Homélie du Dimanche 22 Septembre 2019

25ème dimanche du temps ordinaire – Année C

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé

 

« Il y a dans l’Écriture quelques pages qui nous restent closes. En sorte que nous reconnaissions, ne les comprenant pas, la faiblesse de notre vue, et progressions en humilité plus qu’en intelligence. »

Chers frères et sœurs, ces paroles sont de St Augustin. Et elles peuvent s’appliquer à cette page d’Évangile que nous venons d’entendre, et qui requiert de notre part humilité et persévérance pour en recueillir le sens. L’un de nos Pères dans la foi au IIème siècle, Origène, estimait, quant à lui, que « la compréhension des Écritures demande, plus encore que l’étude, l’intimité avec le Christ et la prière ». Aussi, est-ce dans cet esprit que nous voulons recevoir la Parole de Dieu, à première vue déroutante, que nous venons d’entendre.

On nous parle d’un gérant qui, pour se tirer d’affaire d’une situation pour le moins périlleuse pour son avenir, s’en sort relever les débiteurs de son Maître d’une partie de l’argent qui lui doivent (avec une pratique à la moralité pour le moins discutable), et Jésus de conclure : « Faites-vous des amis avec l’argent trompeur afin que le jour où il ne sera plus, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles ».

Remarquons tout d’abord qu’il s’agit ici d’une parabole, ou bien d’un conte, qui est une façon pour Jésus de souligner l’habileté, l’art et l’artifice pour eux-mêmes… non d’un enseignement moral. Un peu comme si on admirerait les subterfuges d’un « Arsène Lupin » sans en faire pour autant un manuel de bonne moralité.

En réalité, Jésus attire l’attention sur ce qui prépare la transposition de cette histoire dans l’ordre spirituel, à savoir : « Eh bien moi je vous dis : faites-vous des amis avec l’argent trompeur ». Jésus nous entraine à passer de la sagesse humaine, et des subterfuges les plus terre à terre, à une leçon divine. Et cette leçon, là voici : si vous n’êtes pas capables de bien distribuer, de bien vous occuper des richesses de ce monde – richesses qui passent, qui sont temporaires – comment, poursuit Jésus, pourrait-on vous confier les vraies et éternelles richesses de l’enseignement divin ? Si vous n’avez pas été dignes de confiance pour ce qui vous est étranger, à savoir les biens de ce monde, qui vous donnera ce qui est à vous, à savoir les biens du Royaume des cieux ?

Oui, frères et sœurs, Jésus nous appelle, non pas à renoncer à la richesse des biens de ce monde, mais bien plutôt à en user avec un cœur libre, avec ce que la Bible aime appeler, un cœur sans partage, un cœur unifié. Il s’agit, donc avant tout, ici de liberté intérieure. St Ambroise dit que « la richesse enchaine, et que la pauvreté libère. »

Et quand nous parlons de richesse et de pauvreté, il ne s’agit pas seulement de l’argent comme moyen d’échange ; il s’agit des trois grandes tentations que Jésus a vaincu au désert ; tentations, fausses richesses qui nous enchainent. À savoir, la tentation du plaisir effréné sous toutes ses formes qui réduit la vie à un niveau matériel, au seul bien-être. Tentation de désir de posséder toujours davantage et tentation du pouvoir ; le pouvoir par lequel on s’impose par rapport à Dieu, par rapport aux autres, et par rapport aux choses matérielles, en en faisant des idoles. On dirait aujourd’hui, la culture du « bling-bling » !

Un bon chemin de ces différents types d’esclavage nous est donné par St Benoit dans sa Règle des moines : pour Benoit, le problème n’est pas dans les choses – qui sont bonnes en soi – mais dans le cœur de l’homme qui est mû par le désir d’accaparer. Le problème, c’est avant tout ce qui se passe dans le cœur de l’homme ! Pour St Benoit « la pauvreté est toujours liée à la relation que nous avons avec la puissance du désir de notre cœur » ; par exemple, lorsqu’au début de sa Règle, il parle des véritables moines et de ceux qui font semblant de l’être, il met en exergue, un élément essentiel : la relation que ces moines, faux ou vrais, ont avec les désirs de leur propre cœur.

« Ceux qui suivent ces désirs et qui n’en font qu’à leur têtes – ce qu’il appelle les ‘Sarabaïtes’, les ‘Girovagues’ – sont les esclaves de leur désirs ». Pour Benoit, comme pour toute la tradition monastique ancienne, la pauvreté n’est pas une valeur en soi mais elle est, avant tout, au service de la véritable liberté intérieure.

Liberté à l’égard des désirs qui nous traversent et qui parfois, ou souvent, nous entravent. St Paul dont nous avons entendu quelques versets dans la première Lettre à Timothée… St Paul fut un homme libre. Avant sa rencontre avec Jésus, Saül (c’était son nom), était un homme enchainé par ses passions, enchainé par une conception trop littérale de la loi de Moïse qui faisait de lui, comme il l’écrira lui-même, un prisonnier de la Loi. Devenu Paul, ayant accueilli le regard de Jésus sur lui, il a compris qu’avec Jésus ses chaines tombaient, et comme il l’écrira, « qu’en sa pauvreté, il trouvait la richesse », l’unique richesse, la vraie richesse.

C’est cette pauvreté, frères et sœurs, qu’en ce matin de dimanche, dans cette eucharistie dominicale, nous demandons les uns pour les autres : que nous soyons libérés des fausses richesses qui nous enferment sur nous-mêmes, pour recevoir à notre tour la pauvreté du Christ qui est notre vraie richesse car « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux. »

Amen !

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