Homélie du dimanche 15 Décembre 2019
4ème Dimanche de l’Avent- Année A
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé
Chers frères et sœurs, à quelques jours de la fête de la Nativité de Jésus, l’Église nous donne dans la liturgie de la Parole de Dieu, à contempler ce mystère prodigieux révélé dans l’évènement humain semblable à celui que depuis les origines du monde advient dans notre humanité : une femme met au monde un enfant.
À ce niveau-là Marie est semblable à toutes les femmes de tous les temps qui vivent cette double dimension de la maternité, à savoir, la conception et l’enfantement. Nous devons nous rappeler que la maternité de Marie se réalise sur les deux plans : le plan physique et le plan spirituel. Marie est Mère de Dieu non seulement parce qu’elle l’a porté physiquement dans son sein, mais aussi parce qu’elle l’a d’abord conçu dans son cœur par la foi. Comme le dit si bien St Augustin dans une parole célèbre : « Marie a d’abord conçu dans son cœur avant de concevoir dans son corps ».
Bien entendu quant à nous, il ne nous est pas possible d’imiter Marie dans le premier sens (porter Jésus physiquement dans son sein) mais nous pouvons imiter Marie dans le deuxième sens en le concevant par la foi. C’est encore St Ambroise qui écrit : « Tout âme qui croit, conçoit et engendre le Verbe de Dieu… si selon la chair une seule est la mère du Christ, selon la foi toutes les âmes engendrent le Christ quand elles accueillent la Parole de Dieu ». On entend ici en amont cette Parole de Jésus : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique ».
Essayons de voir, frères et sœurs, si vous voulez bien, comment à notre tour, nous pouvons, comme dit St Ambroise, devenir dans le concret « mère de Jésus ».
Comment Jésus nous enseigne-t-il à devenir sa mère ?
Il nous l’enseigne à travers un double mouvement, une double opération : en écoutant la Parole de Dieu et en la mettant en pratique. Pour comprendre cela, rappelons-nous, comme nous l’évoquions il y a un instant, comment Marie est devenue mère : en concevant Jésus dans son cœur, par la foi en la Parole de Dieu exprimée par l’ange au jour de l’Annonciation, et en l’enfantant !
Ces deux mouvements « concevoir » et « enfanter » sont indispensables pour qu’il y ait maternité, ceci pour toute femme, non seulement pour la Vierge Marie. Sinon la maternité est incomplète, est tronquée. Il existe peut-on dire deux maternités incomplètes ou deux sortes d’interruption de maternité.
L’une est celle, ancienne et bien connue, de l’avortement ; elle se conçoit, elle se produit lorsqu’on conçoit une vie mais sans enfanter ; lorsqu’il y a rupture entre conception et enfantement. Et cela parce qu’entre-temps, pour des causes naturelles ou à cause du péché des hommes, le fœtus est mort… Jusqu’à une époque récente, c’était l’unique cas connu de maternité incomplète.
Aujourd’hui, on en connait une autre à l’inverse, qui consiste à enfanter un enfant sans l’avoir conçu. C’est le cas d’enfants conçus en éprouvette, ou bien le cas, bien triste, d’un utérus donné en prêt pour héberger, avec paiement s’il le faut, une vie humaine conçue ailleurs. Dans ce cas, ce que la femme enfante ne vient pas d’elle et n’est pas conçu d’abord dans son cœur, avant que d’être enfanté dans son corps.
Ces deux maternités tronquées, blessées, peuvent se retrouver sur le plan spirituel, et là nous sommes tous concernés.
Conçoit Jésus sans l’enfanter celui qui accueille la Parole de Dieu mais sans la mettre en pratique (pensons à la maison construite sur le sable dont nous parle l’Évangile !) ; c’est celui qui forme des projets de conversion constamment oubliés ou remis au lendemain ; celui qui se comporte envers la Parole comme un observateur pressé : « Il regarde… comme dit St Jacques… son visage dans un miroir et puis s’en va en oubliant aussitôt de quoi il l’avait l’air ». En somme il est celui qui a la foi mais qui n’a pas les œuvres.
Par contre enfante le Christ sans l’avoir conçu, celui qui réalise beaucoup d’œuvres, même des œuvres bonnes, mais qui ne viennent pas du cœur, de l’amour pour Dieu et de l’intention droite mais plutôt de l’habitude de sa propre gloire ou bien de la recherche de la satisfaction que procure l’action. En somme celui-ci a les œuvres mais sans la foi !
Voyons à présent le cas positif d’une maternité qui nous fait ressembler à Marie. St François d’Assise le formule bien en ces termes : « Nous sommes les mères du Christ quand nous le portons dans notre cœur et notre corps par l’amour, par la loyauté et la pureté de notre conscience, et que nous l’enfantons par nos bonnes actions qui doivent être pour autrui une lumière et un exemple ».
Oui, concevoir dans la foi et enfanter dans l’amour.
Marie accompagne l’humanité et chacun de nous sur ce chemin de participation à sa maternité. Elle ne condamne personne. Elle se penche sur les blessures de notre humanité et suscite dans le cœur des croyants les paroles et les gestes qui guérissent, et qui souvent, même si ceux qui les pratiquent ne sont pas toujours compris.
Marie enfin nous apprend à être aussi des disciples de son Fils ; elle dont le poète italien Dante écrivait qu’elle était : « Vierge et mère » et « mère et fille », « Vierge Mère, fille de ton Fils »
Marie est la seule personne qui, avec Dieu le Père, peut dire en vérité cette Parole du Psaume 2 en s’adressant à son Fils : « Tu es mon Fils, moi aujourd’hui, je t’ai engendré ».
« Il est en effet… écrit St Bonaventure… il est plus grand pour Marie d’avoir été disciple du Christ que d’avoir été mère, fille de Dieu, la première et la plus docile disciple du Christ ».
Voilà le chemin sur lequel, frères et sœurs, nous sommes en marche à la suite de Marie.
La Sainte Famille nous accompagne sur ce chemin.
Amen !