« Ne crains pas, crois seulement »

Le Seigneur Jésus nous appelle ce matin à bannir toute crainte de notre vie, et plus encore la peur et l’angoisse. Dans la Bible, le mot « craindre » peut avoir deux acceptions. Tout d’abord craindre l’avenir, craindre divers problèmes, mais aussi il peut avoir le sens de respect envers Dieu ou envers les autres : « révérence », « délicatesse », « respecter Dieu », craindre Dieu par égard à sa sainteté, avoir cette délicatesse d’âme et d’attitude. Le Seigneur Jésus nous appelle à éliminer la crainte qui est une peur de l’avenir ou des circonstances, ou l’angoisse. La peur demeure objective : j’ai peur de tomber dans un trou qui est devant moi, l’angoisse est diffuse, l’angoisse n’a pas d’objet. C’est un élément qui est hypertrophié à partir de la peur et qui se répand dans tout le psychisme et qui peut paralyser, bloquer la respiration.

Nous sommes appelés à évacuer dans la foi toute peur, toute angoisse, toute crainte. Le Seigneur Jésus nous appelle à la confiance. Faire confiance à Jésus, c’est-à-dire se fier à lui en tout et en toutes circonstances. Jaïre a de quoi avoir peur et de craindre : « sa fille est malade, elle vient de mourir ». Il y a de quoi être ému mais le Seigneur Jésus (qui capte ces paroles des envoyés qui viennent annoncer à ce papa la perte de sa fille) tout de suite le ressaisit en quelque sorte dans son être le plus profond. Il lui demande de faire confiance au-delà de la réalité vécue. Il ne s’agit pas d’évacuer la réalité. Sa fille est réellement morte. Jésus vient chercher cet homme (et son épouse) dans la réalité la plus difficile à vivre, ou un des éléments les plus difficiles, dans l’existence humaine : la perte d’un enfant. Le Seigneur nous appelle à la confiance, quels que soient les éléments, les événements, les circonstances, la violence que nous pouvons vivre au creux de notre vie.

Oui, nous sommes appelés à la confiance, comme cette femme qui a ces pertes de sang, avec en arrière-plan dans la Bible tout l’aspect du sang. Les pertes de sang rendaient la personne impure au niveau rituel. Cette femme, en plus d’être malade, d’avoir dépensé tout son argent (il n’y avait pas la protection sociale à cette époque-là), est considérée comme une femme impure. Elle est pénalisée à tous les niveaux.

Nous sommes appelés à faire confiance, même quand tout semble s’effondrer autour de nous, quand nous avons des pertes de sang (de manière symbolique), quand nous avons tout perdu, quand nous avons une espérance à visibilité limitée. Oui, nous sommes appelés à faire confiance à Jésus en toutes circonstances !

Frères et sœurs, les lectures de ce dimanche nous rappellent que Dieu est amour. Il est amour et il nous aime. « Que craindrons-nous ? » nous dit Saint Paul. Oui, nous sommes là au cœur de la vie chrétienne, de la vie baptismale. Dieu est amour, il se révèle : cette autorévélation de Dieu qui dit qu’il est amour, non seulement qu’il est amour mais qu’il nous aime. Il nous touche par sa miséricorde. Oui, Dieu vient nous rejoindre au cœur même des épreuves.

Il permet des épreuves, il ne les veut pas, mais il les permet. La différence entre la volonté de Dieu et la permission divine consiste dans le fait que Dieu veut et ne veut que le bien, et le bien de l’être humain et de chaque être humain. Dieu ne veut pas le mal, ne peut pas vouloir le mal ni le péché. Mais Dieu permet des circonstances afin de nous rééduquer, de nous soigner, afin de nous orienter vers lui qui est la finalité de notre vie. Si Dieu, et c’est une certitude, ne veut pas le mal ni le péché (qui sont rentrés dans le monde par la jalousie du démon, par le diable, qui a fait rentrer dans le monde la mort), nous sommes appelés à recevoir dans notre vie ce que Dieu permet pour nous réorienter vers lui. Nous pourrions prendre l’analogie d’un médecin ou d’un traitement médical. Le médecin ne veut pas faire du mal à son patient, à son malade. Il veut le guérir, mais il peut employer des éléments nécessaires et douloureux tels qu’une opération chirurgicale importante, avec des conséquences importantes, avec des médicaments qui vont avoir un effet sur la vie de la personne, mais tout cela dans le but de le guérir, de lui redonner santé et de reprendre une vie normale.

