Chers frères et sœurs,

Les questions qui tournent autour de l’héritage familial dans l’histoire des hommes sont souvent source de conflits, hier comme aujourd’hui. Que de familles connaissent des drames qui parfois se transmettent de génération en génération parce qu’il y a eu une embrouille suite au partage d’un héritage familial…

Un homme avait un fils. Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de fortune qui me revient ». Jésus lui-même, on le voit dans les évangiles, a été pris à parti sur le sujet des héritages. Du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage ». Et Jésus de répondre par la parabole de l’homme riche dont le domaine avait bien rapporté et qui construit des greniers pour y accumuler tous ses biens. Mais Dieu lui dit : « Tu es fou. Cette nuit-même, on va te redemander ta vie ». Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même au lieu d’être riche en vue de Dieu ».

Frères et sœurs, cette parole du Seigneur « être riche en vue de Dieu » nous interpelle. Qu’est-ce que cela signifie, être riche en vue de Dieu ?

Cette parole nous rappelle que notre bonheur fondamental, essentiel, ontologique, c’est de vivre dès ici-bas de la vie de Dieu, de l’Amour de Dieu, auprès de Dieu. Certes, nous avons toujours la liberté de partir, matériellement ou spirituellement, vers des pays lointains en quête d’un bonheur que nous pensons ne pas trouver là où nous sommes. Et il est parfois utile de faire ce détour pour redécouvrir en final que là où nous étions se trouvait la source du bonheur que nous cherchions, mais nous ne le savions pas ! Comme dit un proverbe arabe : ce n’est pas le puit qui est trop profond, c’est ta corde qui est trop courte.

Au cœur de la vie chrétienne, frères et sœurs, et c’est fondamental, se trouve toujours la liberté. Liberté pour l’enfant cadet, dans la parabole que nous venons d’entendre, de faire sa vie, de découvrir par lui-même ce qui est bon pour lui, et personne ne peut faire cette démarche à sa place. Le service de Dieu, quel qu’il soit, c’est la parfaite liberté et non pas un esclavage. Mais pour découvrir cette liberté des enfants de Dieu, il faut souvent du temps dans un certain esclavage avant de le découvrir. Comme les fils d’Israël, qui après l’exode de la Mer Rouge (la sortie de la mer rouge), ont séjourné 40 ans dans le désert, avant de bénéficier de la terre de Canaan que Dieu leur avait promise, cette terre où coule le lait et le miel, comme dit la Bible. Il en est de même, frères et sœurs, dans le chemin chrétien de chacun d’entre nous. Au commencement, il est souvent perçu comme une sorte de servitude ; que de confidences sur ce sujet : « Mon père, après ma communion, ma petite communion, ma grande communion, après le sacrement de confirmation, j’ai tout laissé tomber et je me suis éloigné de Dieu, et j’ai fait ma vie ». Et le Seigneur n’abandonne jamais celui qui s’éloigne de lui, ou plutôt celui qui du moins pense être éloigné de Dieu.

Comme le père de « l’enfant prodigue », dont le cœur plein de compassion attend avec patience le retour de son fils, sans le juger, en souffrant de cette absence peut-être, mais sans lui envoyer de ‘sms’ pour lui dire qu’il est un mauvais fils ! L’enfant retourne à la maison paternelle… pour nous, cette maison, c’est l’Église… là où il a été plongé au jour de son baptême, dans les eaux qui ont fait de lui un enfant bien-aimé du Père. Cet enfant qu’il est toujours resté, quand bien même il dilapidait son bien dans un pays lointain. Et voici que cet enfant est accueilli à la maison du Père comme s’il ne l’avait jamais quitté. La patience du Père miséricordieux ! Oui frères et sœurs, la miséricorde de Dieu, c’est sa patience.

Mais après la fête du retour de l’enfant cadet à la maison, il y a la scène de son frère aîné, et là cela se passe mal. Le fils aîné se mit en colère et refusait d’entrer dans la maison en fête. Jalousie ! « Toi mon fils, répond le père à son fils aîné, tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi ».

C’est exactement, frères et sœurs, ce qui se passe au sein de la Trinité. Ce qui est le propre de chaque Personne divine circule entre les deux autres sans que pour autant elle soit dépouillée de ce qui fait qu’elle est telle Personne. Et c’est le Père qui fait le lien, la communion entre ses deux fils, entre le fils aîné et le fils cadet.

Cela nous enseigne que dans l’Église rien n’est bilatéral, parce qu’en tout nous sommes appelés à laisser venir et agir entre nous un tiers qui est Dieu, qui est le Christ, qui est le Saint-Esprit.

(Aparté pour les futurs mariés en retraite) Ainsi en est-il de façon particulière dans les couples unis par le sacrement de mariage. L’Alliance, et surtout le Don de Dieu dans le sacrement dont l’alliance est le signe, signifiant que l’amour qui circule entre l’homme et la femme trouve son accomplissement et sa beauté, sa plénitude en passant par le Cœur de Jésus qui est à l’origine et à la fin de tout Amour, y compris de tout amour humain.

Faisons nôtre cette parole que nous chantons chaque jour dans ce monastère dans l’hymne de Vêpres durant le carême :

« Seigneur, décèles en mon cœur la source des larmes. Toi qui m’attendais, ouvre-moi les bras, accueille-moi à la table de fête, donne-moi le vin pressé à la croix ».

Cette table de fête, frères et sœurs, c’est celle qui a été dressée pour l’Eucharistie que nous allons maintenant célébrer.

« Ouvre-moi la porte de la maison, revêts-moi bientôt de la robe blanche, d’une huile de joie parfume ma tête, et l’anneau des noces, mets-le à mon doigt ». Amen.

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