un Mystère infiniment plus grand : le Mystère du Père, de Dieu qui était Fils, du Fils de Dieu … et que cela habitait leur vie parce que le Verbe s’était fait chair en Marie et le Fils de Dieu habitait, vivait parmi nous ; et surtout le Fils de Dieu, par son incarnation, avait besoin d’un père visible qui l’accueillait, qui l’éduquait, qui l’accompagnait, qui le protégeait, qui lui apprenait à être un homme, qui lui apprenait un métier, qui lui apprenait à vivre ; à vivre comme un homme qui grandit et mûrit dans son humanité.

Ce mystère est mentionné aussi dans les deux autres lectures ; dans le deuxième Livre de Samuel, le prophète dit à David, et Dieu dit à David à travers le prophète : « Je serai pour lui un père, il sera pour moi un fils » : Il parle de sa descendance.

Et d’Abraham, Paul dit : « Il est notre père devant Dieu en qui il a cru. Dieu qui donne la vie aux morts et qui appelle à l’existence ce qui n’existe pas, espérant contre toute espérance, il a cru ; et ainsi il est devenu père d’un grand nombre de peuples ». Qu’est-ce que ça veut dire ? David comme Abraham, ils sont éduqués par Dieu à voir dans leur paternité, une paternité infiniment plus grande. Abraham a dû voir dans le seul fils qu’il avait, toute une descendance, et qui aurait compris aussi le Fils de Dieu ; et cela lui demandait de regarder sa paternité en espérant contre toute espérance, dans une dilatation de regards et d’attentes qui dépassait tout ce qu’il voyait, qu’il expérimentait, la petitesse de ce seul fils qu’il a eu. David aussi, Il lui a annoncé : « tu auras un descendant duquel je suis le Père et qui sera mon Fils ». Donc lui aussi il devait voir dans sa descendance, le Mystère d’un fils qui n’avait pas que lui comme père mais Dieu comme Père.

Voilà, c’est toujours ce Mystère, et qui est relatif à l’incarnation dans une paternité visible : dans un fils normal qui est homme, habite la relation de Dieu le Père avec son Fils. Et cela est à vivre dans cette dimension, dans cette méditation, dans ce silence de Joseph et Marie face à ce Mystère. Aussi chacun de nous est appelé ! Chacun de nous est appelé à une paternité, maternité, donc à avoir la maturité de l’humain (de l’humanité d’être homme ou femme), et la maternité, paternité, c’est de devenir capable d’engendrer, de donner la vie, de transmettre la vie, de l’éduquer, de la former, etc… Mais désormais par l’incarnation du Fils de Dieu, aussi ce mystère humain pour chacun de nous est fécondé par le fait que Dieu le Père a engendré son Fils dans le monde.

Pour nous aussi, chacun de nous est appelé à ce Mystère de Joseph – de devoir vivre dans la paternité, maternité, ordinaire ou même spirituelle, mais qui est aussi une paternité humaine à laquelle chacun de nous est appelé de mille formes, de mille manières – est appelé à reconnaître que même à travers cela, passe le Mystère d’un Père qui est Dieu, qui engendre un Fils qui est Dieu, qui est le Christ ; à travers chacune de nos vies passe ce Mystère. Chacun de nous doit vivre un peu la vocation de Joseph, de saint Joseph, et de Marie évidemment, mais je dirais davantage de Joseph qui a dû vivre cela comme étant un homme pécheur qui ne pouvait que s’étonner, et se sentir absolument incapable et inadéquat à vivre cela.

Ainsi, tout cela nous devons l’accueillir, le vivre avec gratitude, avec humilité, l’immense humilité de saint Joseph, et dans une confiance qui espère au-delà de toute espérance ; nous devons l’assimiler à notre propre vie, à notre propre destin, à la paternité, maternité, à laquelle nous sommes appelés, pour engendrer nous aussi, pour participer à l’engendrement dans la chair humaine du Fils de Dieu.

Pensons à cela et demandons surtout à la Vierge Marie et à saint Joseph, de vivre dans notre vie avec cet étonnement, cette « incompréhension » du Mystère qui passe à travers notre vie ; à le vivre dans la foi, à le vivre dans le silence mais aussi dans la gratitude, parce que le Fils de Dieu est mis dans nos bras, dans les bras de notre vie, de notre existence ; Il est dans notre vie quotidienne, dans la vie de nos familles, de nos ministères, de notre vie communautaire, de nos relations. Dans chaque relation qui tisse notre vie quotidienne passe ce Mystère infini ! Et cela doit nous rendre très humble et aussi plein de gratitude ; nous sommes appelés à cette immense vocation de saint Joseph : d’être de ceux qui permettent à Dieu d’engendrer dans le monde, le Fils de Dieu.

Historique de nos Homélies