« Seigneur à qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle ? »

Chers frères et sœurs,

il aura fallu le « scandale » de l’Eucharistie – à savoir de sa chair donnée en nourriture et de son sang donné en breuvage – pour que les disciples de Jésus, y compris les plus proches, les douze apôtres, soient acculés à se positionner.

Ou bien cette parole est vraie et source de Vie et j’y adhère, ou bien elle me paraît folie et je m’éloigne. Paul le dira bien dans sa Lettre aux Corinthiens : « Ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » ; et Jésus avait dit un jour : « Qui n’est pas pour moi est contre moi ».

Cette attitude de totale confiance en Jésus, frères et sœurs, en sa Parole est toujours une grâce pour celui qui, un jour ou l’autre, s’y trouve confronté ; comme pour les apôtres, c’est en quelque sorte un « pont aux ânes » à franchir. Les apôtres ont dû franchir cette étape capitale sauf comme dit l’évangile celui qui est allé à sa perte : Judas. Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le livrerait.

Cet événement que nous venons d’entendre, frères et sœurs, nous rappelle le caractère éminemment libre de l’acte de foi. Jésus dit aux douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Pour suivre le Christ, pour devenir ses disciples, il faut être libre car la liberté est l’expression même de notre être spirituel. De même, frères et sœurs, que la liberté de Jésus n’est pas détruite mais accomplie par son adhésion à la volonté du Père ; de même pour le croyant (celui qui met sa foi en Jésus), il découvrira que cet attachement par la foi est source de liberté profonde. Dans le domaine de la foi : s’attacher, se lier, c’est se libérer ! Cette liberté de l’homme ancrée au plus profond de son être est la marque de sa structure spirituelle créée à l’image et à la ressemblance de Dieu. En effet, l’homme est image de Dieu non seulement par son intelligence, par son immortalité, mais aussi par sa liberté.

Il se trouve de façon fortuite mais providentielle que la deuxième Lecture de ce jour nous parle du mariage. C’est le célèbre passage du chapitre 5 de la Lettre aux Éphésiens avec des paroles fortes : « Vous, les hommes, aimez votre femme à l’exemple du Christ ; Il a aimé l’Église, Il s’est livré pour elle ». Comme si le Seigneur voulait nous faire comprendre, dans les lectures de ce jour, qu’il y a quelque chose à voir entre le sacrement de l’Eucharistie et le sacrement chrétien du mariage. Dans l’Eucharistie, Jésus se donne totalement à ses disciples d’hier comme d’aujourd’hui. « Jésus ayant aimé les siens, les aima jusqu’à l’extrême » : aimer jusqu’à l’extrême de l’amour, correspond pour Jésus, aimer jusqu’à l’extrême de la mort sur la Croix. Celle-ci, la Croix, est l’expression suprême de son amour pour nous. Saint Paul nous signifie que dans le mariage, il y a quelque chose de semblable. On peut dire que l’amour de l’homme et de la femme dans le mariage est en quelque sorte un geste eucharistique.

L’homme est appelé à aimer sa femme comme le Christ a aimé l’Église, en donnant sa vie pour elle. On voit, frères et sœurs, que l’analogie va très loin.

Et saint Paul de déclarer : Ce mystère (à savoir ce mystère du don de l’homme et de la femme dans le mariage) est grand ; je le dis en référence au Christ et à l’Église.

On voit par-là, frères et sœurs, que Jésus place la barre très haute. C’est pourquoi un jour où Jésus parlait à ses disciples du mariage, les disciples lui disent : « S’il en est ainsi, mieux vaut ne pas se marier ! ». Et Jésus leur répond : « Tous ne comprennent pas cette parole, mais seulement ceux à qui cela est donné ».

Le concile Vatican II nous dit que l’homme est un être personnel semblable à Dieu, qui ne peut se réaliser qu’à travers le don désintéressé de lui-même. Étant le sacrement de Dieu présent dans le monde, l’homme transforme le monde en sacrement pour Dieu.

Sacrement de l’eucharistie, sacrement de mariage, en l’un comme en l’autre, il y a le sacrement de Dieu qui se donne : dans l’eucharistie, par la médiation de son Corps eucharistique, sous les espèces du pain et du vin ; et dans le mariage, par la médiation du Don des corps et des cœurs. En créant l’homme comme masculin et féminin, Dieu transmet à l’humanité le mystère de cette communion qui est le contenu de sa vie intérieure, de sa vie divine.

Enfin, frères et sœurs, l’eucharistie comme le mariage sont des sacrements porteurs de beauté. Croyez-moi, disait Saint-François de Sales, à force d’adorer et de recevoir ce sacrement de l’Eucharistie : la beauté et la pureté, vous deviendrez beaux, bons et purs !

Ce concept de beauté apparaît tout au long de l’histoire du salut. La résurrection du Christ que nous célébrons chaque dimanche est par excellence la révélation de la Beauté absolue. Elle donne renaissance à la beauté que l’homme a perdue par le péché. Grâce à la rédemption, tout devient nouveau. À l’homme est redonné sa masculinité, sa féminité, sa capacité de la réciprocité homme-femme dans la communion.

Sacrement de l’eucharistie, sacrement de mariage, dans l’un comme dans l’autre, c’est le Don qui est au centre.

L’eucharistie (pour utiliser une image audacieuse) est la consommation du mariage entre le Christ et l’Église… comme nous dit Saint-Paul.

Demandons, frères et sœurs, au Seigneur de mieux pénétrer dans l’intelligence du Mystère de cette union du Christ avec l’homme, afin de mieux en vivre et d’en témoigner par toute notre vie.

Amen

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