Homélie du dimanche 28 Octobre 2018

Fête de la Dédicace de l’Abbatiale

30ème dimanche du temps ordinaire – Année B

 

Par le Frère Jean-Marie

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur

Le style oral a été conservé

 

Frères et sœurs bien aimés, nous célébrons en ce Dimanche l’anniversaire de la dédicace de l’église Abbatiale du monastère de Sénanque. Nous ne connaissons pas la date de consécration et si un jour il y a une autre consécration, nous serons au moins fixés sur cette date.

Nous pouvons nous poser trois questions : qu’est-ce qu’une église ? Qu’est-ce que la dédicace d’une église et qu’est-ce que l’anniversaire de cette dédicace ?

Le mot « église » comme vous le savez veut dire « assemblée ». Une église est le lieu et l’espace dans lequel les fidèles, les croyants, les baptisés se rassemblent. Nous avons besoin de lieux pour nous rassembler, pour être à l’abri du froid, de la chaleur, de la pluie. Ils se rassemblent, nous nous rassemblons pour célébrer le culte public qui est à rendre à Dieu.

Dieu est Dieu.

Il y a une nécessité anthropologique, une nécessité fondamentale au niveau humain, de rendre un culte au Créateur ; à celui qui est la cause, le principe, la source de tout l’être, de l’univers entier et le donateur de la vie et la providence du monde.

Donc rendre un culte à Dieu est tout d’abord un devoir humain fondamental. De plus pour nous chrétiens, le rassemblement dominical – même s’il peut être quotidien, c’est souhaitable – est la manifestation de notre réponse à la fois personnelle et communautaire à l’appel du Christ qui nous convoque pour célébrer sa résurrection et la puissance de sa grâce. Œuvrant dans la célébration eucharistique qui actualise le mystère pascal de sa vie, sa passion, sa mort, sa résurrection et son ascension auprès du Père dans la puissance de l’Esprit, dans l’attente de son retour glorieux à la parousie.

Se rassembler suppose donc un édifice, une maison, une demeure, un temple dans lequel les baptisés viennent vivre et viennent exercer leur service liturgique de prières comme prêtre, prophète et roi.

La multitude d’oratoires, de chapelles, d’églises de cathédrales qui peuplent la France, témoigne de façon silencieuse mais éloquente que notre pays est marqué, structuré et enraciné par le christianisme et dans le christianisme.

L’église est donc le lieu, cet espace réservé à Dieu de façon particulière… réservé pour son culte, réservé à la prière du peuple de Dieu comme à la rencontre personnelle, silencieuse de chaque croyant avec son Dieu. Même si toute la terre, si tout l’univers appartient à Dieu – et tout est consacré à Dieu – il y a des lieux particuliers, privilégiés, singuliers qui lui sont appropriés. Cette église peut être modeste et simple, dépouillée ou richement décorée, humblement plantée au cœur d’un village, d’une localité ou bien solennellement construite au centre d’une ville… se déployant comme ces cathédrales du gothique flamboyant qui s’élancent vers le ciel entrainant toute l’humanité, entrainant les hommes vers le Très-haut, vers la transcendance, vers celui qui est le maitre du temps et de l’histoire. Si toute église est réservée à Dieu, quelle est alors la nécessité de célébrer, de faire une dédicace ? Et quelle est cette signification ?

La dédicace d’une église est la consécration singulière d’un édifice ; la majorité des églises ne sont pas dédicacées ou bien seulement l’autel a été consacré. La dédicace marque le temple de Dieu de façon solennelle, publique. La dédicace d’une église est comme le baptême de ce bâtiment.

Comme pour le sacrement du baptême, comme pour le baptême d’une personne, l’église au début du rituel de la dédicace (qui est le rituel le plus développé dans la liturgie catholique ; et la consécration d’une église prend entre trois heures et cinq heures à peu près)… l’église est aspergée d’eau bénite pour chasser le démon, pour purifier les lieux.

