Homélie du dimanche 10 octobre 2021- 28ème Semaine du Temps Ordinaire – Année B

Par le Frère Jean-Marie

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

« Viens, suis moi ! »

Frères et sœurs bien aimés,

Jésus s’adresse à chacun et chacune d’entre nous ce matin ; il nous dit « viens, suis moi ». C’est un appel personnel ; personnalisé, on pourrait dire.

Nous sommes invités, appelés à suivre Jésus… à le suivre de manière inconditionnelle : c’est la vie chrétienne.

Nous sommes appelés non seulement à être des hommes et des femmes bien « rangés », bien en place qui vivons des commandements, mais il y a un amour de préférence, un choix de préférence : « Veux-tu me suivre ? »

Nous pourrions nous poser la question ce matin et y répondre dans notre cœur, notre esprit : qu’est-ce que je dois quitter aujourd’hui pour suivre Jésus ? Est-ce que je suis comme ce jeune homme riche ? Un garçon très bien par ailleurs, mais qui n’arrive pas à passer un cap, à faire un passage ; être un garçon bien, une fille bien et s’auto-contempler dans sa beauté, en disant « Qu’est-ce que je suis réussi ! J’obéis à la loi de Dieu, je brille à mes propres yeux et à ceux des autres ».

Mais Jésus nous appelle à un plus ; il ne nie pas la vérité de cette beauté ; il y a un passage. Nous pouvons nous poser la question : qu’est-ce-qui aujourd’hui, me retient, me happe pour faire ce passage sans condition ? Quel est la richesse, quel est le poids ? Quelle est la chaine ou le fil qui me retient ce matin pour ne pas être totalement donné à Jésus :

une relation à rompre ? Des mauvaises habitudes ? Une tiédeur chronique ? Une somnolence permanente ? Une peur de l’avenir : si je fais trop confiance, où est ce que ça va m’emmener ? C’est sûr, frères et sœurs, sur la croix …passage obligé pour tout baptisé… mais pour ressusciter.

Nous sommes appelés à changer de vie, à passer de la vie de ce monde, en l’assumant, mais à la vie nouvelle. Il y a un passage qui est de l’ordre de la nature à la surnature, de la vie ordinaire voulue par Dieu, la vie naturelle, à la vie de grâces. Nous sommes invités ; c’est à ce niveau-là que se situe la plénitude de la vie chrétienne : faire confiance à Jésus pour lui obéir, correspondre à ce pourquoi il nous appelle, pour notre bonheur, notre vie. Nous sommes appelés donc à faire le point dans notre vie, tout simplement, et à lui répondre en vérité ; en vérité avec ce que le Seigneur nous demande et notre situation actuelle – comme un GPS qui s’adapte au satellite !

Certains dans le peuple de Dieu sont appelés à une vocation singulière. Il n’y a qu’une consécration, certes : être chrétien, qui est universelle – et tout être humain est appelé à recevoir cette vie trinitaire. C’est pour cela que l’Église est catholique ; mais certains et certaines sont appelés à une vocation particulière.

Une particulière consécration comme signe de la présence de Jésus, comme signe du Royaume déjà présent et vers lequel nous tendons en plénitude. C’est un signe particulier de consécration, un signe prophétique ; prophétique ne voulant pas dire simplement annonçant le futur, mais aussi disant la Parole de Dieu pour aujourd’hui ; cette parole qui est décrite dans la Lettre aux Hébreux comme « une épée à deux tranchants » qui pénètre jusqu’à la moelle des os, jusqu’à la jonction de l’esprit et du cœur de l’âme… l’intime de l’intime… le cœur du cœur.

Frères et sœurs, c’est là où nous devons répondre au Seigneur Jésus ; répondre dans la profondeur du cœur de notre cœur, dans l’intime de l’âme. Nous sommes invités aujourd’hui à prier pour les vocations et à encourager les vocations. Que de propos parmi les catholiques qui sont décourageants… pour ne pas dire plus… où tout est à encourager sauf de rentrer dans les ordres et dans la vie consacrée. Et dans certaines familles, le plus grand malheur serait qu’un fils devienne prêtre ou une jeune fille religieuse !

