Frères et sœurs bien aimés,
La deuxième lecture tirée de la Lettre aux Romains nous décrit des caractéristiques de l’être de Dieu. Dieu nous dépasse toujours et nous dépassera toujours ; nous ne pouvons pas mettre la main sur Dieu, ou comprendre Dieu ; c’est lui qui nous comprend – c’est-à-dire qui nous prend avec Lui pour nous faire découvrir son être, l’infini de son être.
Nous parlons souvent d’infini mathématique ; il n’y a pas d’infini mathématique ; il y a un indéterminé ; on peut toujours quantifier ; tandis que pour Dieu qui touche l’être, il y a l’Infini. Et cet infini est une plénitude d’être ; c’est pour ça que quand on parle de la toute-puissance de Dieu, c’est la plénitude de l’être que de la puissance. Ce n’est pas une puissance en développement, il n’y a pas de devenir en Dieu, c’est un devenir dans notre vie. Le Seigneur nous fait participer à cette plénitude d’être, d’abord dans la foi puis dans la plénitude de la vision.
Cet être infini, mais aussi infini dans son amour, infini dans sa tendresse, infini dans ses desseins inimaginables, insoupçonnables… c’est la réponse que Jésus donne à Pierre et aux apôtres quand ils lui posent la question : « Alors, qui peut être sauvé ? »
et Jésus dit : « Pour les hommes, c’est impossible ! Mais à Dieu tout est possible »
C’est là où nos possibilités humaines butent réellement que la puissance de Dieu peut nous ressaisir, toujours, et ressaisir toute l’humanité. Quelle espérance, quel réconfort pour nous ! Dieu peut tout, il peut tirer le bien du mal, il ne faut jamais se servir du mal pour obtenir le bien, mais nous sommes confiants que même quand l’être humain s’enfonce dans les ténèbres, Dieu peut l’en tirer et le ramener à la lumière et à la vie.
Cet amour infini de Dieu, dans son être même, dans son acte créateur, dans son acte rédempteur, il le manifeste par l’envoi de son Fils. Face au mal, moral mais aussi face à la souffrance des innocents, des enfants, des malades, beaucoup de choses où nous ne savons pas répondre, Dieu ne nous donne pas une réponse universitaire, académique, il vient Lui-même comme un père qui vient chercher son fils égaré, son fils souffrant. Le Seigneur ne nous dit qu’une parole, celle de son Fils Jésus de Nazareth ; le Seigneur vient à nous pour nous tirer de notre difficulté, de notre perte, de notre souffrance, afin de l’élever, de la transfigurer et de l’introduire dans la gloire de sa propre vie… Le Seigneur vient à nous.
Et c’est la question que Jésus pose à ses apôtres : « Pour vous qui suis-je ? » ; Jésus a une pédagogie ; il dit d’abord : « Que disent les gens de moi ? » (du Fils de l’homme, il parle de lui-même)… « C’est Jean Baptiste qui est ressuscité, Elie »…
Mais Jésus s’adresse à ses apôtres en leur demandant de s’engager : « Pour vous, qui suis-je ? » ; de cette réponse dépend toute la vie, dépend la qualité de la vie, cette densité de notre vie.
Est-ce que nous voulons une vie pleine, réussie, l’orientation de notre vie dans la lumière, la beauté, la bonté ? Ou est-ce que nous choisissons plutôt les ténèbres, l’obscurité, trainer les pieds ?
Nous sommes invités à nous ouvrir à cette question que nous pose Jésus aujourd’hui : « Pour toi, qui suis-je ? » ; et de répondre avec l’apôtre Pierre : « Seigneur, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». C’est la foi de l’Église, là nous sommes au cœur de la foi de l’Église.
