Homélie du Dimanche 21 Juillet 2019
16ème dimanche du temps ordinaire – Année C
Par le Frère Jean-Baptiste Auberger O.F.M.
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé
Chers frères et sœurs, que la Paix du Seigneur soit avec vous !
Les textes qui sont proposés à notre méditation en ce XVIème dimanche du Temps Ordinaire, au cœur de ce temps estival des vacances, ont un trait commun, à mes yeux, sur lequel je vous propose de nous pencher.
Comment accueillons-nous l’autre ?
Nous savons que, pour St Benoit, c’est un devoir sacré, comme on peut le lire au chapitre 53 de la règle : « Accueillir l’autre comme si c’est le Christ en personne ! »
Nous voyons bien ici, vous qui êtes habitués à ce lieu comme dans d’autres monastères de contemplatifs, les efforts faits pour qu’il en soit ainsi. Et ces efforts sont inspirés par les exemples que nous pouvons lire dans l’Écriture Sainte. Par exemple dans le Livre de Genèse : nous le voyons aujourd’hui dans cette 1ère lecture, avec Abraham accueillant un inconnu au Chêne de Mambré – je pense que vous avez remarqué qu’on passait du singulier au pluriel – le ‘un’ deviens ‘trois’, trois voyageurs !
Certes, on pourrait dire avec humour qu’étant à l’heure la plus chaude du jour, Abraham a une hallucination ! En fait, l’auteur laisse entendre, comme l’ont compris les peintres d’icônes – Andrei Roublev qui est le plus connu – que ce voyageur inconnu, c’est la Trinité… Dieu relation.
En fait, regardez avec quel empressement Abraham le reçoit, ou les reçoit. Il court à sa rencontre ; se prosterne devant ce voyageur, l’invite à s’arrêter pour se reposer ; et fait le premier geste d’accueil que l’on doit faire vis-à-vis du voyageur : lui laver les pieds. Comme le fit, d’ailleurs, Marie-Madeleine à l’égard de Jésus chez Simon le Lépreux. Vous connaissez bien cet épisode.
Puis il court trouver sa femme pour lui demander de préparer des galettes avec la fleur de farine. C’est-à-dire la farine la plus fine et la plus savoureuse qui soit. Puis il court au troupeau choisir un veau gras et tendre, c’est-à-dire ce qu’il y a de meilleur ! Et il le fait préparer par son serviteur. Enfin il apporte au visiteur de quoi se désaltérer avec du lait, du fromage blanc.
Bref, Abraham donne ce qu’il a de meilleur et il le fait avec empressement, sans calculer, pour recevoir de la façon la plus courtoise qui soit.
Le faire à l’égard de ses amis ou de ses proches qui pourront nous le rendre, dit Jésus dans l’Évangile, cela nous semble normal. Mais le faire à l’égard d’inconnus qui ne pourront nous le rendre ! C’est moins évident ! Et si cet inconnu, c’était Dieu lui-même… semble nous dire le texte.
Il est aussi instructif pour nous de regarder Marthe et Marie dans l’Évangile : deux attitudes apparemment contradictoires. Marthe qui s’affaire à la cuisine, laissant son hôte au salon, pour préparer de bons petits plats en faisant les choses en grand… au point qu’elle s’en trouve écraser et laisse éclater sa jalousie contre sa sœur assise au pied de Jésus, pour boire ses Paroles et contempler son visage ! S’attirant d’ailleurs les reproches de sa sœur. Mais Jésus prend le parti de Marie « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes… mais une seule chose compte… et c’est Marie qui a choisi la meilleure part et elle ne lui sera pas enlevée ! »
Qu’est-ce-qui est le plus important semble nous dire Jésus ?
N’est-ce-pas d’être totalement à celui que l’on accueille ?
La personne est plus importante que ce que l’on peut faire pour elle !
Il s’agit d’être présent à sa Présence.
On a voulu souvent opposer ces deux femmes. Opposer en elles la vie contemplative, la vie active. Mais faut-il les opposer ?
Thomas Merton dans ‘la paix monastique’ rappelle ce mot de St Bernard :
« Marthe et Marie sont sœurs et doivent vivre en paix sous le même toit ! »
Cela veut dire qu’en chacun de nous, il faut qu’elles cohabitent ! On sait bien que les contemplatifs sont obligés aussi d’agir… car la vie est ainsi faite. On ne peut pas être là à se croiser les bras, ou à être tendus vers le ciel sans avoir les pieds sur terre !
Maitre Eckhart, un dominicain du XVème siècle, prédicateur de la mystique rhénane, renverse un peu les rôles, en disant que Marie est encore jeune et affectueuse : elle se laisse totalement absorber par son admiration affectueuse de Jésus ; tandis que Marthe, dans sa cuisine, porte Jésus dans son cœur et que tout ce qu’elle fait… elle le fait par affection pour lui. Elle n’a pas besoin d’être en sa Présence pour l’aimer. Elle a acquis une certaine maturité qui lui permet de penser à son Seigneur et de le servir sans avoir besoin de sa Présence sensible.
L’une et l’autre aiment, et vivent l’accueil de Jésus selon leur charisme propre… et c’est cela le plus important.
À chacun de nous de découvrir à l’aune de tous ces personnages bibliques – d’Abraham, avec son empressement, la volonté de donner le meilleur ; de Marthe et de Marie – qui il est ? Et comment il a à vivre l’accueil de l’autre, comme porteur de la Présence mystérieuse de Dieu, du Christ, afin de l’aimer comme il est. Et aussi d’aimer le Christ en lui.