Homélie du dimanche 21 février 2021 – 1ère Semaine de Carême – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs, nous voici depuis quatre jours, depuis le Mercredi des Cendres, de plain pied dans le Carême.

Temps liturgique plus exigeant pour chacun de nous, parce que pour la deuxième année consécutive, il se déroule dans la situation sociale et sanitaire perturbée que nous connaissons. Exigeant aussi au niveau spirituel, peut-être parce que, encore plus de coutume, nous sommes acculés à l’espérance et à la foi, en l’amour indéfectible de Dieu pour l’humanité, pour son Église et pour chacun d’entre nous.

L’espérance chrétienne qui conduit à une certitude ; la certitude de ce qui nous attend au bout du chemin : la promesse du sommet de l’Himalaya. L’espérance n’est pas aléatoire, elle est ferme, elle est concrète ; je sais ce que sera l’issue de ma route quelles que soient les épreuves.

“L’espoir meurt, dit un adage, l’espérance demeure”.

L’espoir, quant à lui, permet de tenir, de supporter. S’il ne s’avère pas possible, il peut conduire au désespoir. Et le désespoir fait mourir sinon le corps, du moins l’esprit.

Ainsi ce n’est pas l’espoir qui nous fait vivre, c’est l’espérance ; cette espérance dont Charles Péguy dit “qu’elle est une petite fille de rien du tout qui est venue le jour de Noël de l’année dernière” et il poursuit “alors que la foi ne voit que ce qui est, elle, l’espérance, voit ce qui sera. La charité n’aime que ce qui est, l’espérance aime ce qui sera”.

Et la première Lecture de ce jour, du Livre de la Genèse, nous parle de Noé. Attardons un instant sur cette grande et belle figure de Noé dont le nom signifie “le Juste”, l’homme qui marchait avec Dieu.

Qui était Noé ? La Parole de Dieu nous dit que Noé est le fils de Lamek, qu’il engendra à l’âge de 182 ans ; ce même Lamek qui est mort, nous dit l’Écriture, à 777 ans ! (Rassurez-vous si vous avez quelques doutes sur la véracité de ce détail, vous restez pleinement catholique…)

Il lui donna le nom de Noé, “car, dit-il “celui-ci nous apportera dans notre travail et le labeur de nos mains, une consolation tirée du sol que le Seigneur a maudit”.

Noé est une splendide icône biblique de la “garde” de la vie (souvenons-nous qu’Adam et Eve ont été placés dans le paradis pour garder le jardin, ce mot important de “garder”) juste au moment où le monde semble destiné à sombrer à cause de la corruption et de la violence des hommes.

Noé est appelé par Dieu à travailler à la construction d’une arche, qui est le symbole en réalité de notre terre, dans laquelle puissent être sauvées toutes les espèces vivantes ainsi que celles qui ne sont pas immédiatement utiles à l’homme, à savoir les animaux impurs.

Oui, on ne garde pas, en effet, la terre sans prendre soin de toutes les formes de vie.

Noé est le premier homme, depuis Adam, avec qui Dieu accepte de faire alliance de façon formelle. Non pas une alliance personnelle : le texte sacré nous dit que “Dieu bénit Noé et ses fils, Sem, Cham et Japhet” : cette alliance qui n’est pas personnelle mais commune. Noé, après le déluge, est le seul survivant juste d’une humanité dégénérée.

Avant le péché, qui est à l’origine du déluge, il y a l’alliance voulue par Dieu et qui est manifestée par ses dons – le plus grand don et le plus beau est celui que Dieu fait à Adam en lui donnant une femme, et puis des enfants, et puis toutes sortes de fruit : l’alliance manifestée par les dons de Dieu.

Avant le péché, oui, il y a la fidélité de Dieu qui est amoureuse et qui est indéfectible… avant le péché, il y a la fidélité de Dieu.

Noé est le maillon humain grâce auquel Dieu va d’abord se réconcilier avec l’ensemble de la création, avant de renouer et de faire alliance ensuite avec l’humanité elle-même, grâce à Abraham. Abraham, à qui Dieu dit “j’établis mon alliance entre moi et toi, et je multiplierai ta descendance à l’infini.” : alliance personnelle.

Cette alliance, entre Dieu et l’humanité dans son ensemble, est devenue une alliance personnelle en la mort et la résurrection de Jésus.

Une alliance entre Dieu, en Jésus, et chacun de nous.

Le déluge, nous rappelait la Lettre de St Pierre, a englouti l’humanité pécheresse ; le baptême est pour celui qui le reçoit comme un nouveau déluge. Le jour de notre baptême, nous avons été plongés dans les eaux, et nous en sommes ressortis “homme nouveaux”, configurés au Christ, marqués en notre personne de l’onction qu’est le Christ.

“Noé, poursuit l’Écriture, eut une nombreuse descendance de ses trois fils, Sem, Cham et Japhet”.

Et nous arrivons au projet de la “Tour de Babel”, ou plus exactement au projet de la construction d’une “ville, et d’une tour dont le sommet pénètre les cieux !”

Très belle entreprise pour un architecte, projet ambitieux, mais projet d’où Dieu est absent ; et c’est tout le drame de la tour de Babel.

« Faisons-nous un nom, disent-ils (faisons-nous : pour nous), et ne soyons pas dispersés sur toute la terre”. 

Projet, peut-être, magnifique ; mais où tout dépend de l’homme ; projet uniquement à la gloire de l’homme… d’où la catastrophe : “le Seigneur les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville”

Comme dit le psaume “Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain travaillent les maçons !”.

Le projet de Dieu sur l’humanité, dès sa création, a pour but l’unité du genre humain ; et Dieu n’a pas abandonné ce projet de l’unité du genre humain ; Dieu n’a jamais abandonné son projet, au fil de tous les aléas de l’humanité, hier comme aujourd’hui. Cette unité se réalisera et s’est réalisée pleinement en Jésus.

“Il fallait que Jésus meure pour la nation, et non seulement pour elle, mais pour réunir dans l’unité, les enfants de Dieu qui sont dispersés” nous dit l’évangéliste St Jean.

Cette fidélité de Dieu, cette fidélité du projet de Dieu, nous est donnée à nouveau par la mort et la résurrection de Jésus en ce Carême 2021.

Non ! Dieu n’abandonne pas son peuple ! Comme Il n’a pas abandonné son peuple au désert durant les quarante ans de la traversée qui a été, nous le savons, parfois tumultueuse.

Alors que nous sommes dans l’ère des interruptions volontaires – à tous les niveaux – le Temps du Carême vient nous rappeler que Dieu, Lui, est fidèle.

À la fidélité de Dieu répond la fidélité de l’homme. Cette fidélité ne s’enseigne pas par décret, il faut en faire l’expérience chez autrui et en nous-mêmes.

C’est cette fidélité au projet de Dieu, cette réponse fidèle à l’Amour de Dieu qui nous devance avant même le péché, qui nous conduira aux Portes du Royaume.

Nous l’avons entendu dans l’évangile : “les temps sont accomplis ; le règne de Dieu est tout proche ; convertissez vous ! Et croyez à la Bonne Nouvelle !” 

Amen !

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