Homélie du dimanche 21 mars 2021 – 5ème Dimanche de Carême – Année B
Par le Frère Jean-Baptiste
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
« Nous voudrions voir Jésus »… C’est avec ce grand désir au cœur, que les Grecs prosélytes se présentent à l’apôtre Philippe ; et celui-ci avec André, transmettent cette demande à Jésus.
Or, Jésus semble éluder cette démarche, elle parait plutôt le contrarier. Elle retentit pour lui comme un signal d’une ère nouvelle qui se lève et qui n’appartient pas à sa propre mission. Plusieurs fois dans les Évangiles, Jésus a pu déclarer qu’il avait été envoyé en mission par le Père pour les « brebis égarées du peuple Israël ». Ce peuple élu parmi tous les autres, éduqué par la loi de Moïse pour préparer à le recevoir en personne : instrument premier de son Alliance sainte envers tous les hommes.
Cette demande sincère des païens, de le rencontrer, Jésus ne veut pas y faire suite car elle anticiperait, outre mesure, son mystère de glorification universelle. Toute chose dans l’histoire du salut se déroule selon un plan, un ordre, que Jésus tient à respecter. Cela pourra s’effectuer après l’accomplissement de son Mystère pascal, après le refus déclaré des chefs religieux Juifs de le reconnaitre comme leur Messie. Et, cela se fera alors par l’Église dont la mission, précisément, sera d’annoncer le mystère du Christ Sauveur dans toute son ampleur, à toutes les nations, en vue de l’évangélisation planétaire que nous connaissons maintenant, quoique largement contrecarrée comme nous le constatons aujourd’hui.
À travers l’intervention des Grecs auprès des apôtres, Jésus comprend, comme il le dit si bien, que « son heure est venue ! ». Cette heure qui vient pour que le Père soit glorifié mais aussi pour que le Fils soit glorifié !
Et, pour nous expliquer en quoi cela se consiste, Jésus reprend, pour lui-même, la métaphore déjà utilisée dans les Évangiles, du « grain de blé qui tombe en terre » ; ce grain qui doit mourir pour porter du fruit en abondance, à la différence près, de cette image que son Corps n’aura pas le temps de se décomposer, parce que son âme unie à sa Personne divine transformera son Corps dans le tombeau, dans le rayonnement de la gloire divine.
Le supplice de la Croix assumé avec amour par le Christ, va se transfigurer en instrument de glorification du corps humain. La mort du Christ sur la Croix parait être le moment le plus bas de son dépouillement, de sa kénose (comme l’on dit). Pourtant, vécue (sa mort) de l’intérieur comme un acte libre d’oblation envers les hommes et de glorification envers le Père, elle devient le signe et le moyen par excellence de l’efficience du pardon de Dieu accordé aux hommes, pour les relier à Lui pour l’éternité.
C’est à cet instant que Jésus se trouble, il est pris d’effroi face à la mort horrible qui se présente. Jésus vit une sorte d’agonie, comme cela sera décrit dans les Évangiles synoptiques au Jardin des Oliviers. Cependant, ici, Jésus est entièrement tourné vers le Père puisqu’il reconnait que c’est pour cela qu’il est parvenu à cette heure-là. Il peut déclarer avec force : « Père, glorifie ton Nom ».
Comme le dit la Lettre aux Hébreux, le Christ pendant les jours de sa vie mortelle, a incarné en quelque sorte, la fidélité exigée d’Israël pour répondre à l’Alliance du Dieu saint, unique et véritable. Il lui revient donc d’aller jusqu’au bout de cette obéissance dans l’amour le plus pur. Or, cette pureté est authentifiée par le Père par cette attestation céleste tonitruante que seul St Jean nous rapporte dans son Évangile, au terme du ministère public de Jésus à Jérusalem.
Ainsi, bien qu’il soit Fils par ses souffrances, il a appris ce que cela coutait de passion pour obtenir le salut des pécheurs.
Bien qu’ébranlé au niveau de sa sensibilité, de ses sentiments, Jésus demeure ferme en sa volonté profonde d’adéquation à la volonté du Père. Ainsi, Dieu, par le Fils, épouse sur la Croix l’humanité jusque dans la désespérance. Et, aussi bas que soit tombé l’homme pécheur, Dieu lui-même peut aller le chercher, s’il (l’homme) reconnait toutefois son besoin de salut.
Au Christ seul revenait cette possibilité de réunir les contraires : de prendre la dernière place pour obtenir la première, de transformer les oppositions en réconciliation, de changer l’opprobre éprouvée concrètement en matière de glorification envers le Dieu trois fois Saint ; et par là, d’être au principe de renouvellement de toute chose pour le monde.
Ce monde futur qui advient déjà dans l’attirance de son élévation, toute la foi douloureuse et glorieuse.
Amen !