Homélie de Tous les Saints  – Lundi 1er novembre 2021, Solennité – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs,

Parmi les huit Béatitudes que nous venons d’entendre, il en est une, qui bien qu’énoncée avec sobriété, est d’après les spécialistes, la plus solennelle : c’est la sixième Béatitude, « Bienheureux les cœurs purs, ils verront Dieu ! »

Avec le Christ, la pureté n’est plus la pureté corporelle, comme on le voit souvent dans l’Ancien Testament, ni une pureté morale inaccessible au commun des mortels. Cette Béatitude des ‘cœurs purs’ désigne la perfection de la charité, c’est-à-dire la capacité qu’a le cœur humain à recevoir l’amour que Dieu lui porte, et à le rayonner autour de lui.

En ce jour où nous tournons notre regard vers la multitude de nos ainés, qui nous ont précédés dans le Royaume des cieux, la Béatitude des ‘cœurs purs’, que les Évangiles appellent aussi ‘la simplicité’, s’offre à nous comme un appel à nous disposer à recevoir l’amour de Dieu que les saints ont accueilli et qu’ils contemplent aujourd’hui dans la lumière.

St Jean Chrysostome nous dit qu’il faut devenir simple avec intelligence dans un monde complexe. Simple : c’est-à-dire ayant un cœur unifié où Dieu habite. Aux multiples tentations idolâtriques qu’offre le monde, le cœur purifié par l’amour de Dieu nous fait passer du ‘moi’ extérieur au ‘moi’ intérieur. Le ‘moi’ extérieur étant le ‘moi’ superficiel, contingent, illusoire, qui disperse ; le cœur unifié par un unique amour, l’amour de Dieu répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint, est le ‘moi’ intérieur qui est caché, obscur mais le plus profond, le plus personnel aussi. C’est ce cœur-là unifié par la présence de l’Esprit Saint, que notre Béatitude exalte en disant qu’il verra Dieu : « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ! ».

Qu’est-ce-que cela veut bien vouloir dire que « voir Dieu » ?

Voir Dieu, ce n’est pas assister à un spectacle mais être admis en sa Présence pour le servir. Ce privilège suppose que l’homme remplisse certaines conditions commandées par la sainteté de Dieu : la pureté de cœur résume ces conditions.

De St Pacôme, notre Père dans la vie monastique, il est dit que « grâce à la pureté de cœur, il voyait pour ainsi dire Dieu comme dans un miroir ». Voir Dieu est indissociable de l’amour du prochain. « En aimant ton prochain, dit St Augustin, tu purifies ton œil pour voir Dieu ! »

Par cette recherche de la pureté de cœur, de la simplicité, nous avons à devenir ce que nous sommes déjà. « De fondement, écrit St Paul, nul ne peut en poser d’autres que celui qui s’y trouve déjà, à savoir le Christ ».

Il ne s’agit pas de partir de notre complexité psychologique pour savoir comment la simplifier, mais de ce qui nous est déjà donné : le baptême, la vie de Dieu en nous, cette eau baptismale qui nous a lavés.

« Celui qui fonde sur lui une telle espérance, dit l’apôtre Jean, se rend pur comme lui, Jésus, est pur ».

La pureté n’est pas de tenter de rejoindre un idéal qui s’enfuit au fur et à mesure qu’on l’approche, mais bien plutôt de se laisser trouver par le Christ. « Vous êtes purs à cause de la Parole que je vous ai annoncée » dit Jésus au moment du « lavement des pieds » à ses apôtres.

Oui ! La pureté de cœur, nous signifie Jésus, est toujours devant nous.

« Ah ! Frère Léon, crois-moi, disait François d’Assise à son frère, ne te préoccupe pas tant de la pureté de ton âme. Tourne ton regard vers Dieu ; admire-le ! Réjouis-toi de ce qu’il est, lui, toute sainteté ; rends lui grâces à cause de lui-même ».

L’exemple de Pierre marchant sur les eaux, a aussi pour nous valeur de parabole. Quand il se regarde marchant sur les eaux, il coule ; quand il regarde le Christ, il marche sur les eaux !

C’est bien ce que les saints nous enseignent aujourd’hui, eux qui ont marché comme nous sur les eaux tumultueuses de ce monde ; et certains jusqu’à donner leur vie pour le Christ par le martyre. St Etienne et St Ignace d’Antioche, St Laurent et Ste Lucie, Ste Agnès, Ste Perpétue, Ste Félicité, nous les avons chantés en entrant dans l’Église au début de la Messe ; on pourrait allonger cette liste : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à eux ! »

« Le Dieu des chrétiens, écrivait Blaise Pascal, est un Dieu d’amour et de consolation : c’est un Dieu qui remplit l’âme et le cœur de ceux qui le possèdent. C’est un Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère, et sa miséricorde infinie ; qui s’unit au fond de leur âme ; qui les remplit d’humilité, de foi, (de joie), de confiance et d’amour ; qui les rend incapables d’autre fin que de lui-même ».

J’espère qu’un jour (mais je serai probablement mort) dans la litanie des saints, on pourra chanter : « St Blaise Pascal, priez pour nous ! »

Les saints nous rappellent que notre vocation est ‘vocation au bonheur’. Ce mot de ‘bonheur’ se rencontre 55 fois dans le Nouveau Testament ; il représente l’une des clés d’interprétation de la révélation, au point que l’on a pu parler à propos des Évangiles, d’un Évangile de bonheur.

Avec la venue de Jésus Christ, tous les biens sont virtuellement donnés. La Béatitude trouve en lui son accomplissement ; il est lui, Jésus, le Royaume déjà présent et il nous donne l’Esprit Saint qui est le Bien suprême.

Jésus est plus qu’un sage de grande expérience. Il est celui qui vit pleinement la Béatitude qu’il propose ; il se présente comme celui qui accomplit l’aspiration au bonheur ; le Royaume des cieux est présent en sa Personne. Là où est Jésus, là est le Royaume des cieux !

Que le Seigneur, frères et sœurs, nous accorde de l’accueillir, dès ici-bas, dans le clair-obscur de la foi, vivant de toutes choses en Dieu, goutant déjà quelque chose ici-bas de la gloire de Dieu par l’Espérance.

Amen !

 

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