Ensuite la Parole de Dieu est présentée, annoncée par l’évêque de manière solennelle ; et après la liturgie de la Parole et la litanie des Saints, l’évêque prononce la grande prière consécratoire suivie de l’onction de l’autel et des murs de l’église par le saint chrême (le saint chrême qui sert aussi pour le baptême, la confirmation et le sacrement de l’ordre pour les prêtres et les évêques)… alors les cierges sont allumés sur l’autel et aussi sur chacune des douze croix de consécration représentant les douze apôtres ; enfin au milieu de la lumière et de l’encens – signe du Seigneur, lumière du monde et bonne odeur du Christ Jésus – l’évêque entouré des prêtres célébrants, et bien, pose l’acte central de la dédicace qui est la célébration de l’Eucharistie ; enfin après la communion eucharistique, l’évêque dépose pour la première fois l’eucharistie dans la sainte réserve, dans le tabernacle où les fidèles, la communauté chrétienne peut venir adorer, prier et rendre grâce à son Dieu… et alors Dieu demeure présent au milieu de son peuple.

Est-ce qu’une église peut être consacrée plusieurs fois ?

Oui, pour différents motifs, notamment à l’occasion de travaux importants qui toucheraient des éléments conséquents de l’édifice, mais aussi en cas de sacrilège : comme un crime dans une église où on est obligé de refaire la dédicace, même si elle est plus réduite, mais qui implique à re-consacrer le lieu qui a été souillé, profané.

Cette dédicace de l’église est fêtée chaque année au jour anniversaire de sa consécration et c’est l’occasion pour les fidèles (et pour les moines en particulier) de vivre avec plus d’acuité, de densité ce mystère de notre consécration personnelle par le sacrement de baptême et celui de confirmation.

Nous sommes les pierres vivantes de cet édifice qu’est l’Église – comme nous le rappelait St Pierre dans la lecture de tout à l’heure – non seulement l’église locale ou particulière comme le diocèse mais de l’Église universelle.

Frères et sœurs, si nous voulons que l’Église soit belle, pure, lumineuse et Sainte… c’est nous, chacun de nous et chacune d’entre nous qui sommes appelés à être rayonnants de la beauté de Dieu, de sa pureté, de sa lumière et de sa sainteté ; il importe peu que les cierges brillent et que les spots soient allumés si à l’intérieur nous sommes en état de péché !

Être participant de ses réalités divines à notre mesure mais réellement et en vérité. Il est important que nos églises matérielles soient nobles et belles, bien entretenues et propres, manifestant ainsi notre foi en celui qui en est l’Hôte.

Quelle crédibilité d’avoir des églises crasseuses, mal entretenues si nous croyons que le Créateur, le rédempteur est présent dans le tabernacle ? Et que nous offrons le Saint sacrifice ?

Mais il est encore beaucoup plus important que chaque baptisé soit en esprit, en vérité ce temple saint habité par l’Esprit Saint, cette demeure de Dieu qui rayonne et témoigne de son Dieu trois fois saint, Père, Fils et Esprit Saint.

Frères et sœurs, cette lumière et ce témoignage se manifesteront par la prière personnelle et dans l’assemblée liturgique qui célèbre le mystère de l’Alliance du Christ avec son épouse, avec son corps – de la nécessité de venir chaque Dimanche célébrer l’Eucharistie, c’est une obligation d’amour, de cohérence – mais aussi dans le service des frères, surtout des plus faibles et des plus pauvres et de tout être humain en souffrance… car le Christ n’a aujourd’hui d’autres mains et d’autres pieds comme le disait Chrysostome au IVème siècle que les nôtres pour servir nos frères en humanité.

Il y a des actes que nous devons poser, et si nous ne les posons pas, personne ne les posera à notre place !

Frères et sœurs bien aimés, demandons la grâce aujourd’hui, ce matin, d’être à nouveau saisis par le Christ Jésus et de bruler de son amour, de ce feu qu’il est venu répandre pour nous et par nous dans le monde ; et de devenir signes éloquents de sa présence dans le monde, comme nos églises de pierre sont des signes de sa vie et de son action pour les hommes.

Amen !

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