Homélie du Dimanche 28 Juillet 2019
17ème dimanche du temps ordinaire – Année C
Par le Frère Jean-Marie
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé
Frères et sœurs en Christ,
Quelle joie… quel réconfort… quelle stabilité… de recevoir Dieu pour Père.
Jésus nous révèle que nous sommes aimés. Tous et chacun, voulus par Dieu et aimés de Lui. Jésus, le Fils unique, le Bien-aimé de toute éternité, Celui qui vient de Dieu, l’Envoyé du Père, nous révèle que Dieu est Amour et que cet Amour concerne chaque être humain, sans exception.
Si la première Alliance, l’Ancien Testament, manifestait déjà la paternité de Dieu, celle-ci désignait surtout, et avant tout, la paternité de Dieu envers le peuple choisi, Israël. Puis peu à peu, ce lien privilégié s’est adressé, selon la pédagogie divine, à chaque croyant, membre de ce peuple.
Avec Jésus, cette paternité de Dieu est non seulement confirmée mais plus encore, révélée ! Révélée comme lien vivant de Dieu avec son peuple mais aussi, et fondamentalement, comme lien vivant avec chaque disciple du Christ. Jésus nous dit dans St Jean « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera (dans l’Eucharistie, le Pain de Vie) vivra par moi. »
Nous avons un Père dans les cieux. Et ce Père est Amour, source et principe de l’Amour. Sa Personne de Père est caractérisée par une relation, une relation éternelle. Une relation éternelle d’engendrement de la Personne de son Fils, dans un Amour qui est lui-même une Personne divine, l’Esprit Saint, dans la Trinité de joie et de paix de l’Être divin. Dieu unique en trois Personnes.
Jésus nous révèle « qui est Dieu », et l’appel, l’invitation pressante, humble et solennelle, d’entrer dans ce Mystère divin, d’entrer dans cette filiation divine.
Déjà par notre conception humaine, nous sommes enfants de Dieu, enfants de ce Dieu créateur de l’univers et de l’humanité. Mais Jésus nous révèle, nous manifeste et nous introduit dans le Mystère même de l’Être de Dieu. Lui, le Fils, l’Un de la Trinité, vient à nous, se fait proche, le plus proche, pour nous introduire dans sa filiation, pour devenir en lui, enfant du Père, dans la vie propre de la Trinité Sainte indivisible et éternelle.
Frères et sœurs, Jésus nous apprend à vivre en communion permanente avec Lui et par là, entrer dans notre être filial, dans la Vérité et l’Amour de l’Esprit Saint, dans la vérité de l’Amour et l’amour de la Vérité. Tout homme est appelé à trouver et à vivre de cette relation filiale avec le Père du ciel, avec son Père. Cette relation n’a rien en commun avec une quelconque oppression, limitation ou servitude ou dépendance servile. C’est l’accueil vivifiant de ce lien d’Amour qui est à la racine de notre être et nous attire vers Celui qui est notre Créateur et notre Sauveur et qui nous maintient dans l’Être.
L’acte créateur continue et continuera éternellement ; il nous maintient dans l’Être et nous introduit dans la communion de l’Amour trinitaire. C’est le but de notre vie personnelle, c’est le but de l’humanité. Être Père…
Pour comprendre ce lien filial qui nous a été donné au baptême, nous pouvons regarder ce qui caractérise la paternité humaine.
C’est par analogie – analogie voulant dire ‘une comparaison avec le meilleur d’une réalité’, qui est portée à l’infini et que nous transposons sur Dieu, en s’appuyant sur la révélation ; toute la théologie est basée sur l’analogie – que nous parlons de cette paternité divine.
Un père, c’est un homme : un homme, masculin. Un père est un homme qui d’abord a été fils, et s’est reçu comme tel d’un autre homme, qui était son père.
La paternité humaine se caractérise comme un lien, une relation, un maillon vivant, qui est d’abord vécu comme don reçu d’un autre pour soi : le don de la vie.
Être enfant, fils, fille d’un père…
Cet enfant va devenir à son tour père, père d’un autre qui n’est pas lui, mais qui vient de lui et qui les relie. Qui les relie tous deux à ceux et celles qui les précèdent. Dans ce grand mouvement de la vie, paternité et maternité sont inclues de façon complémentaire et irréductible pour manifester le visage plénier de Dieu et son Amour.
