Homélie du dimanche 14 août 2022 – 20ème Dimanche Temps Ordinaire – Année C

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs,

« Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis mais bien plutôt la division. »

Il faut l’avoir lu dans l’évangile pour admettre que cette parole à première vue scandaleuse, a bien été dite par Jésus, lui que la liturgie chante à Noël comme étant « le Prince de la Paix » !

Lui qui avant sa Passion dit à ses apôtres, « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix », nous dit aujourd’hui : « Non, je ne suis pas venu aujourd’hui mettre la paix sur la terre mais bien plutôt la division ».

Il faut, comme toujours lorsque nous lisons les Saintes Écritures, gratter l’écorce amère de la Parole pour atteindre quelque chose de son sens plénier.

De quelle paix s’agit-il ? C’est comme si le Christ disait, écrit Denis le Chartreux au XVème siècle : « Ne pensez pas que je sois venu donner aux hommes la paix selon la chair et ce monde ci, la paix sans aucune règle, qui les ferait vivre en bonne entente dans le mal et qui leur assurerait la prospérité sur la terre… Non, je vous le dis, je ne suis pas venu apporter une paix de ce genre, mais la division, une bonne et très bonne salutaire séparation des esprits et même des corps ».

Nous le savons bien, il y a paix et paix ! Quand nous disons, ou que quelqu’un nous dit : « Laisse-moi en paix », ce n’est pas ce genre de paix que Jésus nous apporte. La paix qu’il nous apporte, c’est la paix intérieure, c’est la paix spirituelle, c’est la tranquillité de l’âme en Dieu. Cette paix-là peut aller de pair avec des tribulations extérieures, troublant le cours des évènements de notre vie. Pour illustrer cela, écoutons le témoignage de ce jésuite allemand qui écrivait, durant la dernière guerre mondiale, dans ses notes intimes : « Souvent, dans l’agitation et les souffrances de ces derniers mois, ployant sous le poids de la violence, j’ai senti tout à coup la paix et la joie spirituelles, envahir mon âme avec la force victorieuse du soleil levant ; et le calme de la tempête apaisée, de la douleur maitrisée, a rempli mon cœur. »

Alors pourquoi la division au lieu de la paix ? La paix apportée par Jésus met l’homme dans une situation de choix ou de crise : « Qui n’est pas pour moi est contre moi » dit-il par ailleurs.

On ne peut accepter de demi-mesure ; rappelons-nous le Livre de l’Apocalypse dans sa lettre à Laodicée : « Je sais tes œuvres : tu n’es ni froid ni bouillant, mais parce que tu es tiède, je vais te vomir de ma bouche ».

En sa personne, Jésus apporte un feu sur la terre, et lui-même est baptisé en ce feu par son immersion dans sa Passion, son ensevelissement et sa résurrection. Le feu qu’il apporte, c’est le Don de son Esprit Saint.

L’Esprit Saint !

N’est-il pas ce bon barreur qui pousse la barre à bâbord et à tribord en fonction des vents, afin qu’avance droit la nef de l’Église, et de chacune de nos vies. Cet Esprit que Jésus veut répandre dans le cœur de tous les hommes, et dont il a laissé la charge à l’Église d’en être la dispensatrice. Cet Esprit Saint, Jésus en est avec le Père, le donateur pour toute l’humanité, et il brule, d’un grand amour, du désir que le cœur de tous les hommes accueille et reçoive ce feu de l’Esprit. Son baptême à lui, c’est un baptême douloureux : c’est sa Passion, c’est son cœur transpercé sur la Croix, d’où ont jailli l’eau et le sang, autrement dit l’Esprit.

Dans le renouveau charismatique, on parle volontiers de baptême dans l’Esprit. Cette expression a le mérite de montrer qu’on est plongé dans l’Esprit Saint comme dans un baptême. Immersion dans l’Esprit qui dit à la fois l’image de l’eau qui recouvre et qui lave, image de l’Esprit qui est un feu purificateur et sanctificateur.

Le baptême de Jésus, frères et sœurs, c’est sa Passion en laquelle il est immergé pour en sortir victorieux au matin de Pâques, s’éveillant, se relevant d’entre les morts. Et nous, par le baptême, nous sommes configurés de l’intérieur à cette même Passion du Christ devenant comme lui, et à sa suite, signe de contradiction : car désormais « cinq personnes de la même famille seront divisées ». Jésus en a fait l’expérience. « Nul n’est prophète en son pays » dira-t-il de ses compatriotes à Nazareth qui étaient divisés à son sujet, et pas toujours prêts à accueillir sa Parole.

Dans une homélie du Vème siècle, on peut lire : « Ceux qui ont été dignes de devenir Fils de Dieu et de renaitre de l’Esprit, qui ont en eux-mêmes le Christ pour les éclairer et les réconforter, sont guidés selon des voies diverses et variées. Parfois, ils sont plongés dans le deuil de l’affliction pour le genre humain, ils se livrent à la tristesse et aux larmes, parce que l’Esprit les embrase d’amour pour tous les hommes. D’autres fois, l’âme se repose dans un profond silence dans le calme et la paix, ne connait que la jouissance spirituelle, un repos et une plénitude inexprimables ».

Dans ce sacrement de l’Eucharistie que nous célébrons maintenant, nous est communiqué, actualisé, ce que nous avons reçu à l’heure de notre baptême : la grâce de participer au baptême de Jésus, qui est ensevelissement du vieil homme, et relèvement comme participation à la Vie Nouvelle, à la Seigneurie du Christ, autrement dit, à la Vie dans l’Esprit. Amen !

 

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