Chers frères et sœurs,

Avec la réponse de Jésus au scribe de l’évangile de ce 31ème dimanche B, nous remarquons que dès les plus vielles pages de l’Ancien Testament, Dieu se révèle comme un Dieu qui aime ; et qu’Il souhaite que les hommes (qu’il a créés à son image) lui répondent.

Le Dieu de la Bible n’est pas seulement un Dieu Créateur, Il est aussi un Dieu qui désire éveiller ses créatures les plus nobles à son omniprésence ; un Dieu qui désire être un véritable Interlocuteur, interlocuteur avec ses créatures (nous qui pouvons parler à la différence des autres créatures ; nous qui avons une liberté vraiment indépendante ; et qui avons la possibilité de penser). Le Dieu d’Abraham se présente comme le Dieu qui cherche à renouer une Alliance perdue avec les hommes ; ceux du moins qui ont sauvegardé leurs facultés supérieures à l’emprise de la Révolte originelle ; ceux que l’Écriture désigne, entre autres, comme des hommes de « bonne volonté » ; ceux qui veulent bien croire en la Bienveillance de Dieu, en dépit de la présence sournoise du Mal récurrent qui les entoure. Tous ceux qui, percevant l’harmonie foncière de la création, souhaitent entrer en dialogue avec l’Auteur invisible qui transcende le cosmos, la contingence du temps et de l’espace, afin de mieux comprendre le sens de leur existence éphémère.

Oui, le Dieu de l’Ancien Testament s’est mis à la recherche de l’homme pour l’aider à s’écarter des maux qui le cernent, pour lui apporter quelques lumières, le persuader de son assistance ; ainsi dès les Patriarches, Dieu accorde à l’homme certaines manifestations de sa bonté pour l’avertir et lui donner des conseils afin d’éviter de nombreux errements, et d’écarter les obstacles de son chemin.

Il convient de se rappeler ce que rapporte la Bible sur l’expression de l’Amour de Dieu : l’élection étonnante de Moïse, puis de l’épopée de l’Exode où tout au long de quarante années au désert, Dieu s’occupe de son peuple « nouveau-né » pour le nourrir chaque jour, et le désaltérer. Une telle attention répétée amène les prophètes Osée et Jérémie et plusieurs psalmistes, à comparer les relations de Dieu avec son « petit peuple », à l’amour d’un fiancé envers sa fiancée…

Nous entendons aujourd’hui en première Lecture au Chapitre IV du Livre du Deutéronome, le commandement fondamental de la Loi donnée par Moïse au jeune peuple Israël : « Le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ; tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces ». Commandement donc principal, que Jésus place en premier dans sa réponse et que le scribe approuve, en tenant compte même du second que Jésus ajoute, et que les autres synoptiques osent mettre à égalité du premier : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »

Les scribes comme les pharisiens n’ont évidemment pas la vision globale de la Loi que le Christ pouvait avoir, pourtant ils reconnaissent ici la parfaite répartie de Jésus. Peut-être s’en étonnent-ils ! À cause de certaines dérogations que Jésus se permet surtout à l’égard des prescriptions que leur tradition considère comme importantes, celles en particulier qui sont relatives à l’observance du Sabbat. On remarque dans les évangiles, et surtout en st Jean, que le Christ a toujours souci de distinguer, même s’ils sont reliés, les préceptes de la Loi du commandement de l’Amour. Les multiples préceptes n’ont d’ailleurs pas d’autre but que de placer le fidèle, en toutes circonstances, devant l’urgence de l’Amour ! La Loi est faite pour que le croyant exerce des marques objectives de son amour pour Dieu, elle devrait donc lui montrer plutôt ses manques, ses faillites (échecs) envers l’Amour.

Or la religion que Jésus rencontre la plupart du temps, fait de l’observance des préceptes un absolu. Par exemple, dans la parabole du « bon samaritain » : on n’a pas le droit, si on rencontre un malheureux, de le toucher sous peine de contracter l’impureté… Aussi la grande démarche de Jésus est de restaurer dans la Loi qu’Il est venu accomplir, les droits de l’Amour. Il pourra même déclarer paradoxalement qu’un homme qui n’a jamais connu Dieu, s’il aime son prochain et le sert, sera sauvé ! Au larron réprouvé, s’il en est, et condamné par le pouvoir religieux, Jésus annonce, du fait qu’il reconnait en Lui un juste qui n’a commis de mal : « Aujourd’hui même, tu seras avec Moi au paradis ».

La révélation évangélique se présente ainsi avant tout, comme une mise en lumière et une restauration de l’Amour que la Loi divine renferme.

Croire, pour un Chrétien, depuis l’Incarnation et la venue de l’Esprit à la Pentecôte, c’est vouloir être habité par Dieu et son ordre sacré. C’est vouloir que Dieu nous gouverne, puisqu’en tout Il nous manifeste dans la foi, l’ordre de son Amour.

En cela nous ne devons pas Le contrarier ni Lui déplaire, faisons Lui donc confiance ! La grâce viendra à notre aide.

 

Frère Jean-Baptiste, moine de Sénanque