Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui encore, on nous parle dans l’évangile, de Jésus qui guérit, comme si souvent dans les évangiles. Dans l’évangile de Saint Marc, on trouve quatorze récits de guérison et une quarantaine de récits de guérison dans les quatre évangiles. Comme si le fait de guérir était l’activité principale de Jésus.
Or, il ne faut pas s’y méprendre. Ce que Jésus est venu guérir : c’est sauver ! C’est le cœur de l’homme éloigné de Dieu par le péché que Jésus veut guérir. Disons-le d’emblée, le désir de Jésus est de communiquer à l’homme la liberté perdue, la liberté retrouvée d’aimer son Père, d’aimer lui, Jésus, d’aimer nos frères. Ce qui opère à la guérison spirituelle, c’est de choisir d’aimer, c’est de se stabiliser dans le don de soi-même.
Jésus n’est pas un thaumaturge (nous le redirons tout à l’heure), il l’est de façon particulière, il est avant tout le Sauveur. Notre guérison, frères et sœurs, ne saurait être que le fruit de notre union à l’abandon filial de Jésus, doux et humble de cœur.
Saint Augustin dit que le Verbe s’est fait chair, il s’est rendu visible, pour guérir en nous ce qui était capable de voir le Verbe. Ce qui doit être guéri avant tout en l’homme, c’est sa relation avec Dieu.
Le premier enseignement des miracles opérés par Jésus – à travers le récit que nous venons d’entendre et tous les récits de guérison – c’est que l’existence humaine est corporelle. Pour Jésus, le corps n’est pas un vêtement temporaire que l’on quitterait après la mort. Jésus va au-devant des malades, il y a là pour lui une occupation digne de lui. Mais nous voyons que Jésus ne s’arrête pas au corps souffrant, il va vers les misères morales ou les déficits spirituels qui souvent résultent des épreuves psychiques, car il y a un lien étroit entre le corps et l’âme, entre le corps et le psychisme, nous le savons. Et cependant, on n’a pas l’impression que Jésus s’attache au corps des malades comme un moyen d’accéder à leur âme, à leur vie intérieure ; car en son Fils Jésus, Dieu manifeste qu’il attache du prix à la dimension corporelle de notre vie qu’il a assumée lui-même en son incarnation. Comme le répètent à l’envie les Pères de l’Église : « Le semblable est sauvé par le semblable » : à savoir que puisque Jésus a eu un corps et que ce corps est saint, ton corps est appelé à devenir saint de la sainteté de Jésus. Et tous les sens de notre corps sont guéris par le corps de Jésus, car il a tout assumé de l’homme en sa corporéité.
Un second enseignement est que : dans cette dimension corporelle de son être, l’homme est à la fois remis à lui-même et confié aux autres. « Prends ton grabat, dit-il au paralytique, et marche ! » : prends-toi en main à ton tour ! Les bénéficiaires des miracles sont appelés à se prendre en charge (dans l’évangile de ce jour : la fièvre la quitta et elle les servait), appelés à se responsabiliser par rapport au retour à la santé.
« Va et témoigne de tout ce que j’ai fait pour toi », dit-il souvent aux paralysés, aux malades, aux lépreux : « n’en reste pas au bien-être de ta guérison ».
Celui qui est guéri ne reste pas seul. Il devra lui-même se préoccuper de ses semblables dans le besoin. Jésus nous renvoie toujours à nos propres mains.
Il y a là, frères et sœurs, toute une conception du rapport entre Dieu et l’humain. Dieu rend à notre humanité sa vocation première, qui est de chercher en toute chose la gloire de Dieu, d’être le liturge du cosmos, comme disent les Pères d’Orient.
Un autre enseignement est que la mission de Jésus n’est pas seulement de guérir mais, étant le Rédempteur, de sauver. Les guérisons opérées par Jésus montrent que l’existence humaine est promise à rien de moins que la résurrection de la chair et la vie éternelle.
Les malades guéris par Jésus l’ont été en signe de la résurrection bienheureuse qui nous attend. Les actes de Jésus n’apportent pas seulement la guérison, mais le Salut. À travers ses miracles, Jésus qui s’est fait proche de nous, offre à tout homme une résurrection d’entre les morts et la vie éternelle où toute maladie sera vaincue, toute mort engloutie, toute larme effacée.
Et celui qui bénéficie de la guérison, bénéficie par sa foi en Jésus de la grâce permanente du Dieu vivant qui ne veut que faire vivre : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il vive ». On voit souvent Jésus, avant d’opérer une guérison, demander : « Que veux-tu ? Veux-tu guérir ? Crois-tu que je peux guérir ? ». L’homme est toujours responsabilisé, rien de magique ! Dieu veut toujours relever l’homme, le ressusciter, le faire entrer dès aujourd’hui dans une vie nouvelle, dans la vie divine.
Ceci suppose que Jésus n’est pas seulement un grand thaumaturge, il ne sauve pas en restant à distance. Il s’est fait sur la terre proche de nous, prenant sa part de souffrance, partageant notre mort – et quelle mort ! – pour vaincre sur leurs propres terrains, toute maladie, toute désespérance, toute souffrance, toute mort. La descente de Jésus aux enfers et la résurrection dans la gloire signifient la victoire définitive du Dieu de notre foi. Par la mort, il a vaincu la mort !
Il continue son œuvre de guérison jusqu’à la fin des temps. Non seulement guérison des corps, mais guérison de l’âme, guérison de tout ce qui nous éloigne de l’amour de Dieu. Le mot employé par les évangiles « guérir », en grec dans les évangiles, est le même mot qui signifie « sauver » : lien étroit entre la guérison et le Salut – ce salut apporté par Jésus, nous en sommes participants dans chaque Eucharistie, puisqu’en recevant le Corps du Christ, nous recevons les prémices de notre propre corps glorieux à venir.
Et déjà, nous sommes participants de cette Vie divine et nous en rendons grâce.
Amen.