Homélie du Dimanche 29 Septembre 2019
26ème dimanche du temps ordinaire – Année C
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé
Comment cela se fait-il, que le juste n’est pas reconnu comme juste, et que tout sourit dans la vie à celui qui se moque de la justice ?
Comment se fait-il que le riche, qui s’enrichit sur le dos du pauvre, devienne de plus en plus riche, et que le pauvre, gisant comme Lazare à la porte du riche, devienne de plus en plus pauvre ?
Ces questions toujours actuelles, aujourd’hui, frères et sœurs, traversent toute la Bible d’un bout à l’autre. On y entend le problème douloureux : c’est trop souvent le méchant qui prospère alors que le juste souffre. Le prophète Jérémie l’exprime à Dieu avec véhémence : « Je voudrais seulement débattre avec toi, Seigneur, un point de justice : pourquoi le sort des méchants est-il prospère ? Pourquoi tous les perfides goutent-ils la paix ? »
Nous sommes, nous-aussi, quotidiennement affrontés à la question du bien et du mal, de la justice à l’injustice. Et nos réactions recouvrent un large spectre depuis celui qui dira « Qu’ai-je fait à Dieu, pour que cela m’arrive ? », jusqu’à celui qui dira comme Job : « le Seigneur avait donné, le Seigneur a repris ; que le Nom du Seigneur soit béni ! »
Ce qu’un père du désert, St Macaire, commentait en ces termes : « Job semblait posséder beaucoup mais quand il fut éprouvé par le Seigneur, il apparut qu’il ne possédait rien sinon Dieu seul ! ».
En effet, frères et sœurs, notre vraie richesse, c’est Dieu !
« Dieu qui dans le Christ, de riche qu’il était, s’est fait pauvre », comme dit Paul, « pour nous enrichir de sa pauvreté ». Ce que nous appelons « richesse » n’est qu’apparence. Jusqu’à ce qu’il entre dans le sein d’Abraham, qui n’est pas l’enfer (le sein d’Abraham : un lieu d’attente, de purgatoire, avant la lettre), ce riche ne savait pas que, dans le fond, c’était lui qui était vraiment pauvre, dans son identité propre.
« N’allez pas croire que les pauvres sont seulement ceux qui manquent d’argent. Dans qui que ce soit, un pauvre se cache. C’est là qu’il faut le découvrir. » dit St Augustin, le célèbre évêque d’Hippone.
Reconnaitre cela, c’est déjà avoir fait un grand pas dans la connaissance de soi, donc dans la connaissance de Dieu. Car on ne peut connaitre Dieu sans se connaitre soi-même !
La réponse ultime à cette question du mal, de l’injustice, nous est donnée par la venue en notre monde de Jésus. Sa souffrance innocente est un scandale, « une folie » dira St Paul. Or la foi simple et docile, nous enseigne le Nouveau Testament, l’aumône, la prière et le jeûne, recevront une récompense certaine mais discrète. « Quand tu donnes un festin, dit Jésus, invite des pauvres, des estropiés, des aveugles ; tu seras heureux parce qu’ils n’ont pas de quoi te rendre ; en effet, cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Le riche de l’évangile de ce jour, frères et sœurs, n’a rien fait de mal mais il a seulement – si j’ose dire – péché par omission : en ne voyant pas ou en ne voulant pas voir le pauvre qui se tenait à sa porte et que peut-être il enjambait chaque jour, chaque matin, en sortant de sa maison. Peut-être, me direz-vous, nous n’avons pas vocation à soulager toutes les misères que nous rencontrons sur notre chemin, et elles sont nombreuses.
Le don d’argent n’est pas la seule aumône à l’égard de notre prochain dans la difficulté. Un regard, un sourire, une main tendue, une écoute bienveillante, une parole qui fait du bien, sont autant de formes d’aumônes dans un monde, nous le savons, où tant de personnes souffrent de se sentir isolées, marginalisées, voire méprisées.
Avec le Christ, il y a renversement des valeurs, « Venez éprouver ma pauvreté… » fait dire au Christ Philoxène de Mabboug au VIème siècle, « Venez éprouver ma pauvreté ! Votre richesse est une richesse. Ma pauvreté est la richesse. Ce n’est pas une grande chose que la richesse soit appelée une richesse, mais ce qui est admirable et grand, c’est que la pauvreté est la richesse et l’humilité, la grandeur. »
Oui, frères et sœurs, la réponse de Dieu aux interrogations de l’homme… d’où nous venons d’évoquer quelques aspects… la réponse de Dieu est le Don gratuit de lui-même qui dépasse toute attente et tout mérite.
« Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi, et qu’il boive celui qui croit en moi »
Comme le riche de l’évangile de ce jour, tant d’hommes aspirent à se rafraichir dans la fournaise de ce monde à une source qui vient vraiment les désaltérer. C’est la mission de l’Église, donc la nôtre, de leur révéler celui qui a dit : « Celui qui a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive ».
Mais comment donner de cette eau, sinon en nous en désaltérant nous-mêmes ? De cette eau qui est offerte gratuitement par l’Esprit que nous avons reçu.
Comme dit St Grégoire de Nysse : « La source a soif d’être bue ! ».
Que le Seigneur, qui désaltère les pauvres comme les riches, nous entraine à sa suite dans la grâce de cette Eucharistie.
Amen !