Quelle cohérence avons-nous ? Quelle superficie de vie chrétienne pouvons-nous avoir ! On se colorie pour passer très bien, pour gens bien rangés, mais si on creuse un peu plus, nous voyons qu’il y a des défaillances béantes et qui ne concernent pas seulement les pédophiles !

Nous sommes appelés à accueillir la mission que Jésus nous donne, et qu’il donne à certains membres du peuple de Dieu, et à encourager ceux et celles qui sont appelés ; à les épauler, à les supporter (au sens littéral : prendre une charge, soutenir).

Oui ! Jésus nous appelle chacun et chacune, aujourd’hui ; et cet appel s’adresse à chacun de nous. Ce n’est pas un appel générique qui plane au-dessus de la toiture du monastère ; mais Jésus appelle certains et certaines à des vocations singulières.

Jésus promet le centuple à ceux qui le suivent. Quelle promesse ! Aucune compagnie d’assurance, aucune banque ne peut assurer un tel résultat ! Jésus nous assure le centuple – toutes catégories ! – mais aussi, il précise : « avec des persécutions » ; et ces persécutions, l’histoire de l’Église nous le montre, peuvent venir de l’intérieur de l’Église. Le plus grand ennemi n’est pas à l’extérieur de l’Église ! Il est à l’intérieur du peuple de Dieu. St Augustin qui est un bon évêque, disait : « Il y a des membres de l’Église qui n’appartiennent pas à l’Église et des personnes qui sont hors de l’Église visible mais qui appartiennent à l’Église… »

Dieu est grand ; il donne largement et sans compter. Dieu bon : Jésus nous dit que « Dieu seul est bon ».

Notre existence est appelée à être considérée à cet horizon de l’éternité et pas simplement dans le parcours uniquement humain horizontal, comme si nous naissions comme ça par le hasard et nous disparaissions dans le néant au moment de notre mort. Non ! Jésus est ressuscité ! Dieu nous a créés par amour ! Il nous sauve par amour et toute notre histoire est une histoire d’amour. Acceptons-nous de rentrer dans cette danse d’amour, dans cette vie d’agapè ?

La vie chrétienne est ce dépeuplement plénier de notre potentialité humaine donnée par la Créateur. Nous sommes appelés à faire une confiance totale au Seigneur et à nous laisser emporter dans cette danse d’amour de la Trinité à laquelle nous participons déjà par le baptême.

Oui ! Nous avons besoin de vocations, cela ne date pas d’aujourd’hui, tout au long de l’histoire de l’Église, mais aujourd’hui particulièrement. C’est Jésus qui appelle ; ce n’est pas une stratégie humaine, ce n’est pas un marketing commercial ; ce n’est pas en camouflant la vérité que nous attirerons les vocations ; c’est Jésus qui dit à quelqu’un : « Viens et suis moi ! ».

Donc, les vocations jaillissent du Cœur de Jésus mais elles jaillissent aussi de notre cœur et de notre prière ; de la nécessité de faire la vérité, de se purifier pour être vrai et pour rendre la route disponible, afin que l’appel de Dieu puisse résonner dans la conscience de frères et sœurs plus jeunes, afin qu’ils se mettent à la suite d’une manière radicale en totale confiance, à la suite de Jésus, au service de l’Église, et pour leurs frères et sœurs en humanité.

Il est évident que le scandale de la pédophilie (qui ne date pas d’aujourd’hui mais qui éclate aujourd’hui) a une ampleur considérable, fait des dégâts, et a brisé nombres de vies.

Nous savons qu’il y a tous ceux et celles qui ont parlés… mais aussi tous ceux et celles qui ne parleront jamais et ceux qui sont morts ! Peut-être que les chiffres sont encore beaucoup plus considérables que l’on ne le pense, sans être pessimiste, y compris dans l’Église, y compris dans la société. Ne nous faisons pas d’illusions là-dessus.

