Chers frères et sœurs,
C’est aujourd’hui le jour du Seigneur où Jésus triomphe de la mort par sa résurrection. Il scelle sa victoire sur la mort. Lui, le Maître de la vie, est pour toujours et jusqu’à la fin des temps, vainqueur des ténèbres et de la mort.
Il est bon, frères et sœurs, que chaque dimanche nous rappelle cela lorsque nous en faisons mémoire. C’est-à-dire que par notre présence en ce jour autour de l’autel du Seigneur, cet acte du passé qu’est la résurrection du Christ devient un événement présent.
La liturgie de ce troisième dimanche attire de façon toute particulière notre attention sur la Parole de Dieu.
Nous sommes, comme dit Saint-Jacques, les auditeurs de la Parole et l’apôtre nous exhorte à être plus que des auditeurs de la Parole, à être des réalisateurs de la Parole, des réalisateurs agissants.
Pour Jésus, cette attitude de l’homme croyant est capitale : Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique.
Ce troisième dimanche, frères et sœurs, comme nous le disions à l’introduction de cette messe, la liturgie de l’Église depuis quelques années le nomme le « dimanche de la Parole ». Il s’agit bien entendu de la Parole faite chair, de cette Parole dont nous parle Jean, l’apôtre Jean dans le prologue de son évangile : Le Verbe s’est fait chair et il a planté sa Tente parmi nous.
Ce mot « parole » est la traduction du mot grec « logos ». Ce que Jean appelle en grec : logos, traduit en latin par verbum, n’est pas caché en Dieu, inatteignable, car cette Parole se révèle en plénitude en Jésus. Ce mot de « verbe » signifie aussi « le sens ». On comprend alors l’expression de Jean : « le Verbe s’est fait chair », à savoir que le sens du monde est devenu tangible à nos sens et à notre intelligence. Nous pouvons à présent le toucher et le contempler. Le sens qui s’est fait chair n’est pas simplement une idée générale répandue dans le monde, il s’agit d’une Parole qui nous est adressée, personnellement ; une Parole qui est une Personne, qui s’adresse à chaque personne. C’est le Fils du Dieu vivant qui s’est fait homme à Bethléem.
C’est elle qui proclame : « Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».
Avec saint Jean-Baptiste, frères et sœurs, nous entendions durant l’Avent : « Repentez-vous, repentez-vous, et ainsi le Royaume de Dieu viendra à vous ». En Jésus, c’est différent : « Repentez-vous parce que le Royaume de Dieu est venu à vous ».
Ce qui est premier avant la conversion, c’est la présence du Royaume des cieux parmi nous. Ce qui est nouveau, c’est l’ordre entre le commandement et le Don.
Le Don est premier, le commandement « convertissez-vous » vient ensuite. La grâce est toujours première dans la foi chrétienne, et la loi suit.
Cette annonce de la venue du Seigneur n’est pas pour le futur, comme l’annonçaient les prophètes Isaïe et tant d’autres. C’était pour demain, c’était dans un horizon lointain. Non. En disant : « au milieu de vous se tient Celui que vous ne connaissez pas », Jean-Baptiste a inauguré la nouvelle prophétie chrétienne qui ne consiste pas à annoncer le Salut comme étant une réalité future, mais à révéler la Présence du Christ dans le monde et dans l’histoire aujourd’hui. Comme le dira si bien l’apôtre Paul avec cette phrase lapidaire : « Christ au milieu de vous, l’espérance de la gloire ».
Une autre caractéristique de l’appel du Christ, frères et sœurs, dans cet évangile, c’est qu’il appelle à sa suite des gens simples pour bâtir son Église. Comme le fait si bien remarquer Saint Augustin : « Donne-moi, dit le Christ, ce pêcheur, cet homme simple et sans instruction, donne-moi celui avec qui le sénateur ne daigne pas parler, même quand il lui achète un poisson. Un jour viendra, poursuit Augustin, où j’agirai aussi dans le sénateur, mais mon action sera plus évidente dans le pêcheur » Saint Augustin, Sermon 43, 5-6, CCL41, 510-51.
Ce Salut de Dieu, frères et sœurs, est totalement universel. La Parole de Dieu transcende toutes les frontières, enjambe toutes les barrières. « Tout le monde est appelé, dit le Concile Vatican II, à participer au Mystère pascal d’une manière que Dieu seul connaît ».
Cette universalité de la foi chrétienne n’est pas évidente. Elle a toujours eu ses opposants, y compris à l’intérieur de l’Église. Dès le 2e siècle, on voyait le païen Celse s’opposer à Origène sur ce point. La connaissance, et l’amour de Dieu, n’est pas destiné à une élite, mais à tout le monde sans exception. Et cela est capital, frères et sœurs, dans la foi chrétienne, où l’attention d’un certain élitisme est toujours plus ou moins présente.
De nos jours encore, l’affirmation de la Bonne Nouvelle de l’Évangile est taxée par certains d’idéologie, comme je le lisais il y a quelques jours dans un journal.
Non, la foi chrétienne, la transmission de la foi chrétienne, la transmission de la Bonne Nouvelle n’est pas une idéologie. Nous annonçons le Seigneur parce que nous sommes persuadés que Lui seul peut apporter la plénitude du bonheur à l’homme.
Simon et André, Jacques et Jean, n’ont pas laissé leur filet pour se mettre à la suite d’un inconnu. Ils ont reconnu que cet homme-là qui les appelait à sa suite, était celui que leur peuple attendait. C’est probablement progressivement, en vivant au jour le jour aux côtés du Rabbi Jésus, qu’ils ont compris : qui était vraiment Jésus, qui était celui qui un jour, sur les bords du Jourdain, leur avait adressé cette injonction « Venez à ma suite ».
Et nous, frères et sœurs, qui sommes ce matin rassemblés autour de cet autel royal et saint, nous nous souvenons que cet appel « Viens et suis-moi » nous a été aussi adressé… Sinon, nous ne serions pas là ce matin. La grâce baptismale agit en nous ! Je ne pense pas me tromper en disant qu’elle doit étendre ses branches en nous de plus en plus, car nous ne sommes jamais totalement évangélisés. En chacun de nous, il y a encore des ombres, voire des ténèbres, à dissiper. C’est cela le combat spirituel de la vie chrétienne.
La Parole de Dieu est efficace. Elle s’expérimente surtout lorsqu’on s’en sert pour soi, plutôt que lorsqu’on s’en sert pour les autres. Elle est une Parole recréatrice.
Elle fait toute chose nouvelle, comme dit l’Apocalypse. Elle a fait du simple pêcheur, Simon-Pierre, le prince des apôtres. La Parole de Dieu est intimement liée à l’eucharistie. Elle fait corps avec elle.
C’est ce que nous allons maintenant célébrer dans la seconde partie de la messe : la liturgie eucharistique.
La Parole de Dieu se fait chair dans l’événement eucharistique.
Amen.