Pierre, cet homme simple, pauvre, aux mains calleuses, à l’accent galiléen, qui avançait, qui tombait, qui doutait, qui trébuchait… Pierre est choisi par Jésus pour être le roc de l’Église. Et c’est peut-être parce qu’il était faible que Dieu l’a choisi ; pour montrer que la force ne venait pas de Pierre (qui serait un surhomme) mais qui est simplement un homme pécheur, dans tous les sens du mot ! En s’appuyant sur lui, va construire son Église – qui est constituée d’êtres pécheurs, les membres de l’Église ne sont pas des personnes « très bien »…non ! Les membres de l’Église sont des pécheurs pardonnés ! Tout être humain est pécheur ; et c’est la miséricorde de Dieu qui nous transforme.
Nous sommes appelés à prendre conscience pour soi-même et pour les autres que les gens « bien » n’existent pas ! Ou plutôt les gens « bien » existent mais ce sont les pécheurs pardonnés ! Sinon c’est une auto proclamation de soi-même qui est absolument fallacieuse. Nous sommes appelés à nous ouvrir à cette miséricorde de Dieu.
Et si Jésus choisit Pierre comme fondement de son Église, c’est parce que Lui-même est le roc qui est sous Pierre pour le soutenir et le maintenir dans cette solidité ; Pierre n’est pas solide par lui-même, il est solide parce qu’il est fondé sur le Christ, il est uni au Christ. Nous sommes appelés nous aussi à fonder notre foi sur la foi de Pierre et à être unis au Seigneur.
Mais si Jésus fonde son Église, c’est parce qu’il veut avoir besoin de nous ; il veut avoir besoin des êtres humains pour contribuer tous ensemble au Salut de l’humanité ! Dieu peut tout par lui-même mais il veut avoir besoin de nous ; et il sollicite notre liberté, elle est faite pour s’engager… on ne reste pas libre pour rester libre ! On reste libre pour engager sa vie et construire quelque chose ; intérieurement, extérieurement, il y a une nécessité de s’engager. Une liberté qui resterait soi-disant libre, serait une liberté stérile, une liberté gaspillée ; il y a nécessité de s’engager, de mouiller sa vie, de griller sa vie par amour, pour s’engager, pour construire quelque chose ; que ce soit dans le mariage, la vie religieuse, une profession, etc… il y a besoin de s’engager, on ne peut pas rester statique comme celui qui a reçu le denier et qui est allé l’enfouir pour le rendre des années après à son propriétaire.
Le Seigneur veut avoir besoin de nous ; ça veut dire que nous, nous avons besoin les uns des autres ! Dieu agit directement dans notre vie, dans notre âme, dans la vie du monde – même si parfois les évènements semblent contraires, et pourtant Dieu est toujours là – et le Seigneur nous donne de recevoir sa grâce, de recevoir ses dons par les autres ! On ne se donne pas la vie à soi-même, on la reçoit… on ne s’éduque pas soi-même, on est éduqué par d’autres… et bien, on ne reçoit pas la grâce simplement par soi-même, on s’auto-baptise pas ! On ne s’absout pas ! On le reçoit toujours d’un autre ! On ne devient pas prêtre parce qu’on a décidé de devenir prêtre ! On reçoit l’ordination de la part d’un évêque. Nous recevons tout des autres. La puissance de sa grâce bien sur nous touche au fond de notre être, puisque Dieu est Dieu et qu’il nous connait plus profondément que nous-même, il peut agir comme il veut et quand il veut, mais il nous demande de recevoir sa vie, son enseignement, et la puissance de sa grâce par les autres.
Nous avons un exemple magnifique avec st Paul : st Paul qui se dirige à Damas et qui est foudroyé par la grâce – il avait besoin d’être un peu stoppé, Paul était un homme bouillonnant, il fallait un peu réduire la pression ! – et que dit Jésus au futur apôtre st Paul ? « Va à Damas, on te dira ce que tu dois faire »… Jésus passe par Ananie… et dans notre vie c’est la même chose, le Seigneur nous donne sa grâce, mais nous dit : fais cela ou va à tel endroit, on te dira ce que tu dois faire ; il y a une forme d’humilité, et de bon sens, de recevoir la vie, de recevoir le don de Dieu par les autres, par nos frères et sœurs qui nous entourent tout au long de notre vie.
