« Voici l’Agneau de Dieu ! Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. »
Frères et sœurs bien aimés, le cycle liturgique entre le Temps de Noël et le Temps Ordinaire dans lequel nous sommes rentrés, a comme point d’articulation : l’appel ; l’appel des premiers disciples : soit, dans le cycle que nous avons durant la semaine, soit, dans le cycle que nous avons le dimanche. En cette année de la liturgie du cycle A, nous avons cette désignation du Baptiste, qui désigne Jésus. Appel et mission !
Tous, chacun et chacune, nous avons été appelés à la vie. Tous, nous avons reçu la vie ; et comme nous le rappelle le Concile Vatican II, l’être humain, la personne humaine, est la seule créature qui évolue par Dieu pour elle-même. Nous ne sommes pas un accident de la nature ! Nous ne sommes pas un accident de la volonté de Dieu ou de la violence des hommes. Chaque être humain est voulu par Dieu ! Avec une destinée éternelle !
Notre vie ne s’arrête pas à la mort physique ; notre vie est là pour s’épanouir dans la plénitude de la vie trinitaire, dans la vie du Royaume de Dieu. Cela est vrai pour tout être humain dans toute l’histoire de l’humanité, aujourd’hui comme hier, comme demain, jusqu’aux dernières générations avant la venue du Christ dans la gloire.
Cette certitude éclaire notre perspective humaine et nos choix. Si nous avons été appelés à la vie ; si nous avons reçu cette vie, comme le disait le prophète Isaïe : « Je t’ai choisi quand tu étais dans le sein de ta mère », nous avons eu un deuxième appel : un appel à adhérer à la vie du Christ ; comme une re-création ; une re-création qui nous appelle à vivre avec le Christ. La vie chrétienne n’est pas la suite, simplement, de commandements, de permissions, d’interdits ; c’est pas une vie d’abord morale ! C’est une vie mystique ! Mystique voulant dire : c’est la vie même de Dieu qui nous est donnée. Notre vie spirituelle est un support, un réceptacle. Tout être humain a une vie spirituelle, c’est le propre de l’être humain !
Nous sommes appelés à vivre notre vie baptismale, dans une relation vivante, actuelle, vivifiante, avec le Christ Jésus qui nous conduit au Père dans la puissance de l’Esprit Saint. Cet appel est en permanence une vie d’adhésion au Christ. Si notre vie quotidienne n’est pas une adhésion au Christ, nous ne vivrons pas vraiment pleinement notre vie baptismale. Nous sommes des hommes et des femmes qui vivent avec une vie morale belle, légitime, mais il n’y a pas le feu de l’Esprit ! Nous sommes un peu des réfrigérateurs ambulants ! Nous n’apportons rien ! Nous sommes des théistes : nous croyons en Dieu ! Dieu existe, le grand architecte ! Dieu maintient l’univers dans l’être, oui ! C’est absolument vrai !
Mais où est la sève évangélique ? Où est la sève baptismale ? Où est cette relation vivante, personnelle, vivifiante avec le Christ Jésus ?
Nous sommes appelés à nous convertir pour vivre cela. Si nous ne le vivons pas, nous sommes appelés à nous « secouer » ce matin, pour vivre de cette vie-là. Sinon, nous sommes des gens bien rangés, avec une règle morale. C’est pas mal ! Mais c’est pas le feu de l’Esprit Saint ! C’est pas la vie chrétienne ! C’est une vie anesthésiée.
Nous sommes appelés à remercier Dieu pour le Don de la vie, mais aussi pour le Don de la vie surnaturelle qui est donnée par le baptême et la foi. Cet appel est concomitant et aussi appelé à se développer dans une mission. Il ne s’agit pas simplement de vivre avec le Christ un peu « comme dans un cocon », un lien douillé ! Vivre comme cela, il y aurait une dimension amputée, à savoir, la dimension à l’autre. Si nous avons une dimension à l’Autre avec un Grand A, forcément il y a une mission qui nous est donnée pour être en relation vivante et vivifiante, en relation avec les autres. Non pas de manière statique, là-aussi, ou protocolaire ; nous sommes appelés à vivre avec ce feu de l’amour divin qui nous fait regarder les hommes et les femmes non pas comme des objets de concupiscence, non pas comme des rivaux, non pas des gens qu’il faut rejeter ou éliminer, ou vivre loin d’eux, mais comme des frères et sœurs, autant sur le plan naturel que sur le plan de la grâce divine. C’est un regard qu’il faut changer ; nous sommes appelés à changer de regard ! Jean Baptiste avait changé de regard et s’est laissé guider par le Seigneur, pour dire : ce Jésus, c’est lui l’Agneau de Dieu ; c’est lui le Sauveur du monde. Jean était dans une conversion permanente.
