Homélie du dimanche 20 Janvier 2019
2ème dimanche du temps ordinaire – Année C
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé
Chers frères et sœurs, l’épisode des Noces de Cana est pour ainsi dire la troisième des grandes épiphanies, c’est-à-dire manifestation de l’incarnation du Verbe.
La première a été célébrée, il y a quelques semaines le jour de Noël : la Nativité de notre Dieu selon la chair. La seconde épiphanie, il y a quinze jours, avec l’Adoration des Mages, figure de la dimension universelle du Salut.
Et aujourd’hui, la troisième épiphanie, on peut dire la quatrième, après le Baptême du Christ, épiphanie du Verbe aux Noces de Cana, où, comme dit le texte sacré : « Jésus manifesta sa gloire et les disciples crurent en lui ».
Cet épisode de la vie de Jésus, frères et sœurs, a été l’objet de plusieurs interprétations spirituelles au cours des âges. Il a été mis particulièrement en parallèle avec le Mystère de Marie à la Croix. Mystère que les Noces de Cana annoncent et préfigurent. Tant au plan physique qu’au plan spirituel, la maternité de la Vierge Marie s’origine à des épousailles. De même qu’à sa maternité physique, on préludait des fiançailles physiques avec Dieu, ainsi la maternité spirituelle que Marie reçoit à la Croix est le résultat de noces spirituelles : celles-là mêmes qui furent célébrées à Cana.
Ainsi frères et sœurs se correspondent parfaitement les deux tableaux : l’Annonciation et la Nativité, d’une part, décrivent le mystère des fiançailles de la maternité de Marie, comprises dans leur dimension naturelles ; de l’autre, Cana et la Croix, marquent l’instant des épousailles et de la maternité, élargies dans leur dimension spirituelle.
(Et nous remarquons que, encore une fois, St Luc et St Jean se complètent harmonieusement.)
À Cana, frères et sœurs, le Christ, comme « Envoyé du Père », et Marie qui est là comme représentante du reste d’Israël, célèbrent déjà, en un signe perceptible à la foi seule, des épousailles qui seront retardées jusqu’à la Croix.
Soyons attentifs : à Cana sous les couverts de quelques mots banals, les exégètes avec leur jargon parlent de conversation amphibologique : « Sous quelques mots banals, le Christ et sa Mère s’entretiennent des mystères les plus profonds ».
Une autre tradition d’interprétation de ce passage des Noces de Cana, en particulier avec St Bernard, voit dans les 6 jarres de Cana comme les 6 périodes qui forment l’histoire de la révélation. Bernard, toujours préoccupé par la conversion spirituelle et l’homme intérieur, voit en ces jarres « l’eau nécessaire pour, dit-il, les 6 purifications de l’âme ». Dans un entretien à ses moines, Bernard concrétise ces jarres en autant d’observances : le silence, la psalmodie, les vigiles, le jeûne, le travail manuel et la pureté du corps.
Le réalisme avec lequel il s’exprime montre que Bernard est convaincu de l’efficacité de ces observances, « qui vécues dans le Christ, purifient le moine et le conduisent à Dieu ». La Parole de Dieu une fois de plus devient source et expression de vie !
À notre tour, frères et sœurs, nous sommes invités à Cana pour y boire le vin nouveau donné par le Christ. Avons-nous conscience, avons-nous suffisamment conscience de la nouveauté apportée par le Christ à notre humanité, à chacun d’entre nous ?
St Cyprien, l’un de nos pères dans la foi au IIIème siècle, faisait déjà remarquer non sans humour que « si Jésus avait bien changé l’eau en vin, nous avions quant à nous tendance à changer le vin en eau ! ». Autrement dit à rendre fade notre vie chrétienne…
Par sa présence et par son action, Dieu est entré dans l’histoire d’une manière tout à fait nouvelle, ici et maintenant, comme celui qui agit. « En venant dans le monde, dit St Irénée, Jésus a apporté toute nouveauté parce que, en lui tout est renouvelé ». Notre monde aujourd’hui comme hier a un besoin pressant de redécouvrir, ou tout simplement de découvrir, la nouveauté du Christ.
Avec de l’eau, Jésus a fait du vin. Ou plus exactement l’eau a été changée en vin. De même avec la pâte humaine que nous sommes, Dieu réalise des œuvres d’art ou du moins des œuvres uniques car « chacun est unique en sa main » comme dit le prophète Isaïe.
Peut-être frères et sœurs, avez-vous remarqué que dans ce récit des Noces de Cana, il y a une grande absente, c’est la mariée ! À aucun moment il n’est question d’elle. Comme si elle n’existait pas !
L’évangéliste Jean – et en St Jean tout particulièrement rien n’a été écrit au hasard, comme dans les autres évangiles aussi – l’évangéliste Jean ne voudrait-il pas nous faire comprendre, par cette absence de la mariée, que la place vacante, c’est celle qui nous a été préparée, et que nous sommes appelés à tenir à côté du marié comme l’épouse à côté de son époux. « L’épouse, c’est nous, dit St Bernard, c’est nous mais dans le cœur de Dieu. C’est nous parce qu’il nous en rend digne et non parce que nous en sommes dignes ».
Nous allons maintenant, frères et sœurs, participer au repas de Noces, encore plus grand et définitif qu’est l’Eucharistie, le pain c’est son Corps donné en nourriture, le vin c’est son Sang versé pour la multitude. Ce Vin de l’Eucharistie qui nous fait rentrer dans la Sobria Ebrietas, dans la sobre ébriété. Oui, en vérité, Dieu a gardé le bon vin jusqu’à maintenant, ce Vin qui jaillit du côté de son Fils et qui murmure à qui veut l’entendre « J’ai soif de toi ! », car comme dit St Grégoire de Nazianze, « La source a soif d’être bue ».
Amen !