Homélie du dimanche 23 Septembre 2018
25ème dimanche du temps ordinaire – Année B
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur
Le style oral a été conservé
Chers frères et sœurs,
Observer dans les évangiles la façon dont Jésus forme ses apôtres au fil des chemins parcourus avec eux, en Judée, en Galilée, en Samarie, est aujourd’hui encore utile pour nous.
En effet par le baptême nous sommes devenus chrétiens ; « On ne nait pas chrétien » disait Tertullien au IIème siècle « on le devient ! ».
Et on le devient en faisant route tout au long de notre vie avec la Personne de Jésus en Église, avec des frères et sœurs dans le baptême.
De même que les apôtres, qui après avoir tout quitté pour suivre Jésus, ont dû parfois jour après jour, laborieusement, apprendre tout ce qu’impliquait concrètement « marcher à la suite de Jésus », de même, nous qui par le baptême avons été comme dit St Paul « mis à part » pour une vie nouvelle… nous ne cessons de découvrir ce que cela veut dire « marcher à la suite de Jésus », la Sequela Christi, la suite du Christ.
Le Pape François, dont le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’a pas sa langue dans sa poche, dit que dans l’histoire de l’Église il y a deux catégories de chrétiens, les chrétiens de paroles qui disent « Seigneur, Seigneur » et ne font rien et les chrétiens authentiques, qu’il appelle les chrétiens d’action, de vérité. Il serait dangereux de prendre cette phrase du Pape François au pied de la lettre, d’en faire un absolu, en déduisant hâtivement qu’il y a les bons chrétiens et les mauvais chrétiens. Une sorte de catharisme après l’heure !
Non, nous savons par expérience, frères et sœurs, qu’en chacun de nous comme dans les apôtres, il y a lumière et obscurité ; il y a élan vers Dieu avec générosité mais nous connaissons aussi des reculs, des hésitations, des contradictions. Les apôtres ne sont pas devenus du jour au lendemain de ces hommes qui, comme on le voit dans les actes des apôtres, parlaient du Christ avec assurance et étaient prêts à donner leur vie jusqu’à verser le sang pour lui.
L’histoire de l’Église, frères et sœurs, est remplie de saintes et de saints qui ont eux aussi… n’ont pas tout de suite compris, d’emblée, du jour au lendemain, ce que cela voulait dire que « marcher à la suite du Christ ». Et eux aussi comme les apôtres, comme chacun de nous, ont eu dans leur vie des avancées et des reculs.
Si on ne nait pas chrétien mais qu’on le devient, on ne nait pas saint mais on le devient !
Qu’est-ce qu’un saint se demandait le Pape Benoit XVI ?
Ce n’est pas celui qui a accompli de grandes entreprises en se fondant sur l’exaltation de ses qualités humaines mais celui qui permet avec humilité au Christ de pénétrer dans son âme, d’agir à travers sa personne, d’être Lui, le Seigneur, le véritable acteur de toutes ses actions et de tous ses désirs, celui qui inspire toute initiative et qui soutient tout silence.
« Si quelqu’un veut être le premier » nous rappelle Jésus aujourd’hui « qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ».
Cette parole de Jésus à ses apôtres éclaire depuis toujours la manière dont l’Église comprend l’exercice de l’autorité.
St Augustin avait bien compris cela quand il disait à ses fidèles d’Hippone :
« Pour vous je suis évêque, avec vous je suis chrétien » et il poursuivait « Demandez à Dieu que nous soyons moins touchés de l’honneur de vous commander que du bonheur de vous être utile ».
C’est aussi ce que st Benoit dans sa règle des moines recommande à celui qui est choisi dans la communauté pour devenir l’Abbé, et il lui dit : « Qu’il ait avant tout le souci d’aider bien plus que de régir » : prodesse magis quam praeesse
C’est aussi ce que st Bernard écrivait au Pape Eugène III : « Sois le chef pour servir, non pour commander ! »
Et cet exercice de l’autorité, frères et sœurs, nous le partageons tous chacun à notre niveau. Non seulement les évêques à l’égard des prêtres, non seulement les prêtres à l’égard des fidèles, mais aussi les parents à l’égard de leurs enfants ou le chef d’entreprise à l’égard de son personnel.
Et Jésus de donner un exemple à ses apôtres en prenant un enfant. Il fera ce geste de désigner un enfant en exemple à plusieurs reprises dans sa vie publique – c’est dire l’importance qu’il accordait à cela – par exemple dans st Luc :
« Le plus grand parmi vous » dit-il encore à ses apôtres « doit prendre la place du plus jeune et celui qui commande, la place de celui qui sert ».
« Plaçant un enfant au milieu de ses apôtres »… c’est comme si Jésus leur disait : « Vous n’accueillez pas vraiment l’enfant parce qu’il est incapable de s’imposer ; il est trop insignifiant pour vous ; alors écoutez ! Là où se trouve ce qui est incapable de se faire valoir, je me trouve moi-même. »
« Celui qui se fera petit comme cet enfant, c’est celui-là le plus grand dans le Royaume des cieux ».
Le jésuite Jean Daniélou qui devint Cardinal avait bien compris cela lorsqu’il écrivait au cours de son troisième an dans ses carnets spirituels :
« Père, je désire simplement redevenir votre enfant, là est mon bonheur ; Père donnez-moi votre cœur d’enfant »
Oui, frères et sœurs, si nous vivons vraiment selon l’Esprit de l’Évangile – et nous le désirons tous – il est possible que nous passions pour des irréalistes par rapport au monde… voire des niais ! Et que nous soyons comme le juste dont nous a parlé le livre de la Sagesse dans la première lecture « objet de dérision et d’opprobre », c’est alors que nous serons un peu plus conformés au Seigneur Jésus que nous voulons suivre.
La vie de st Pio de Pietrelcina, Padre Pio dont c’est aujourd’hui la fête, 50ème anniversaire de sa Pâques, est une bonne illustration de cela : Padre Pio comme son maitre Jésus a subi des outrages, des persécutions et ce qui fut le plus douloureux pour lui : persécution à partir même de son Église et de sa communauté ! Le Père de Lubac écrivait que « Tant qu’on n’a pas souffert de l’Église elle-même, on ne sait pas vraiment ce que c’est qu’aimer l’Église ! »
Oui, frères et sœurs, nous sommes tous appelés comme les apôtres, comme tous les saints de tous les temps, tous les chrétiens d’hier et d’aujourd’hui à porter notre croix.
« Porter notre croix de trois manières » comme disait st Bernard :
« Patiemment, volontiers et ardemment !».
Pour être en vérité disciples du Christ, il faut avoir pâti ce que veut dire ce nom de chrétien. Les vrais mystiques sont ceux qui ont eu de Dieu, non seulement une science théorique mais une expérience pratique ; ils n’ont pas seulement appris « qui est Dieu ? » mais ils ont pâti Dieu en suivant le Christ.
« De toutes les choses divines » écrivait st Jean de la Croix « la plus divine est de coopérer avec Dieu pour le Salut des âmes »… de pâtir avec le Christ.
C’est ce que les apôtres ont appris en vivant en compagnie de Jésus durant ses trois ans de vie publique ; et c’est ce que l’Esprit Saint a continué à leur enseigner après la Pentecôte.
C’est ce chemin, frères et sœurs, de l’Église aujourd’hui comme hier ; c’est notre chemin.
Puissions-nous y marcher et même y courir – comme nous y invite st Benoit dans sa règle – avec l’ardeur que nous montre un saint Pio de Pietrelcina qui a parcouru ce chemin ouvert par la passion, la mort et la résurrection du Seigneur à qui soient tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles.
Amen !