Et c’est ainsi que nous pouvons avancer en Église. L’Église donc est constituée d’êtres humains, profondément pécheurs mais pardonnés ; graciés, pour vivre ensemble de cette vie nouvelle, de la vie de Jésus, de la vie de son Père dans l’Esprit Saint ! Voilà la caractéristique du chrétien et de la vie dans l’Église ! Et, en vivant cette vie, et sans cesse, en nous convertissant. Nous, nous sommes en devenir ; nous essayons de nous améliorer ; nous avançons, nous reculons mais enfin, nous essayons quand même d’avancer… et que c’est long de se convertir !
Nous sommes appelés à toujours progresser et à avancer avec humilité, avec simplicité, pour aller vers le Seigneur, et que notre vie soit de plus en plus imprégnée par la grâce divine ; que nous soyons vraiment des êtres évangélisés. Cela nous le recevons par les autres !
Mais nous sommes aussi appelés à donner aux autres. Cette rencontre avec Jésus, cette vie d’amour avec lui, ce feu qui nous habite (qui devrait nous habiter)… nous sommes appelés à le rayonner. Quand un homme est amoureux d’une femme (des fiancés), il est tout joyeux, il parle de sa fiancée à tout le monde. Par analogie évidemment, nous sommes appelés à parler de Dieu, à parler de Jésus… que de temps perdu pour parler d’âneries qui ne servent à rien, et quand on ne parle pas mal du prochain !
Nous sommes appelés à vivre de ce feu qui nous habite, et à le communiquer aux autres ; de vivre de cette rencontre d’amour du Seigneur qui a l’initiative de venir à nous. Et nous, de lui répondre par amour, mais aussi d’entrainer nos frères, membres de l’Église, à un surcroit d’amour et de sainteté, à combler le mal par le bien :
on répond au mal par un surcroit de bien, et on ne répond jamais au mal par le mal… et cela suppose le sacrifice.
Et nous sommes appelés à répondre à cet amour, et à développer, à témoigner de cet amour auprès de nos frères et sœurs en humanité : être des hommes et des femmes remplis de ce feu d’amour… de ne pas être des marbres glacés qui sont là juxtaposés les uns avec les autres, et qui n’avancent pas ; sinon qu’est-ce que nous apportons aux autres ? Des principes moraux ? Mais ils en ont !
Nous sommes appelés à vivre de cet Amour.
Alors que cette célébration eucharistique nous invite à contempler aujourd’hui la grandeur de Dieu, la bonté de Dieu, sa tendresse ; et puis nous ouvre à cet amour de l’Église. Bien sûr qu’il y a des hommes d’Église tordus et pourris, mais ça a toujours existé, et ça existera toujours parce que c’est l’être humain qui part à la dérive, et nous sommes là pour prier, pour les ramener dans le droit chemin, les convertir et les aider à reprendre le chemin ; mais ce qu’il faut voir ce n’est pas l’aspect négatif, c’est la puissance de la grâce qui agit !
Quand un médecin doit amputer une jambe, il regarde l’ensemble du corps, il n’attend pas que la gangrène ait tout pris !
Nous sommes appelés à la même chose : il faut savoir des fois retrancher les éléments, mais de voir que c’est pour le bien du corps, le bien de l’ensemble, pour avancer ensemble, et pas s’attarder aux maladies ou aux difficultés ! Les assumer et avancer ensemble.
Et là, de vivre de cet amour avec Jésus ; et de témoigner de cet amour par notre vie ; et de recevoir cet amour des autres par l’attitude des autres, le don des autres, mais aussi en sachant donner de notre vie ; et plus radicalement de savoir donner notre vie par amour.