Homélie du dimanche 20 octobre 2019
29ème dimanche du Temps Ordinaire – Année C
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé
Chers frères et sœurs,
L’injonction de Jésus est claire : « il faut toujours prier sans se décourager ».
Quels motifs de découragement peut bien avoir une prière qui apparemment semble inefficace à celui qui a le sentiment de prier en vain ?
« Je prie mais Dieu ne répond pas ! » ; « À quoi bon prier parce que les jeux sont déjà faits ! » ; « Je n’ai pas de goût pour la prière car je suis trop accablé pour prier ».
Toutes ces réflexions que nous avons entendues autour de nous ou que nous-mêmes nous exprimons peut-être parfois !
Prier sans se décourager ! « Crier du fond de l’abîme, dit St Augustin, c’est déjà se relever ! »
« La vraie prière, disait le saint Curé d’Ars, est faite d’espérance et de désespoir ! »
Il ne s’agit probablement pas, quant à nous, de « savoir prier ». Qui peut dire « je sais prier » ? Mais de prier simplement en toute pauvreté et la prière nous sera donnée. Qu’elle soit prière de louange, qu’elle soit prière de supplication, ou prière d’intercession.
Prière de louange : savoir rendre grâce, savoir louer le Seigneur, indépendamment de nos états psychologiques, qui peut-être, ne sont pas à l’instant présent portés à la louange. Comme l’herbe qui attend la venue de la rosée du matin pour être désaltérée… la prière comme la rosée du matin, vient d’en haut, elle est donnée à l’heure de Dieu. C’est la visite du Verbe qui survient très souvent à l’heure où on ne s’y attend pas.
St Bernard écrit : « Se retirer, demeure pour Lui (le Seigneur) une certaine manière de se donner et revenir est toujours une libre décision de sa part. Les deux mouvements sont pleinement judicieux mais Lui seul (le Seigneur) en sait la raison secrète ».
En effet, nous parlons de Présence de Dieu, d’absence de Dieu, d’éclipse de Dieu… mais Dieu est toujours présent ! Même là, Dieu transparait dans notre vie, en particulier dans la prière, plus qu’il n’apparait. On ne met pas la main sur Dieu ! Il s’agit, quant à nous, de persévérer dans la prière – la persévérance qui est une grande vertu – alors que tout nous invite à déserter la prière, à baisser les bras…
Persévérer est un mot clé de la vie chrétienne et de la prière en particulier. St Bernard disait de la persévérance « qu’elle est une certaine image d’éternité. Elle est la seule chose qui rend l’homme à l’Éternel ».
Oui, une clé de la vie spirituelle est bien de savoir recommencer chaque jour dans l’ascèse comme si l’on en était toujours au début. Ascèse de la prière où plus on avance, plus on découvre qu’on ne sait pas prier. Ce qu’il nous faut entretenir en notre homme intérieur, c’est le désir. Nous sommes tous, frères et sœurs, des êtres de désir !
Quand on lit la vie des saints, on voit que leurs souffrances dans la non réalisation apparente de leurs désirs – y compris les désirs les plus légitimes – fut source pour eux d’un plus grand gain. Pensons à Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, dans son Carmel de Lisieux, qui avait un grand désir d’être envoyée carmélite missionnaire à Saigon… et qui n’a pas quitté son Carmel de Lisieux pendant les quelques années où elle fut carmélite, puisqu’elle décéda à l’âge de 24 ans… et pourtant ! Elle fut proclamée, à l’égal de St François Xavier, Patronne des Missions.
« Si quelquefois les désirs conçus n’ont pas pu se réaliser, c’est, dit St Grégoire le Grand, pour qu’au moyen de ce retard, notre âme soit dilatée. L’accomplissement de notre désir est différé pour s’accroitre, et au sein de ce retard, il grandit ».
Oui, nous sommes des êtres de désirs ! Avec le désir, et avec la persévérance, grandit la patience. Comme en toutes choses, demeurons fixés sur le roc de notre foi et « ne soyons jamais ébranlés par la mobilité des choses transitoires » dit encore Grégoire le Grand. Les Pères de l’Église parlent souvent de la persévérance dans la vie chrétienne, dans la vie spirituelle : il s’agit de se tenir patiemment dans la communion avec le Seigneur au milieu des vicissitudes de l’existence… et Dieu sait si personne n’y échappe !
Au début de la vie de prière, on est facilement enthousiaste, et c’est une bonne chose, car le Seigneur donne sa grâce avec abondance à celui qui découvre la prière pour l’encourager à aller de l’avant ; mais il faut ensuite marcher avec constance sur les chemins monotones du désert que nous sommes appelés à parcourir tout au long de notre vie. Il s’agit d’avancer dans la vie spirituelle patiemment, pour entrer dans une adhésion toujours plus profonde et plus pure de la foi. C’est ainsi que le vin se purifie !
On peut citer ici l’exemple de St Augustin, qui après les illuminations rayonnantes du début de sa conversion où il découvre la véritable foi chrétienne, où il rentre dans l’Église, a ensuite profondément vécu le poids de cette patience au milieu de toutes les tribulations comme évêque d’Hippone dans une civilisation décadente, à l’époque des barbares.
Moïse, dont nous a parlé la première lecture, quant à lui, priait les bras étendus, soutenus par Hour et Aaron. Il nous enseigne par-là, frères et sœurs, que la prière est toujours un travail, un labeur. St Benoit dans sa Règle parle de l’Opus Dei : l’œuvre de Dieu. Prier, c’est un travail, ça demande de la fatigue, de la constance. St Nicolas de Flüe, disait qu’ « Il faut aller à la prière comme à une fête et à un combat ! »
Si la prière peut-être rude, aride, pénible, à certaines heures, sachons qu’elle porte toujours du fruit, si nous acceptons de persévérer même dans cette aridité. Ne cherchons pas dans la prière notre propre satisfaction, ni à « faire une expérience », mais à entrer dans la nuée de Dieu, en laquelle nous pénétrons et nous marchons comme des aveugles dans la nuit.
Mais la prière n’est pas que ténèbres, aridité, et sècheresse ; l’Esprit Saint survient aussi à l’heure où ne nous y attendons pas. La prière, c’est aussi la joie, la paix, ce peut-être aussi le sentiment très vif de la Présence de Dieu. Et pour tout cela nous rendons grâces, ça vaut le coup de persévérer !
L’évangile de ce jour se termine par cette question assez redoutable de Jésus qu’il ne faut pas éluder trop vite : « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
St Cyprien au IIème siècle, écrivait en commentant cette Parole de Jésus : « C’est en regardant de loin notre temps que le Seigneur a dit cette Parole. Nous voyons s’accomplir ce qu’il a prédit : dans l’honneur rendu à Dieu, dans la justice, dans l’amour, dans l’action… il n’y a plus de foi ».
Terminons, quant à nous, sur une note plus positive, en citant cette parole de St Jean de la Croix :
« Là où il n’y a pas d’amour, semez de l’amour et vous récolterez de l’amour ! »
Amen !
