Homélie du Dimanche 05 Août 2018
18ème dimanche du temps ordinaire – Année B
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur
Le style oral a été conservé
Chers frères et sœurs, durant cinq Dimanches consécutifs, du 17ème au 21ème Dimanche, la liturgie de l’Église nous donne à entendre le grand discours de Jésus au chapitre 6 de St Jean, sur le « Pain de vie ». C’est dire l’importance de ces Paroles du Christ prononcées après le grand miracle qu’il a accompli devant cinq mille personnes de la multiplication des pains.
Ce grand miracle de la multiplication des pains !
Mais qu’est-ce au juste qu’un miracle ?
Ce mot de « miracle » n’est jamais employé dans les évangiles quand il s’agit de Jésus. Car il met trop l’accent sur le côté stupéfiant, spectaculaire, du geste accompli ; ici, la multiplication des pains.
Hier comme aujourd’hui les gens sont friands de miracles extraordinaires !
Si les miracles accomplis par Jésus – et Dieu sait s’il en a accomplis (plus de 43 rapportés dans les évangiles) – ont amené les foules à s’étonner, à s’enthousiasmer, cela n’était qu’un effet secondaire des gestes accomplis par Jésus. Jésus le dira lui-même dans l’évangile selon St Luc, dans la parabole du riche et de Lazare, « même si quelqu’un ressuscite des morts, ils ne seront pas convaincus ! ». On peut assister au plus grand miracle et ne pas être croyant pour autant.
Pour parler des miracles de Jésus, la langue des évangiles préfère employer un mot, « dynamis » en grec, qui signifie ‘un acte de puissance’. Les miracles accomplis par Jésus n’avaient pas pour but premier de donner la preuve visible de l’avènement du Royaume – comme si les miracles pouvaient prouver que le Royaume est là – mais les miracles étaient plutôt l’un des moyens par lesquels le Royaume se réalisait. Les miracles, les actes de puissance, accomplis par Jésus étaient, peut-on dire, des armes qu’utilisait Jésus pour arracher les gens et le monde à la domination du Mal. Là où les miracles disaient la présence du Royaume advenu en Jésus, là le Mal était vaincu.
Alors, frères et sœurs, nous comprenons à notre tour aujourd’hui, que l’arme la plus puissante contre le Mal, contre les ténèbres, contre les puissances de mort, c’est l’accueil généreux et inconditionnel en nos vies de la puissance du Christ, vainqueur du Mal et de la mort.
Frères et sœurs, y croyons-nous vraiment ? Cette puissance du Christ, que nous contemplons en ce jour dans la multiplication des pains, se poursuit aujourd’hui et jusqu’à la fin des temps dans son Église, dans les sacrements… chaque sacrement, c’est un miracle !
Et tout particulièrement dans le sacrement de l’Eucharistie : plus grand miracle encore que la multiplication des pains qui était, nous l’avons bien compris, une figure de l’Eucharistie à venir. Car dans l’Eucharistie, Jésus ne nous donne pas une nourriture matérielle, « du pain », mais il se donne lui-même en nourriture. « Je suis le pain de vie ».
Jésus n’a pas dit « Moi, je suis le pain qui vous alimente » mais « Je suis le pain de la Vie ».
Le Christ, frères et sœurs, est le pain, non de cette vie ordinaire dont nous avons besoin tous les jours de notre vie, avec un peu d’eau (surtout en ces jours), mais de la vie transformée à laquelle la mort ne met pas de fin.
Et le Seigneur, pour illustrer cela, pour nous le faire comprendre, a suscité hier comme aujourd’hui des grands saints qui ne se nourrissaient que de l’Eucharistie : on peut penser à Padre Pio, à Marthe Robin ou tant d’autres qui ne sont pas forcément connus, et à qui le Seigneur fait la grâce de n’avoir pour nourriture que l’Eucharistie.
« Que devons-nous faire, demandent les auditeurs de Jésus, pour travailler aux œuvres de Dieu ? »
Bonne question ! Et Jésus de répondre : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé ».
La question ici posée par les auditeurs Juifs de Jésus, est tout à fait conforme à la mentalité de l’Ancien Testament :
« Que devons-nous faire pour qu’en retour, Dieu nous donne le Royaume messianique ? »
Et Jésus répond que « l’œuvre de Dieu, c’est d’avoir foi dans le Messie ». Ils n’ont pas à réaliser ceci ou cela, à accomplir des œuvres, à réussir telle ou telle œuvre, ou à accomplir la loi… mais bien plutôt, ils ont à risquer cette nouvelle attitude vis-à-vis de Dieu qui s’appelle la foi ! Comme Jésus l’enseigne à Marie-Madeleine au matin de la résurrection, ce n’est pas par un contact corporel que nous touchons le Christ, mais par la foi !
Frères et sœurs, c’est à ce risque de la foi que nous aussi, nous sommes appelés aujourd’hui pour nous-même, et à en être témoins là où le Seigneur nous a placés.
Chrétiens de vieille souche ou convertis de fraiche date, il nous faut chaque jour oser croire, disons-le clairement : il nous faut nous laisser déloger par la foi, qui est toujours une préférence donnée à une autre pensée que la nôtre ; et c’est cela : entrer dans cette transformation spirituelle de notre pensée à laquelle st Paul nous appelait dans la lettre aux Éphésiens de la deuxième lecture.
Oui, frères et sœurs, les actes de foi sont toujours les privilèges des humbles. Ceux-ci croient que Dieu nous donne à chaque instant ce dont nous avons besoin – comme les Hébreux dont nous avons entendu la première lecture, qui recevaient la manne chaque jour des mains de Dieu (et s’ils voulaient faire des provisions pour les mettre au congélateur, ça pourrissait !)
Avec les miracles, disions-nous, le Royaume des cieux est réellement présent en nous et parmi nous. Cette proximité nouvelle du Royaume dont parle Jésus, c’est Jésus lui-même !
Là où est Jésus, là est le Royaume des cieux ! Par sa Présence et par son action, Dieu est entré dans l’histoire d’une manière tout à fait nouvelle : « hic et nunc, ici et maintenant », comme celui qui agit ; et frère et sœurs, Jésus n’agit pas moins aujourd’hui qu’il agissait parmi ses apôtres et parmi les foules durant ses trois ans de vie publique en Palestine.
En ce Dimanche où nous célébrons l’évènement central de notre foi, de la résurrection du Christ, entrons à nouveau, entrons dans la nouveauté de la foi. Dès les origines de l’Église, les chrétiens ont toujours ressenti le premier jour de la semaine, le Dimanche, comme le jour par excellence qui fait mémoire de la nouveauté radicale apportée par le Christ.
« Qu’est-ce-que le Christ a apporté de nouveau au monde ? se demandait St Irénée au troisième siècle. Il répond : « En s’apportant lui-même, le Christ a apporté toute nouveauté au monde ».
Et nous savons, frères et sœurs, que ce que nous avons de meilleur à donner à nos contemporains, c’est le Christ !
St Augustin, dans ses Confessions, fait dire au Christ : « Je suis la nourriture des grands ; grandis, et tu me mangeras ; tu ne me transformeras pas en toi, telle est la nourriture de ta chair mais c’est en moi que tu te transformeras »
Qu’il en soit ainsi, frères et sœurs, pour chacun d’entre nous, aujourd’hui, jusqu’à l’heure de notre mort, c’est-à-dire de notre entrée dans la vie éternelle où nous avons déjà mis un pied.
Amen !