Et nous sommes appelés à vivre cela. En ce dimanche, nous pourrions remercier Dieu à un triple niveau : le remercier pour le Don de la vie et le Don de la vie des autres.
La vie est un Don inestimable et à respecter.
Ensuite, de remercier Dieu d’avoir reçu la foi ; c’est un grand mystère ! D’avoir reçu la foi et de s’efforcer de vivre avec le Seigneur, c’est une progression tout au long de notre vie.
Enfin, d’avoir reçu une mission de témoigner de Lui. Est-ce que dans notre vie, nous témoignons de Jésus ? Est-ce que nous désignons Jésus comme le sauveur du monde ? Ou est-ce que nous sommes paralysés par la peur, par le respect humain. Le respect humain peut engendrer un péché grave qui est la lâcheté, où nous n’avons plus le courage de parler de Jésus ; où nous n’avons plus l’audace de dire Jésus est Sauveur ; sous prétexte de respect des autres – toujours à appliquer, le respect de la conscience des autres, de la liberté, c’est évident – mais ce respect peut se transformer en un mutisme, une peur panique, une trahison en acte, où nous n’osons plus affirmer Jésus comme l’unique sauveur de l’humanité.
Et nous tombons dans un relativisme lâche où tout le monde est beau et gentil ; et l’on avance dans une source de lâcheté permanente… si possible irriguée par un manteau de mensonges ! Nous sommes appelés vraiment à nous convertir sans cesse ; et à vivre unis au Christ, en lui rendant grâce du Don de la vie, du Don de la vie surnaturelle, mais aussi en étant des missionnaires. Non pas en se promenant avec des panneaux et en criant dans la rue, mais en vivant profondément ce que nous avons à vivre. La Vérité rayonne par elle-même !
Nous n’avons pas besoin de défendre la Vérité en soi ; la Vérité se défend par elle-même ; ce qui est vrai, est vrai ! Des persécuteurs pourront dire que ce n’est pas vrai, mais la Vérité s’imposera par elle-même, avec douceur. Car le réel, c’est le réel ! Et quand on fuit le réel, il vient nous donner une claque pour nous rappeler ce qu’est la réalité de la vie.
Donc, de vivre avec le Seigneur.
Et d’être témoin de cet amour du Seigneur, et de le désigner en paroles, en actes, et avec le courage qu’il faut pour regarder Jésus et entrainer les autres à regarder Jésus – non pas de manière expectative – mais en vivant de Lui, entrant dans une relation d’amour.
Demandons, dans la puissance de cette Eucharistie, d’avoir ce double mouvement : de vivre concrètement avec Jésus ; et de nous interroger aujourd’hui : est-ce que je vis avec Jésus ? Ou est-ce que je vis avec un « ronron », une théorie ? En restant intellectuel ? Ça ne descend pas en dessous des sourcils !
Et de témoigner de Jésus ! Ne pas avoir peur de cela ! De ne pas être des lâches, des « chiens muets », pour reprendre une expression de la Bible, et qui a été repris par le Cardinal Lustiger, en disant que « nous sommes des chiens muets qui se laissent aller dans le flot du fleuve, emportés », alors que nous sommes appelés à nager à contre-courant.
Non pas pour ramener la vision sur soi-même… pas du tout !
Mais pour témoigner de cet amour indéfectible, permanent et éternel ; de l’amour de cet Agneau de Dieu qui est la manifestation de l’amour du Père, dans la puissance de l’Esprit Saint. Amen !