Le Seigneur agit envers nous de la même manière au niveau surnaturel et au niveau existentiel. Dieu ne veut pas le mal, il ne veut pas que nous soyons touchés par les épreuves, mais il peut les permettre afin de nous rééduquer, de nous soigner, afin d’éviter une séparation définitive d’avec lui. Il y a des maux qui nous semblent injustes, et qui le sont, mais qui sont sources de salut à long terme (comme une radiothérapie, une chimiothérapie, si on peut faire cette analogie !) Nous sommes appelés à accepter cette permission divine et à comprendre ce que Dieu attend de nous à travers ces événements pour nous tourner vers lui. Car nous avons tendance à nous enfermer dans un petit bonheur à court terme : nous pourrions être rentrés dans une impasse, dans une voie sans issue, tout heureux de trouver un petit bonheur immédiat. Le Seigneur nous attend pour un bonheur éternel. Ce bonheur éternel suppose une adhésion, un consentement de notre part. Dieu s’adresse à des êtres humains libres, aimants, volontaires. Dieu ne violente personne. C’est l’être humain qui fait violence à son prochain. Dieu respecte notre conscience. « Il vient frapper à la porte » nous dit l’Apocalypse : « Je suis à la porte et je frappe. Celui qui m’ouvrira, j’entrerai »… Celui qui m’ouvrira ! Il ne force pas la porte de notre âme, de notre cœur. Il nous dit : « si tu veux ». À travers l’évangile sans arrêt avec ses disciples ou avec la foule, Jésus dit « si tu veux, si vous voulez ».

Le Seigneur nous appelle à exercer notre liberté par amour pour consentir à sa volonté. Il nous appelle à ce mystère de filiation. Dans la prière d’ouverture de la messe, qu’on appelle « la collecte », l’Église nous fait prier de prendre conscience et de vivre de l’adoption filiale, par le baptême : nous sommes devenus enfants de Dieu dans le Fils Unique. Cette filiation, nous sommes appelés à la vivre. C’est un mystère filial et d’alliance en simultané, et sponsal. Il y a ces trois aspects dans la Bible et dans notre vie de baptisé. L’aspect de filiation : nous sommes devenus par le baptême, fils et filles de Dieu (non pas simplement au niveau naturel voulu par Dieu) et nous sommes rentrés dans la dynamique trinitaire.

Puis, le Seigneur nous appelle à un mystère sponsal. Le Christ, qui est la tête de l’Église, nous appelle à répondre en formant son corps, mais plus encore en répondant comme une épouse répond à son époux (ce sont des images, évidemment).

Et enfin, le Seigneur nous appelle à vivre en alliance avec lui, comme co-responsable, comme collaborateur, comme coopérateur, d’œuvrer avec lui. Le Seigneur peut tout faire sans nous, mais il veut avoir besoin de nous ! Alors que dans ce dimanche, nous prenions davantage conscience que le Seigneur attend notre réponse.

Et nous pourrions terminer en retenant trois points.

Tout d’abord, de mettre en pratique ce matin : de faire confiance à Jésus, cette confiance totale, sans réserve, cet abandon qui est source de liberté et d’apaisement.

Puis, d’avancer sur le chemin de la vie. Le Seigneur nous demande de toujours marcher, d’aller de l’avant, de ne jamais s’arrêter. Vous savez, dans les grands froids, les gens qui s’arrêtent sont pris par le froid et ils meurent de froid, ils ne peuvent plus repartir. Eh bien, dans notre vie, nous risquons d’être pris par le froid de la vie, par les difficultés qui nous figent et qui risquent de nous entraîner vers la mort. Non ! Le Seigneur nous appelle à avancer : « marche, avance », et Saint-Benoît dans sa règle nous dit : « Cours sur les chemins des commandements de Dieu ».

Oui, avancer sur le chemin de la vie à travers les épines du chemin, les difficultés, la souffrance humaine, mais d’avancer, et surtout de nous tourner vers le Seigneur. Nous n’avançons pas à l’aveuglette, dans le vide, dans l’inconnu ; nous avançons vers Jésus. Confiance en Jésus, avancer, être orienté vers Lui.

Et enfin, conduire nos frères à Jésus, apporter nos frères à Jésus. Leur apporter Jésus, mais les conduire à Jésus, afin qu’ils puissent le découvrir comme Celui qui est la source et la finalité de notre vie et de notre salut.

Lui qui est la lumière du monde, Lui qui est la vie de notre vie, Lui qui est le chemin, la vérité et la vie. Amen.

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