Homélie du dimanche 20 Mars 2019

1er dimanche de Carême – Année C

Par le Diacre Armand Honorat

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé

 

Frères et sœurs bien aimés, il y a souvent en chacun de nous comme une facilité, comme un réflexe qui va nous inciter, soit à refaire le monde, soit à relire notre vie, soit à commenter la société ; ou encore à voir la religion comme un combat incessant entre le bien et le mal. Et quel combat !

Parfois le bien l’emporte… parfois le mal nous dévore. Quel combat, oui… quand le mal nous veut du bien et que le bien n’est pas assez bien. Appliquer cette perception au christianisme a un nom et était un courant spirituel que l’on a nommé : le manichéisme.

Permettez-moi une petite digression pour imager cela. Nous avons tous quelque part dans notre mémoire cette image de bande dessinée – Milou me semble-t-il dans Tintin – avec deux bulles au-dessus de sa tête, l’une avec un petit ange, l’autre avec un petit diablotin. Et puis avec la fâcheuse tendance que ce petit chien suive le diablotin !

Heureusement, ce n’est pas la même chose dans nos Évangiles. Le Christ n’est pas sans cesse derrière nous pour nous redresser moralement, comme le démon n’est pas là non plus pour nous savonner continuellement la planche.

Cela dit, soyons lucide… l’évangile de Luc ne peut être comparé à une bande dessinée et l’attitude du Christ ne peut pas tomber dans ce combat simpliste du bien et du mal. Alors que veut nous dire Luc ? De quel combat nous parle-t-il ?

En fait ce que nous fait découvrir Luc, ce n’est pas un combat mais une victoire, une victoire définitive ! Lorsque le Christ part au désert, il est bien loin d’être seul, il est inondé de l’Esprit-Saint. Il entre au désert en communion profonde à son Père puisqu’il est entièrement plongé dans l’Esprit.

Et là, le démon ne débute pas une série d’épreuves à armes égales. Il est devant la Parole de Dieu, devant le Verbe fait chair, Jésus-Christ, et il sait d’avance qu’il a perdu !

Alors plus de manichéisme. Fini le bien contre le mal. Le Christ est vainqueur de toutes les épreuves, y compris l’ultime épreuve : la mort. Le démon aura beau tout tenter jusque sur la croix, il n’aura pas de prise sur le Christ.

Et puis, que nous laisse envisager ce démon ? Que nous promet-il ? Si ce n’est la mort, rien que la mort ! Or, au cœur de la foi chrétienne nous accueillons la victoire sur cette mort.

Victoire vers laquelle nous montons pendant ce carême : la Résurrection du Christ !

Frères et sœurs bien aimés, le Carême a débuté il y a quelques jours, et si l’Église a choisi que nous entendions ce passage d’Évangile en ce 1er dimanche de carême, n’est-ce pas pour nous signifier que ce temps, qui s’ouvre à nous, n’est plus un combat entre le bien et le mal, mais bien le chemin pour accueillir la victoire du Christ.

Alors pour l’accompagner, pour accueillir cette victoire définitive sur le mal, opérée par le Christ lui-même, qu’allons-nous faire ? Que devons-nous faire ?

L’Église nous propose trois moyens, trois points essentiels qui nous obligent à la communion, qui nous obligent à nous ouvrir aux autres. Ces trois moyens, ce sont le jeûne, le partage et la prière.

Commençons par le jeûne.

Le jeûne, selon le Christ est de l’ordre de l’attente, l’attente de l’espérance de ce banquet final où il nous servira.

Le royaume pour aujourd’hui n’est donc pas affaire de pierre à transformer en pain mais bien un accueil de cette Parole nourrissante, une Parole féconde. Le jeûne nous ouvre au Pain de vie partagé, nous invite à manger la Parole de Dieu, à ruminer cette Parole… comme le font nos frères moines chaque jour, ici, dans cette abbaye. Le jeûne ouvre à l’espérance.

Vient ensuite le partage.

Le partage, c’est accueillir la fraternité. Et le Carême nous propose d’approfondir cette fraternité. Personne ne peut se prévaloir de posséder l’autre, d’être supérieur à l’autre, de se voir plus beau qu’il n’est. Rappelez-vous ces derniers jours dans les évangiles… la paille dans l’œil de son prochain… et notre poutre… qu’allons-nous en faire ?

Oui, le Christ nous propose une fraternité universelle où le partage est la règle, et où Dieu est notre Père. Le partage nous ouvre à cette communion de la charité.

Enfin la prière.

Prier, c’est s’ouvrir à la volonté de Dieu. Une volonté qui elle aussi nous envoie vers les autres. C’est une prière qui n’enferme pas Dieu dans notre petite volonté de toute-puissance. Ce côté un peu magique, qui n’est surtout pas là pour nous servir. Une prière qui nous ouvre aux autres, nous entraîne à la communion, qui nous ouvre au partage et à la fraternité.

Alors, voyez comme il est piteux ce démon qui ne peut pas avoir de prise sur le Christ qui vit profondément de la foi, de l’espérance et de la charité.

En ce temps de Carême où nous forgeons la victoire du Christ en nous-mêmes, le démon ne peut pas avoir de prise sur nous.

Je vais même me permettre une dernière image : souvenez-vous du jour de votre confirmation. Vous avez reçu l’Esprit Saint. Et cela se présentait sous la forme du Saint Chrême, une onction d’huile. Alors, bien malin – si je peux me permettre – bien malin celui qui pourra nous attraper ! Nous lui glisserons entre les doigts !

Oui, nous lui glisserons entre les doigts car nous avons reçu le Saint Chrême, cette onction d’huile ; car nous sommes entièrement remplis de l’Esprit-Saint et l’Esprit Saint nous a rendus sans aspérités.

 

Alors, avec foi, espérance et charité, nous pouvons tous nous souhaiter un bon chemin de Carême pour célébrer la victoire du Christ. Un chemin printanier, un chemin bordé de fleurs, un chemin parfumé, qui nous conduira un jour au Royaume, à la table du Seigneur.

Frères et sœurs bien aimés, je vous le dis :

Cette table nous y serons. Ce Royaume nous le verrons… nous le verrons. Amen

 

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