Un père…
Ici-bas, c’est d’abord un fils… qui assume sa propre filiation envers son père et sa mère, qui lui ont donné la vie ; avec cette responsabilité qui demeure selon le commandement divin « Honore ton père et ta mère ! ».
Ce fils va les accompagner jusqu’au bout du chemin du pèlerinage ici-bas ; avec ce sentiment de gratitude et de respect, d’amour et de joie. Être père ou mère, c’est un fait, un donné qui demeure pour toujours et de façon irrévocable.
Ce fils qui est devenu père, ou cette fille qui est devenue maman, continue d’assumer sa propre filiation mais avec une modalité autre, puisqu’il est devenu le dernier maillon qui relie au passé proche et le référent existentiel pour d’autres.
Être père…
C’est celui qui a donné la vie volontairement et par amour.
C’est celui qui continue à donner vie ; un fleuve qui transmet la vie ; un lien qui vivifie.
Une personne toujours présente, sur qui on peut compter quoi qu’il arrive.
Un socle, une fondation sûre.
Père…
C’est un être qui fait grandir, qui aide la croissance, qui protège la croissance ;
un être qui regarde de l’avant et prépare l’avenir ;
un être qui aide à bâtir, à se bâtir, afin que l’autre parte, grandisse et prenne le large de la vie et parte au grand large de la vie… et puisse porter le fruit que Dieu attend de lui.
Et qui est comme ce caillou blanc de l’Apocalypse, ce nom nouveau, cette vie nouvelle.
Si l’être humain peut vivre une si belle réalité, n’est-ce-pas plus vrai encore de notre Père du ciel…
Notre Père… quelle grandeur dans cette appellation, quelle profondeur, quel Amour !
Notre Père… quelle liberté ! Quelle sereine dilatation ! Quelle racine pour des rameaux si larges et si beaux !
Notre Père… ces mots qui nous enracinent dans le Cœur et l’Amour de Celui qui nous a créés ; qui a voulu notre être, notre personne, ce que nous sommes, ce que nous serons pour l’éternité.
Mais ce lien d’Amour s’élargit et s’élargit à tous. Cette paternité concerne également tous les autres ! Chaque membre de l’humanité et chaque membre de cette humanité recréée et ressaisie… ressaisie par la foi et le baptême ! Cette humanité nouvelle qui s’appelle l’Église !
Nous sommes enfants, et donc, frères et sœurs. Frères et sœurs de tous les autres, sans exception !
Celui qui est notre Père, et pas uniquement mon Père, nous constitue frères, sœurs, et membres à part, et membres entiers de cette humanité et de l’Église. Notre fraternité s’enracine dans l’unique paternité de Dieu. Sans ce lien avec Dieu, Créateur et Sauveur, la fraternité est un mot qui se vide de son sens jusqu’au tarissement complet, avec toutes ses conséquences…
Frères et sœurs, prenons le temps en ce jour du Seigneur. Ce temps qui est consacré à Lui, dédié à Lui, consacré à le servir, à le prier et à nous aider les uns-les autres, temps de gratuité, de partage et d’amour. Prenons ce temps en ce jour, en ce dimanche, de nous ressourcer et de nous reposer dans le Nom de Dieu : Père…
Si Jésus ressuscité demande à Marie-Madeleine d’aller annoncer aux apôtres – que Jésus qualifie de « mes frères » – « qu’il monte vers son Père et notre Père, vers son Dieu et notre Dieu », c’est que ce même Seigneur Jésus nous fait participer par son humanité Sainte à sa propre vie divine, tant sur la plan personnel que communautaire.
Frères et sœurs, nous croyons ensemble, nous espérons ensemble. Nous aimons et nous agissons ensemble.
À la fin de la prière eucharistique, le prêtre dira, en parlant des défunts : « reçois- les dans ton Royaume où nous espérons être comblés de ta gloire, tous ensemble et pour l’éternité, par le Christ, notre Seigneur. »
Dès à présent, nous entrons dans la réalité lumineuse du Mystère divin et du Royaume de Dieu, déjà présent.
Puisse la récitation personnelle et solitaire du « notre Père », comme son expression communautaire et liturgique, nous fasse gouter comme est bon le Seigneur… et qu’il est doux et bon de vivre ensemble comme des frères.