Nous sommes appelés à être vrais et cohérents en tous les domaines de notre vie, et à mettre les pendules à l’heure. Nous sommes appelés à une conversion permanente, pas simplement les pédophiles mais chacun et chacune d’entre nous… une conversion permanente et suivie pour chacun. D’un certain côté, ce n’est jamais fini.

« Moi, je ne ferai jamais cela »… l’expérience de la vie nous montre que parfois on peut poser des actes que l’on ne voudrait pas poser. Et nous sommes invités à recevoir la grâce de Dieu, la lumière de l’Esprit Saint et son amour, pour être ressaisis, vivre dans la lumière, la vérité et la miséricorde, y compris pour ceux qui ont chuté gravement.

Nous sommes appelés à une œuvre commune ; ce n’est pas un travail en solo pour une commission, si belle soit-elle, pour des commissions nationales qui contrôleront, tout ça est nécessaire, et toutes les recommandations, mais il faudra ajouter d’autres recommandations et les mettre en pratique… mais tout cela n’est pas suffisant. Si nous ne changeons pas notre cœur, on pourra changer les structures, mettre des gendarmes tous les dix mètres, cela ne changera rien à notre vie !

C’est l’être humain qui doit changer – même si ces précautions sont nécessaires – mais nous devons changer en profondeur pour vivre réellement une vie humaine dans la lumière de la vie trinitaire ; et vivre dans la paix et la sécurité pour nous et pour tous les autres. Toute difficulté, tout échec, est une ouverture sur un tremplin pour aller plus loin et mieux. Il y a deux attitudes : ou se décourager, baisser les bras, pousser des cris mais qui ne serviront pas à grand-chose,     ou prendre les choses en mains et avancer avec courage, vérité, humilité ; et avancer tous ensemble dans l’Église mais aussi dans la société.

Et tout d’abord de savoir écouter et accueillir les victimes, mais aussi d’autres personnes qui peuvent parler, pas simplement que les victimes. Savoir écouter et accueillir… que c’est difficile d’écouter en vérité ! On a toujours tendance et envie de répondre avant que l’autre ait fini de parler, ou d’avoir des réponses toutes faites : on connait tout, on sait tout !

Savoir écouter et accueillir ! C’est-à-dire, accueillir l’autre ; pas ce qui me fait plaisir ! Accueillir ce qui a été dit, comme il le dit !

Avoir de la compassion, c’est à dire de prendre la passion de l’autre avec soi. Et une efficacité de réaction : ne pas dire « on verra ! »… on va nommer une commission, une sous-commission… mais de réagir. Il y a deux failles, me semble-t-il, qui ont fait émerger ces scandales ; c’est tout d’abord : le fait de ne pas savoir écouter, accueillir et de ne pas bouger.

Nous sommes invités à prendre soin ; à prendre soin des victimes ; prendre soin de chacun de nous, de tous nos frères et sœurs. Et prendre soin des coupables aussi, d’enlever et de désigner tout ce qui pourrait nuire aux autres ; de neutraliser les coupables et de prendre soin d’eux pour leur chemin de retour, de guérison, de pardon.

Frères et sœurs, nous sommes appelés à avancer ensemble comme membres du peuple de Dieu, comme membre vivant, comme pierre vivante de l’Église, comme membre de ce corps mystique qu’est l’Église. L’Église est Sainte parce que c’est Jésus qui la sanctifie, parce qu’il est la Tête de ce Corps qui est saint. Il y a des membres qui sont pourris et on peut tous devenir pourris ! Soyons vigilants et attentifs ! Ne nous mettons pas au-dessus des autres, restons humbles et demandons la grâce sans arrêt de nous convertir, d’être humbles et d’avancer dans la lumière, la vérité et l’humilité. L’humilité est le grand remède, le remède essentiel à toutes choses parce qu’il permet de construire en vérité et de façon solide.

Oui ! D’être des membres de ce Corps mystique de l’Église, pour vivre et annoncer avec douceur et respect, l’Évangile du Salut qui n’est autre que la personne de notre Sauveur, le Christ Jésus.

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